IV

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à écouter avec le chapitre.
bonne lecture.
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C'est finalement une semaine après que j'ai eu des nouvelles d'Isaiah. Mais ce ne fut pas celles que j'espérais.

Je n'avais pas perdu espoir. Jusqu'à la dernière seconde, j'ai vraiment cru le revoir. Cette matinée-là, les cours étaient encore plus ennuyants que les autres jours. Il était impossible pour moi de rester concentré plus de dix minutes. Je voulais être partout ailleurs sauf ici. Il ne quittait pas ma tête. Je ne cessais de me dire que j'aurais du aller au commissariat plus tôt, que j'aurais du en parler à quelqu'un, à mes parents, à un professeur. Isaiah ne l'aurait jamais voulu, il m'aurait retenu sans aucune hésitation, je le sais. Je ne l'ai donc pas fait.

On a alors interrompu le cours, on a toqué à la porte. Le directeur est entré, le visage tombant. Il s'est approché de notre professeur et lui a chuchoté quelque chose à l'oreille. Nous l'avions tous senti, que quelque chose n'allait pas, que la manière dont notre professeur avait posé une main sur son coeur était particulière et annonçait quelque chose de tragique. Je me suis penché en avant sur mon bureau, comme si cela allait m'aider à comprendre ce qu'ils étaient en train de dire. Ils nous ont alors jeté un regard, sans parler puis le professeur m'a regardé un peu plus longtemps, avant de fixer la place à côté de moi, celle d'Isaiah.

— Hum...

Il se racle la gorge, comme si les mots étaient bloqués dans celle-ci.

— C'est une triste nouvelle que j'ai à vous annoncer là. Un de vos camarades, Isaiah est décédé...

A la fin de cette phrase, il est impossible pour moi de comprendre ce qui a été dit ensuite. J'entends seulement un brouhaha désagréable d'élèves ébranlés face à ce qui vient d'être dit. Impossible pour moi de bouger, de dire quoi que ce soit ni même de respirer correctement.

Isaiah est absent depuis plus d'une semaine maintenant. J'ai essayé de l'appeler un nombre incalculable de fois, sans jamais recevoir de réponse. Il m'a dit qu'il ne s'enfuirait pas, qu'il avait son problème à régler, qu'il allait me revenir.

Tu m'as sauvé, merci...

Alors où es-tu ? Je t'ai sauvé, alors pourquoi n'es-tu pas à mes côtés, depuis une semaine. Pourquoi m'écrire ça, tout m'avouer pour m'abandonner, comme si j'étais impérméable, comme si je ne ressentais rien.

Je sens une main sur mon épaule, tandis que je n'arrive plus à respirer. J'essaye de me rappeler comment on est censé inspirer puis expirer, pour survivre, mais tout mon être m'en empèche, comme pour me forcer à le rejoindre.

— Il faut que tu respires.

On me tape dans le dos à plusieurs reprises.

— Ecartez-vous, laissez-lui de l'air.

J'en cherche de l'air, mais impossible d'y avoir accès. Je cherche autour de moi de l'aide, en silence. J'appercois ma mère, soudainement, apparaitre dans l'encadrement de la porte. Elle slalomme entre les tables pour me rejoindre. Je tends une main vers elle, desespéré.

— Je suis là, je sais, je sais.

Elle sort une ventoline de son sac et me l'enfonce dans la bouche. Un coup sec et ma cage thoracique se libère. Je tousse sans pouvoir m'arrêter, tandis que je reprends enfin mes esprits.

Isaiah est mort.

Mon coeur me fait mal, il brûle, c'est terriblement douloureux. J'ai une soudaine envie de vomir, mais tout est bloqué.

— Maman...

Elle n'hésite pas une seule seconde à me prendre dans ses bras, tandis que je pleure contre sa poitrine, le coeur déchiré. Elle me serre encore plus fort, pour me calmer. Mais je ne serais plus jamais apaisé.

Ce jour-là, on m'a annoncé la plus tragique nouvelle de ma vie. J'avais perdu mon seul ami, mon être secrètement aimé. J'ai perdu du temps à avoir peur, à me chercher, à douter, tandis qu'il m'attendait simplement. Isaiah était la seule personne qui ne m'avait jamais abandonné. Il était le seul à m'écouter me plaindre des heures durant sans rien dire. Il se contentait simplement de me regarder, le regard lumineux, interessé, le sourire aux lèvres. J'étais pour lui ce qui l'éloignait de sa triste vie, de son quotidien douloureux, de son mal-être intérieur et du démon qui le tuait à petit feu.

Isaiah avait été retrouvé dans un ravin, dans le parc de la ville, enveloppé par la neige. Il avait pris les plaquettes de médicaments dans son sac et avait avalé toutes les pillules. Isaiah était épuisé. L'espoir d'une nouvelle vie qui naissait en lui s'était éteinte après le discours de son démon. Il avait abandonné. Il s'était simplement endormi, fatigué.

Finalement Isaiah n'aura jamais trouvé sa place sur cette terre.

Fin.

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