3 - Palais de Whitehall

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Quatre mois plus tard - Dîner du solstice d'été.

Ajustant sa veste cintrée de velours gris discrètement ornée de passementeries bleues, Niall Murdoch avance au milieu de la foule pressée dans la salle de réception. L'atmosphère est étouffante. Des centaines de lampes allumées sur les tables et sur les appliques murales éclairent vivement les tapisseries qui couvrent les murs de pierre et les toilettes des dames, faisant étinceler les pierreries. La mode britannique n'encourage pas l'exhibition de la fortune, mais si les bras et les gorges sont dissimulés derrière de pudiques étoffes, ces dames ne résistent guère à orner leurs appâts de quelques diamants. 

Les caquetages étouffés des femmes derrière leur mouchoir de dentelles rivalisent avec les salutations exagérées des lords de la cour. Distribuant quelques sourires diplomatiques et dissimulant sa colère, Niall poursuit son chemin jusqu'à la salle où il doit être reçu par Charles Stuart. Croisant le regard du duc d'Arran, il le salue avec un peu plus de chaleur et surtout beaucoup plus de sincérité, mais ne s'arrête pas. Une jeune femme qui recule sans faire attention le bouscule et trébuche. Il la saisit par la taille, posant ses mains sur le riche tissu pourpre de sa robe de brocart pour la retenir alors qu'elle manque de tomber à ses pieds. La jeune femme se retourne, se libérant brusquement et jette un regard affolé sur celui-qui l'a touché.

— Désolée madame. Je me suis permis ce geste car vous alliez tomber.

Il ne mentionne pas qu'elle lui a écrasé le pied gauche avec ses talons, car son regard reste fixé sur l'adorable petite bouche naturellement rouge qui s'arrondit de surprise. Le visage de la jeune femme reflète alors une série d'émotions étonnantes, surprise, bonheur, crainte se succèdent dans son regard vert. Niall fronce les sourcils. Le teint pâle de l'inconnue rosit alors qu'elle recule pour instaurer une certaine distance entre leurs corps trop proches.

— Kate ? Je suis si surpris de vous retrouver ici !

Une voix interpelle la jeune femme derrière elle, la faisant sursauter. Sans même se retourner pour regarder celui qui l'appelle, elle rassemble son encombrante robe de ses mains afin de la relever un peu, dévoilant de fines chevilles, elle disparaît, se laissant happer par la foule en une seconde. Étonné, Niall reporte son regard sur celui-ci qui tente de la suivre dans la cohue d'un pas rapide. Seamus O'Connor. Il ne parie pas sur sa réussite, la jeune fille semble déterminée à le fuir. Niall connait un peu cet homme et ne l'apprécie guère, il semble aujourd'hui chasser un gibier qui n'est pas disposé à figurer à sa table.

Cette idée satisfait Niall sans trop savoir pourquoi. O'Connor est un laird imbus de sa personne qui ne prend guère soin de ses terres et de ceux qui sont sous sa protection, mais il ne peut rien lui reprocher de plus.

Secouant la tête pour évacuer cette amusante distraction qui lui a fait oublier les enjeux de la soirée pendant quelques secondes, Murdoch reprend son chemin et s'immobilise devant le cabinet royal. Sur le seuil, le chambellan inspecte sa tenue et sous le regard condescendant, mais approbateur de l'homme, Niall regrette de n'avoir pas suivi sa première intention et de n'avoir pas revêtu sa tenue d'apparat écossaise. Cependant, il n'est pas là pour agacer la susceptibilité d'un jeune roi, mais plutôt pour au contraire obtenir quelque chose de lui. Quelque chose de précieux. Sa liberté.

Attendant patiemment que le chambellan l'annonce, il observe Charles Stuart. Le jeune roi, n'a guère changé depuis l'époque où, prince héritier, il sillonnait en secret les routes d'Europe à la recherche d'une fiancée acceptable. Un petit sourire en coin éclaire le visage de Niall et soulage légèrement sa colère. Le roi ne soupçonnera jamais que lui, Niall Murdoch, petit écossais sans importance, est l'une des poussières responsables de l'échec de son projet de mariage avec Marie-Anne, infante d'Espagne.

𝕷𝖊 𝖈𝖍𝖆𝖗𝖉𝖔𝖓 𝖘𝖆𝖚𝖛𝖆𝖌𝖊 (en pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant