Chapitre 9 ☺

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Mars 2020.

Pour continuer dans le tour ''cliché'' de Paris, on voyage jusqu'à la Tour Eiffel. Les lignes de la RATP deviennent soudainement si charmantes à mes yeux. Je me love contre Paul et laisse le métro me bercer. Mon esprit divague. Je m'imagine ailleurs, je me souviens de moments passés ensemble, je me projette. Quel chemin va prendre cette journée ? Jusqu'où sommes nous prêts à aller ?

Je me rappelle de cette époque bizarre – l'été 2010 – où nous n'étions plus en couple pour la première fois, et où on passait quand même quasiment toutes nos journées ensemble. On passait des moments cools, avec nos amis. A fêter le bac, la fin du lycée, la « fin d'une ère » comme le répétait Mickaël. Presque tous les soirs pendant deux semaines après la dernière épreuve, notre bande s'était réunie dans les bars, en festival de musique, au parc, ... N'importe où du temps qu'on était ensemble et qu'il y avait de l'alcool. Pour Paul et moi, c'était étrange évidemment. On s'était séparé pas si longtemps auparavant, alors passer toutes nos soirées ensemble... Étrange. Et pourtant, j'en garde un très bon souvenir.

-*-*-*-*-*-

Sur la pelouse du Champ de Mars – qui a miraculeusement été épargnée par l'averse – Paul m'enlace. Je me sens bien. Je retrouve des sensations que je n'avais plus ressenties depuis longtemps. Quatre ans. En se tournant vers moi, il remarque une larme coulant sur ma joue.

     - Qu'est-ce qu'il se passe ?

      - Rien. C'est juste que...

J'hésite.

     - Tu m'as manqué.

Il soupir. Son visage se referme. J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas.

     - Pourtant, de nous deux, c'est pas toi qui vit seul dans un petit appartement mal meublé...

     - Je ne vois pas le rapport.

     - Tu as un mec, tu as un enfant ! Tu m'as dis toi-même que tu étais heureuse. Elle est où ma place, à moi ?

Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Comment en est-on arrivé là ? Je n'ai pas envie de parler d'eux. Il ne font pas partie de notre bulle. J'ai l'impression qu'il a un fusil à la place de la bouche, ses mots me transpercent de part en part.

Les yeux brillants de larmes, je me fait violence pour affronter son regard sévère. Je murmure ma réponse plus que je ne la prononce.

     - Pas aujourd'hui...

     - Quoi ?!

Il est furieux. Je ne peux empêcher ma voix de dérailler. Moitié de tristesse, moitié de colère. Il n'a pas le droit de me faire ça.

     - Arrête, ne me parle pas d'eux.

     - Et pourquoi pas, on ''ne fait rien de mal'' il me semble, non ?

De quel droit ose-t-il ? Ma gorge se noue. Mes mots restent bloqués. Mes épaules se crispent.

     - Après tout, je le plains. C'est lui le plus gros couillon de l'histoire. Il sait que tu te payes sa tête ?

Je réponds sans même desserrer les dents. Je ne sais même pas comment les sons arrivent à sortir.

     - Ce n'est pas ce que je fait.

     - Te fous pas de moi, Valentine ! Si tu penses que qui que ce soit serait ravi de voir sa copine passer une journée à Paris avec son ex, tu te fourres le doigt dans l'œil ma pauvre.

Je  me lève et commence à m'éloigner, mais Paul me saisi par le poignet pour me retenir.   

     - Ah non !! Pas cette fois, j'en ai raz-le-bol que tu fuis à chaque fois que la conversation devient trop sérieuse à ton goût. Alors tu reste et assume !

     - Que j'assume ? J'assume quoi ?

     - Ça...

Il tire sur mon poignet pour me ramener à lui et m'embrasse passionnément. Son autre main se pose à l'arrière de ma tête. Je ne pourrais me dégager de son emprise, si je le souhaitais. Toujours crispée, je lui accorde tout de même l'accès à ma bouche. Sa langue s'y engouffre et notre baiser me semble durer de longues minutes.

Pourtant, ce baiser ne suffit pas à me calmer. Lorsque notre contact se rompt, je fais volte-face et m'éloigne en trombe. A cet instant, comme si cela avait été programmé avec minutie, mon téléphone sonne. C'est lui.

       - Allô ?

         * Coucou ma chérie, tu rentres bientôt ?

J'essaie de calmer mon rythme cardiaque et apaiser ma voix pour répondre.

         - Je ne sais pas. Enfin, non... Son train est à 21h alors on a encore un peu de temps. Tout va bien ?

         * Oui, oui. Je vais donner à manger au p'tit bout et le coucher sans toi alors.

        - Oui. Désolé...

        * Non, t'inquiètes pas. Profite de ta copine, tu ne l'a pas vue depuis longtemps !

        - Merci.

        * Passe le bonjour à Émilie, à tout à l'heure !

        - A toute.

Il raccroche. Je réalise alors que Paul se tient juste derrière moi.

     - Alors je suis Émilie ? Tu lui as menti...

Pour seule réponse, je me retourne et ancre mon regard dans le sien. Il s'avance à pas minuscules. Instinctivement, je recule au même rythme. Il a raison, je fuis.

     - On est donc d'accord que cette journée n'a rien d'anodin ?...

Non. Pas de fuite. Pas cette fois. Je m'immobilise. Ça le surprend, mais un sourire narquois s'affiche sur son visage.

     - Je ne pouvais pas lui dire que j'allais te voir.

     - Pourquoi pas ? Il doit ignorer qui je suis de toutes façons.

     - Non, il te connaît très bien.

Ses yeux s'écarquillent. Il recule d'un pas pour jauger mon expression: sérieuse.

     - Tu lui a parlé de moi ?

     - Bien sûr. C'est du sérieux entre nous, alors on s'est raconté nos vies passées. Fatalement, je lui ai longuement parlé de toi.

     - Et tu lui as raconté quoi sur nous ?

     - Tout. Enfin... Toute l'histoire jusqu'à il y a un mois.

     - Il ne sait pas que tu m'as recontacté ?

Je marque une pause. Lui dire tout cela me coûte beaucoup. Ça me met mal à l'aise.

     - Il pense que je n'ai pas eu de tes nouvelles depuis quatre ans. Il... Il pense qu'il a réussi à te faire sortir de ma tête.

Paul sourit et se rapproche. Il m'enlace, collant ma tête contre son torse. Son cœur cogne contre mon visage. Je peine à entendre sa réponse qu'il prononce dans un murmure.

     - Ça c'est pas possible.


Et maintenant ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant