Oyez ! Oyez ! Approchez ! Venez voir l’incroyable cirque itinérant présent seulement aujourd’hui dans votre bonne ville de Paris ! Venez voir les incroyables créatures présentes ici ! Venez découvrir l’inhumain chez l’humain ! Venez voir les monstres humains !
- Qu'est-ce que cela père ? Demanda un jeune garçon dont la main droite était accrochée à celle de son accompagnant tandis que l’autre tenait fermement une sucette à la taille démesurée.
- Rien qui n’en vaille la peine, je le crains. Avec le temps tu apprendras que ces “crieurs” n’ont pour seul but que d’ameuter le plus grand nombre d’ignorants possible et …
- Toutes mes excuses monsieur. Dit le crieur qui les avait entendus. Je n’ai pu ne pas entendre ce que vous disiez à ce jeune homme, et si je me permets d’intervenir de la sorte c’est pour corriger votre erreur. Certes il est vrai que j’ai pour mission de faire venir le plus grand nombre de visiteur possible, néanmoins il serait tout à fait incorrect de supposer qu’il ne s’agit là que d’un attrape-nigaud comme vous sembliez le suggérer à l’instant.
- Balivernes, rétorqua l’homme avant de saluer l’importun d’un geste sec de la tête et de reprendre sa marche. Seul un sot accepterait de débourser un sou pour assister à un aussi déplorable spectacle.
- Permettez-moi d’insister monsieur, et même de vous offrir vos places afin de prouver qu’il n’y a nulle supercherie à l’intérieur.
L’homme, dont l'intérêt avait été piqué au vif, se tourna vers l’enfant.
- Qu’en pensez-vous ? Souhaitez-vous découvrir ce qu’il se cache derrière ces tentures miteuses ?
L’intéressé, qui n’avait cessé de laper consciencieusement sa friandise tout en jetant des coups d’œil vers le chapiteau, hocha vivement de la tête pour manifester son envie. Ainsi l’affaire était entendue et tous deux franchirent les portes faites de tissus qui se refermèrent immédiatement derrière eux. Dès qu’ils se retrouvèrent à l’intérieur l’obscurité les envahit de toutes parts, comme si la lumière avait été supprimée, puis ce fut au tour de leurs odorats d’être assaillis par un fumet nauséabond dont la source ne leur apparut que lorsque leurs yeux se furent accoutumés à la noirceur des lieux.
L'endroit paraissait être bien plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur et son atmosphère lourde semblait peser sur les visiteurs comme une chappe de plomb si bien qu’aucune parole ne se faisait entendre. Autour d’eux ils virent, une fois leurs yeux habitués à la faible luminosité, des cages de tailles impressionnantes disposées de manière à ce qu’un parcours de visite se forme, tandis qu’au sol leurs pieds foulaient un mélange de terre et de paille pareil à ce que l’on pouvait trouver au sein des enclos.
C’était là une ménagerie qui paraissait, aux premiers abords, tout à fait banale. Comme celle que l’on pouvait visiter après avoir assisté à un spectacle de cirque traditionnel où les dresseurs de tigres et montreurs d’ours faisaient rêver petits et grands. Cependant lorsque le regard des deux visiteurs se porta sur le contenu des enclos ils furent saisis d’effroi, car rien de ce qu’avait pu dire le crieur ne les avait préparés à cela.
En effet, à l’intérieur de ceux-ci se trouvaient des créatures à l’allure étrange, monstrueuse. Des créatures pouvant sans nul doute être apparentées à la race des hommes, mais qui pourtant n’y ressemblaient que très peu, comme si des êtres humains avaient fusionnés avec des bêtes ou entre elles de manière à former des hominidés infernaux.
Plein de curiosité teintée de peur, le jeune garçon commença à lire les pancartes disposées devant les cellules tandis que son père lui tirait sans ménagement le bras afin d’échapper à l’exposition macabre.
- Femme à barbe, homme tronc, frères siamois, l’homme homard, Koo Koo la fille oiseau …
Enfin l’adulte atteignit son but et tous deux se retrouvèrent dans la lumière pure du soleil de l’autre côté du chapiteau, le souffle court.
- Père, pourquoi les animaux sont-ils en cage ? Demanda l’enfant après quelques minutes.
- Pour les sauver.
- Pourquoi ces humains sont-ils enfermés ?
- Ce ne sont pas des humains, seulement des humanoïdes monstrueux.
- Mais pourquoi les traiter de la sorte ? Sont-ils dangereux ?
- Je l’ignore, mais aimerai-tu les rencontrer en liberté ?
- S'ils sont méchants non, répondit l’enfant après un instant.
Durant cet échange ils avaient marché, reprenant le chemin de la foire et repassèrent devant le crieur qui les interpella une dernière fois.
- Qui est le plus à plaindre ? Celui qui n’a d’autre choix pour survivre que de faire commerce de sa chair, ou celui qui paie la “monstruosité” pour se rassurer de sa propre “normalité” ?
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Défi Ray Bradbury - Édition 2021
Short StoryLe défi Ray Bradbury qu'est-ce que c'est ? Il s'agit d'un challenge d'écriture dont l'objectif est de produire une nouvelle par semaine pendant un an. Un défi relevé en compagnie de : @Solyriana @Lena_Leena @ElisabethLuce @Magali32400 @Sina_Edole_Pa...