1- Sur la route

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— On se retrouve tous à Craignethan dans quelques heures.

Tout en parlant, Niall Murdoch selle son étalon et, d'un geste souple, monte sur le bel animal à la robe sombre.

Son compagnon, grogne un peu, crache sur le sol pour marquer son mécontentement et ne lâche pas les rênes. Son allure rude et grossière contraste avec la tenue écossaise impeccable de Murdoch. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle le groupe de messagers garde ses distances avec lui, l'admettant implicitement comme leur chef et contestant sans fin cette domination. Ils sentent que Murdoch est différent.

— Tu es certain qu'il sera là ? Nous n'avons pas envie de rallonger encore de deux jours le trajet. On ferait mieux de rejoindre directement Édimbourg.

— Je sais qu'il sera là. Le comte d'Arran visite ses terres et cela nous évitera un détour encore plus long dans quelques jours. 

— Comment tu sais ça toi ? 

L'écossais grogne ces mots agacé.

— Quelques voyageurs dont j'ai stimulé l'envie de bavarder à l'auberge lors du repas. 

Quelques pintes de bière offertes sont toujours un bon investissement. L'homme aime parler, c'est dans sa nature. Si on lui prête une oreille attentive, on apprend toujours des choses intéressantes.  Niall en est convaincu, mais ne développe pas ses explications. 

— Bien Murdoch. On te fait confiance. On se retrouve ce soir alors.

Il claque la croupe du cheval comme pour lui donner le signe du départ et évite de justesse les sabots de l'animal irrité de ce geste trop familier.

Niall s'éloigne au trot du campement provisoire où les hommes terminent leur repas.

Quelques mètres plus loin, le cheval fougueux ne renâcle pas lorsque son cavalier lui signifie d'augmenter l'allure. Tonnerre, l'étalon noir, comprend instinctivement la moindre envie de son maitre et lorsque Niall veut distancer ses compagnons pour profiter des dernières lueurs du jour, il s'exécute. Les sabots, ferrés avec soin, s'envolent, projetant le cheval à la robe sombre et son cavalier à une vitesse impressionnante sur la lande écossaise.

Chaque soir, Niall Murdoch apprécie de s'éloigner de la petite troupe d'hommes qui l'accompagne dans son périple écossais depuis quatre semaines. Ils ont quitté ensemble le palais de Whitehall, à Londres, pressés de distribuer le message royal aux lairds écossais. Niall aime bien ses compagnons, malgré leur rudesse et sûrement à cause de leur simplicité. Ce ne sont pour la plupart que de simples soldats comme lui, robustes écossais rompus à l'exercice de la guerre et prêts à sortir l'épée à la moindre provocation. Ils sont les bras armés de leur laird, qui ne leur demande guère de réfléchir. Aussi Niall, qui a vécu d'autres expériences, et connu des cours plus sophistiquées que les châteaux écossais, aime bien se retrouver parfois un peu seul. Ses chevauchées solitaires ne dérangent pas excessivement la troupe : elle sait qu'elle trouvera à la fin du jour un gîte prêt à les accueillir, auberge ou château, c'est selon. Niall, toujours premier arrivé, prépare le terrain et chacun y trouve son compte.

La terre, gelée en ce mois de février, résonne sous les sabots de la monture dont la robe commence à ruisseler de sueur. Niall lui intime alors, d'un geste inconscient des cuisses, de ralentir. Le calme régnant dans la lande lui suffit. Depuis son retour en Écosse, il y a deux ans, il ne se lasse pas de la liberté apportée par les grands espaces. Les villes européennes sont certes séduisantes, captivantes, mais leur saleté et leur encombrement perpétuel sont synonymes pour le jeune homme d'une sensation d'étouffement. Élevé sans contraintes, au château de Douglas par son mentor et tuteur William d'Angus, dixième comte d'Angus, Niall apprécie les grands espaces.

𝕷𝖊 𝖈𝖍𝖆𝖗𝖉𝖔𝖓 𝖘𝖆𝖚𝖛𝖆𝖌𝖊 (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant