Partie II

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Vingt minutes plus tard — la brume ne nous permettant pas de rouler rapidement —, on commence enfin à y voir plus clair. Le brouillard se lève doucement — mais pas complètement —, et on peut distinguer les premières habitations.

— J'avais cru comprendre qu'il ferait beau dans ce patelin, mais on ne voit même pas le ciel ! s'exclame Héloïse tout en se penchant vers l'avant.
— Je t'ai dit que ce serait moins pire que sur la route, c'est tout, affirmé-je.

Ce séjour ne l'enchante pas et je comprends pourquoi : quelque chose me dit qu'on va aller de désillusions en déconvenues.

À mesure qu'on roule — avec une visibilité de trente mètres, pas plus —, je commence à avoir quelques souvenirs qui refluent. Toujours flous et imprécis, néanmoins, ils ont le mérite d'abonder.

— Tu m'as parlé de village, mais ça a plutôt l'air d'être une petite ville, non ? demande mon épouse.

Je hausse les épaules. Oui, peut-être. Pourquoi ai-je choisi de mentionner ce mot plutôt qu'un autre ? Probablement parce que j'ai toujours eu le sentiment, enfant, qu'un logis sur trois seulement était habité.

— Est-ce que tu peux me guider ?

Ce n'est pas tant une demande qu'une invitation à le faire. Le GPS ne capte plus — aucun réseau —, et même la vue satellitaire qui est censée se charger quoi qu'il arrive a planté. J'inspire doucement et je laisse mon intuition nous mener — je n'ai pas la moindre idée de ce que je cherche —, ma raison me dicte de nous trouver le lieu où nous allons passer la nuit. Doucement, le souvenir d'un vieil hôtel émerge. J'indique donc vaguement la direction de ce qui me semble être le centre de cette petite ville. Si ce lieu existe vraiment, il devrait se trouver là-bas.

— C'est étonnant : on est en plein été, pendant les vacances scolaires, il fait beau et chaud, l'après-midi bat son plein, et il n'y a pas un gamin dehors ! Ni personne d'autre, d'ailleurs ! constate Héloïse.

Je vois qu'elle fronce les sourcils. C'est vrai que c'est surprenant, mais ici, je trouve ça normal. J'ai toujours connu le bourg aussi silencieux : c'est même l'une des raisons pour lesquelles j'étais persuadé qu'il y avait moins d'habitants que de maisons.

— Peut-être que les gens ont quitté le coin pour aller s'installer dans une grande agglomération proche... cette ville me file déjà le bourdon — sans vouloir te vexer, chéri —, alors je n'ose pas imaginer l'état psychologique de ses résidents, poursuit-elle.

Je hoche la tête.

— Tourne à gauche, ici, dis-je subitement, me stupéfiant moi-même.

C'est sorti tout seul, j'ignore si c'est la bonne direction. Héloïse suit mes instructions sans broncher — elle est confuse, je sens que son esprit fourmille d'interrogations —, s'engageant sur la voie indiquée.

— Les rues sont vraiment très larges, c'est drôle, pour une si petite ville, dit-elle.
— C'est certainement parce qu'ils ont beaucoup de place. En tout cas, c'est toujours aussi mal entretenu... t'as vu la crevasse sur le trottoir, là-bas ? Ça pourrait être dangereux, annoncé-je en effectuant un signe de tête vers l'objet de mon attention.

Elle y jette un bref coup d'œil et acquiesce.

— Ah oui ! Je comprends mieux pourquoi les parents ne laissent pas trainer les enfants à l'extérieur !

On roule encore une centaine de mètres avant que je ne lui demande de se garer. Il n'y a aucune autre voiture à l'horizon. Ni sur la route, ni stationnée. Même si je ne vois pas à plus de trente mètres — à cause du brouillard —, je sais pertinemment qu'il n'y a pas de circulation. Il n'y en a jamais eu.

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