Les bottes maculées de boue résonnent sur le carrelage du hall de la demeure du comte d'Angus. Niall aurait préféré passer par l'arrière et se changer tranquillement dans les appartements que William a mis à sa disposition, mais les aller-retours vers Greenwich Park et le déplacement de Sweety au rythme lent de son pas boiteux, dans les écuries londoniennes de son ami ont occupé sa matinée. Il est en retard pour le repas de midi et ne peut pas différer son arrivée à table : Lucie de Choiseul, comtesse d'Angus est un petit monstre du logis qui ne pardonne pas aisément à celui qui est en retard à table. De plus, un peu de boue ne saurait l'effrayer.
C'est en souriant qu'il pénètre dans la salle à manger lorsque le majordome lui ouvre la porte. Il espère que son air avenant apprivoisera la dame. Depuis que la petite Leana est née, la comtesse, bien que toujours aussi charmante, ne semble plus aussi sensible au charme de l'ami écossais de son époux adoré. Captant le regard sombre qu'elle lui adresse, il choisit d'être humble.
– Je suis vraiment désolé et sollicite votre pardon, madame la Comtesse, j'étais au chevet d'une jeune jument blessée et ne pouvait l'abandonner même pour éviter la sanction et le déplaisir que je lis actuellement dans vos yeux.
La lueur de malice dans les yeux bleus de l'homme n'échappe pas à la petite comtesse blonde qui connait bien l'homme. Pendant les six mois où elle a hésité à céder aux avances du comte écossais, il a été bon conseiller. Il la connait, elle aussi, très bien et sait qu'elle ne supporte pas la douleur des chevaux et des êtres vivants en général.
— Que lui est-il arrivé ?
En posant la question, elle confirme qu'elle est tombée dans le piège et ne reprochera pas son retard au diable brun qui n'en fait toujours qu'à sa tête.
— La demoiselle s'est effrayée de plus petit qu'elle et a fait un faux pas. Elle récolte de sa couardise une belle entorse que j'y pris en charge. J'ai aussi pris la liberté de la placer dans vos écuries.
— Ce n'est donc pas une de nos juments ?
Tout en répondant, Niall a salué son hôte et ami, William, qui lui répond d'un signe de tête avec un air amusé. Son épouse obtiendra tous les renseignements qu'elle souhaite. Un couple d'amis, les Carter et leur fille sont présents aussi et Niall leur adresse un sourire d'excuse pour son retard. Puis son regard s'attarde sur le dernier convive et son sourire meurt sur ses lèvres.
— Non, c'est une jeune jument d'une... connaissance. Monsieur O'Connor. Je suis étonné de vous voir ici.
Si Niall n'avait guère l'intention d'en dire plus, la présence de Seamus O'Connor le dissuade même d'ajouter un mot.
— Je vois que vous vous connaissez. C'est bien. Il est venu te voir, et vu l'heure tardive, j'ai convié notre compatriote à notre repas, intervient William, alarmé par le regard froid de Niall.
— De vue seulement, je voulais vous entretenir d'un sujet qui me tient à cœur, Lord Murdoch, commence le jeune homme en se levant à demi.
— Je ne suis pas Lord, monsieur, suffira. Et je doute que notre charmante hôtesse apprécie que nous retardions encore le service. Nous discuterons plus tard.
La comtesse d'Angus jette un regard à son époux et d'un geste incite le premier laquais à servir les convives. Elle a reconnu le ton froid de Niall et ne souhaite aucun scandale, car les cris pourraient réveiller le bébé qui dort dans la salle voisine. Contrairement aux usages, Lucie veut garder son enfant à proximité et comme pour les jumeaux, veille de près sur leur éducation. Elle contrôle discrètement le service d'un cullen shink*, cuisiné, conformément à la tradition écossaise, avec du poisson fumé grâce à de la tourbe. Elle aime servir à son époux, les plats qui lui ont tant manqué lors de son séjour européen. Puis en hôtesse accomplie, Lucie lance un sujet de discussion qui ne peux que plaire à ses invités.
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𝕷𝖊 𝖈𝖍𝖆𝖗𝖉𝖔𝖓 𝖘𝖆𝖚𝖛𝖆𝖌𝖊 (en pause)
Historical FictionEcosse - 1626. Niall Murdoch est écossais et sillonne son pays afin de le préserver des troubles liés au voisin anglais alors que règne le roi Charles 1er, roi d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande. Cela lui permet d'oublier sa situation personnelle...