Chapitre 4 ☺

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Voici le 4ème chapitre ! J'ai pas mal réécrit celui-ci parce que je n'arrivait pas à lui donner le sens que je souhaitais. J'espère que cette version vous plaira !

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Mars 2020.

On se retrouve Place de la Nation. Malgré la grisaille, le lieu est joli. J'ai toujours aimé cette imposante statue, avec ses lions et ... qui est-ce tout en haut ? A vrai dire je l'ignore, mais ça ne fait rien. Il y a un peu de monde sur la place. Des gens qui passent. Des personnes qui attendent d'autres personnes. Un vendeur de fruits, avec des cagettes posées sur le sol. Des ados qui font du skateboard. Un couple de touristes qui semble perdu.

On prend une rue au hasard. On marche en regardant parfois les bâtiments qui nous entourent. On ne parle quasiment pas. Il a traversé la moitié de la France en train, mais il ne me parle pas. La frustration monte doucement en moi.

On arrive au Cimetière du Père Lachaise. Même si le lieu est particulier pour une balade, surtout par cette météo déprimante, on décide d'y entrer et d'aller voir la tombe de Jim Morrison. On circule dans les allées. Les tombes, les fleurs, les épitaphes se succèdent. Certains noms me sont inconnus, d'autres m'évoquent des pensées plus ou moins réconfortantes. On passe devant la tombe de Pierre Desproges.

Desproges a dit : La nostalgie, c'est comme les coups de soleil : ça fait pas mal pendant, ça fait mal le soir. (1)

Un avertissement de mon subconscient ? Dois-je m'attendre à terriblement souffrir de cette journée lorsqu'elle sera achevée ? Mon corps va-t-il me faire souffrir pendant quelques jours ? Ou au contraire, vais-je garder la chaleur de ce moment sur moi comme la caresse du soleil estival ?

Il y a des hordes de touristes qui se prennent en photo devant les mausolées, je trouve ça étrange. Il y a beaucoup de monde mais finalement la tombe de Morrison est plus sobre que ce à quoi je m'attendais. Des fleurs, des photos, mais rien d'extravagant.

Il y a un homme d'une cinquantaine d'années qui joue de la guitare enchantant The End. Quelques personnes pleurent en silence, d'autres accompagnent le chanteur dans sa mélodie. Plusieurs filment avec leurs smartphones. Ça doit arriver si souvent. Je me demande même si l'homme à la guitare ne va pas sortir un chapeau et faire la quête à la fin de sa représentation. Lorsqu'il enchaîne avec une autre chanson, Paul me fait un signe de tête et on s'éloigne.

Des tombes, des pensées, des questions.

Molière a dit : Un silence, voilà qui est suffisant pour expliquer un cœur. (2)

Dans ce cas, le légendaire manque de conversation de Paul est très équivoque ! Ça a toujours été ainsi, il attend toujours de moi que je lui exprime tout, mais lui est un véritable mur. Et encore, un mur laisse parfois échapper des sons ; lorsqu'on colle son oreille contre un mur, on peut entendre ce qu'il se dit de l'autre côté. Avec Paul, ce n'est pas aussi simple ... Pour savoir ce qu'il a dans la tête, il faut s'armer de patience. Si seulement il arrivait à me parler, peut-être que les choses iraient mieux entre nous.

Balzac a dit : J'ai assez d'amour pour préférer ton bonheur au mien, ta vie à la mienne. (3)

Ou est-ce cela la raison de son silence ? A-t-il fait le choix de me préserver en me laissant chercher le bonheur ailleurs qu'avec lui ?Ce serait son genre, m'aimer en silence et me laisser partir par peur de me faire souffrir. Il l'a fait au lycée, il a pu recommencer, des années plus tard.

Proust a dit : Soyons reconnaissants envers les gens qui nous rendent heureux. Ils sont les jardiniers qui font fleurir notre âme. (4)

Es-tu mon jardinier de l'ombre, Paul ?

     - Valentine, ça va ?

Pour toute réponse, je souris en acquiesçant d'un signe de tête. Toutes ses émotions me donnent le vertige. Je saisi Paul par la main et l'entraîne vers la sortie. Je n'ai plus envie d'être cernée par le passé.

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Il est quasiment midi, le temps passe si vite. Je lui propose d'aller manger quelque part dans le Marais. Il y a plein de petits restaurants, on trouvera forcément quelque chose à notre goût.

     - Comme tu veux.

On continu donc notre périple à travers les rues parisiennes jusqu'à trouver un petit boui-boui plutôt accueillant. On s'installe à l'intérieur, face à face. A l'exception d'un vieux monsieur qui lit un journal dans un coin de la salle, il n'y a personne. La musique, un peu forte, couvre les bruits de la rue et de la cuisine.

Un serveur nous apporte des menus. On commande seulement à boire pour le moment. Ça me convient parfaitement, mon estomac est noué, je ne suis pas certaine que je serais capable d'avaler quoi que ce soit finalement.

Paul tripote son briquet nerveusement. Il a l'air préoccupé. Le tintement de son téléphone posé sur la table retentit. Il éteint l'écran sans prendre la peine de lire le texto reçu. J'ai tout de même le temps de jeter un coup d'œil : la personne qui lui a écrit est enregistrée avec des emojis cœurs dans son répertoire. Me caches-tu quelque chose, Paul ?

Forneret a dit : La jalousie voit tout, excepté ce qui est. (5)

J'ouvre la bouche à plusieurs reprises, mais rien ne me vient. J'aimerai lancer la conversation, briser ce silence qui commence à peser lourdement sur moi. Mais que dire ?

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(1) Pierre DESPROGES, Chronique de la haine ordinaire, 1986.

(2) MOLIERE

(3) Honoré de BALZAC, La Femme Abandonnée, 1833.

(4) Marcel PROUST, Les Plaisirs et les Jours, 1896.

(5) Xavier FORNERET, écrivain et poète français.

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