arabesques || bungou stray dogs

troisième jour [tachihara, gin]

Troisième jour : cold ; Tachihara, Gin (romantique)       
       
     
     
     
      
  

Tachihara se souvenait très bien de la première impression qu'il avait ressentie en prenant le pistolet entre ses mains ; la première fois qu'il en tenait un vrai.

Froid. Le métal noir et lisse de l'objet était glacé. Voilà ce qu'il avait pensé. Le fait qu'avec cet objet il prendrait des vies, que cette arme serait sa compagne de tuerie, ça ne lui avait au départ même pas effleuré l'esprit.

Il finissait à peine ses études au lycée, et du haut de ses dix-sept années passées sur cette Terre, ce qu'il voyait se limitait au concret : le froid du métal contre les paumes de ses mains encore tâchées d'encre bleue, dernier souvenir de sa vie d'étudiant.

Il avait fixé l'objet pendant quelques secondes, jusqu'à ce que le regard insistant du lieutenant le fasse revenir au monde réel. Le jeune homme avait alors rapidement rangé le pistolet dans l'étui accroché à sa ceinture, rajusté la veste noire à galons argentés de son nouvel uniforme et était sorti rejoindre les jeunes fraîchement recrutés et déjà équipés dehors, la tête haute, ravalant un sourire plein de fierté.

Tachihara Michizou avait dix-sept ans ; il accédait enfin à son rêve, celui de rejoindre l'Armée Noire.

***

Assis en compagnie de ses camarades soldats à l'arrière du camion militaire vert sombre et brun, Tachihara regardait l'étendue blanche qui constituait le paysage les entourant. On était seulement en décembre, pourtant les températures atteignaient déjà les négatives et les campagnes s'étendant à perte de vue qu'ils traversaient étaient recouvertes d'une épaisse couche de neige blanche, immaculée. Celle-ci continuait de tomber sous forme de gros flocons se déposant avec légèreté sur le sol, recouvrant les traces de pneus laissées par leur véhicule sur la poudreuse de la route.

Cette blancheur éclatante avait quelque chose de féérique, faisant presque oublier aux recrues de l'Armée qu'ils partaient rejoindre le champ de bataille pour la première fois. Leur faisant presque oublier que là où ils allaient, la neige blanche était depuis longtemps tâchée du sang écarlate des autres soldats, alliés comme ennemis. Que bientôt, celui de certains d'entre eux s'y ajouterait, souillant un peu plus la poudreuse qui leur apparaissait en cet instant si belle.

Lorsque le camion militaire ralentit quelques dizaines de minutes plus tard avant de complètement se stopper, Michizou se leva et s'étira de tout son long pour détendre ses membres ankylosés, restés trop longtemps inactifs. Suivant le mouvement de ses camarades, il sauta à terre et frissonna en sentant le froid mordant agresser son visage et s'infiltrer à travers le tissu pourtant épais de sa veste d'uniforme noire. Pour ne rien arranger, un vent glacial soufflait.

Mais le jeune homme aux cheveux couleur rouille oublia vite les températures hivernales. Ses yeux ambrés et brillants se posèrent sur la scène devant lui : des hommes et des femmes, semblants tous avoir entre une petite vingtaine et une bonne cinquantaine d'années, s'agitaient, faisant des va-et-vient entre les diverses grandes tentes de toiles se dressant au milieu de la campagne enneigée. Certains étaient en uniforme, d'autres portaient de simples pulls de laine par-dessus leurs chemises. Conquis par l'effervescence qui régnait dans le campement, il laissa un sourire étirer ses lèvres. Dans sa poitrine, il sentait son cœur battre à la chamade, se laissant gagner par l'excitation propre aux nouveaux soldats. Instinctivement, sa main rejoignit le pistolet, son pistolet, accroché à sa ceinture comme toujours. Ses doigts rencontrèrent le métal froid de l'objet et son sourire s'agrandit.

Tachihara Michizou avait dix-huit ans ; après près de sept mois d'entraînement, il allait enfin pouvoir faire son entrée sur le champ de bataille.