Lorsque le crépuscule tombe sur la cité pourpre, le calme s'installe. Les boutiques ferment leurs ovans, les marchands replient leurs étalages, les quais se vident, la foule se disperse, la ville s'endort. Mais dans certains quartiers reculés, c'est à cette heure que l'animation est à son comble. Le temps des plaisirs coupables est venu. Dans une ruelle reculée, des teintures et tissus rouges flottaient au vent au-dessus des visiteurs, accrochés aux élégantes rambardes des fenêtres rosées, dissimulant aux curieux les jeux intimes se déroulant derrière. Des lanternes vermeilles illuminaient les futurs clients des couleurs de la passion. C'est dans cette rue que se trouvait le sanctuaire de la luxure, paradis des plaisirs : Le Jardin d'Eros. Cette maison close était réputée pour ses beautés, venant de toutes parts et de toutes races, que les clients s'arrachaient à prix d'or.
Un groupe d'hommes s'approchait justement de ce noble établissement. Ils portaient des capes cramoisis au-dessus de leurs armures de fer. Un pentacle noir imposant était brodé en leur centre et des épées corbeaux ceindraient leurs tailles. Des runes écarlates parsemaient les lames nues, laissant un sentiment de malaise dans les âmes de leurs observateurs. Des exécuteurs de l'Eglise Rouge, certainement élevés dans la hiérarchie. L'homme au centre tenait d'une main un casque sombre rappelant les crânes des morts. Il s'agissait du chef de la troupe. Il guida ses compagnons dans la maison close.
À droite de l'entrée, se trouvait une scène ronde et surélevée, avec deux barres de fer rejoignant le plafond. Des danseuses divertissaient les spectateurs assis dans de confortables fauteuil tout autour, assistés par des servants réalisant leurs moindres désirs. À gauche, des tables rondes sculptées étaient disséminées un peu partout, la plupart occupées par de riches clients, hommes comme femmes, discutant des dernières nouvelles et profitant des services des employés. Un bar se trouvait au fond, proposant des alcools onéreux et raffinés, comme les plats cuisinés par les chefs. Plus au fond à gauche, des compartiments composés d'un divan et d'une table basse, séparés par des paravents aux scènes dionysiaques, offraient aux timides plus d'intimité. En face de l'entrée, un grand escalier de marbre menait aux chambres des étages supérieurs.
Lorsque le groupe entra, des serveurs aux charmes à couper le souffle et tenues suggestives, moulantes ou composées de voiles diaphanes, réveillant les pulsions les plus bestiales des êtres humanoïdes, s'empressèrent de les accueillir et de répondre à leurs désirs. Une succube d'une beauté époustouflante s'approcha du chef tandis que ses compagnons suivaient leurs hôtes choisis. "Honorable client, bienvenue au Jardin d'Eros. Je vous remercie d'avoir choisi notre humble établissement. Je suis Nivelia, une succube de Baelmyr. Me ferez-vous l'honneur de vous servir ce soir ?" Déclara la jeune femme d'une voix suave. Ses yeux violets mystérieux détaillèrent rapidement le client. C'était un humain brun à la carrure imposante et aux muscles saillants. Il était grand et ses traits étaient sévère mais son regard démentait une certaine perspicacité et une intelligence attirante. Cependant, toute prudence qu'il avait au départ et devait conserver en tout occasion, s'était envolée sous le regard envoutant de la déesse. La succube sourit, légèrement satisfaite, et glissa ses fins bras autour de celui du soldat et le mena vers l'une des chambres du troisième et dernier étage.
La salle était meublée d'un grand lit à baldaquin dans les différentes teintes de rouges. Une fenêtre aux vitres rosées se trouvait en face. Un divan et une petite table étaient placés dans un coin et une armoire était située le long du mur vide. Nivelia, une fois entrée, attira l'humain à elle, qui lâcha alors son casque, le laissant rouler sur le parquet dans un bruit sourd, mais qui ne sembla pas les déranger. Il passa ses bras autour du corps mince de la succube et la colla à lui en même temps qu'il capturait ses lèvres pulpeuses, pris d'une fièvre enivrante. La beauté amplifia le baiser et glissa lentement ses douces mains le long du cou du soldat. Une brume sombre presque imperceptible s'échappait de leurs langues mêlées, mais ni l'un ni l'autre ne semblait la remarquer. La succube retira alors pièce par pièce, d'une main savante et d'une lenteur taquine, l'armure de l'humain, ses lèvres suivant le trajet de ses doigts agiles. L'homme nu, fou de désir et de plaisir, attrapa la succube et la déposa, avec une douceur surprenante pour son état, sur le lit. Il scella de nouveau leurs lèvres, avide, et retira, en arrachant presque, ses myriades de voiles pâles. Sa tête tournait tellement qu'il peinait à garder le contrôle de son être. La brume noire s'échappait de nouveau de leurs bouches et s'épaississait autour d'eux à mesure que leur embrassade s'enflammait. La chasseresse colla leurs corps désireux et incita son client à profiter de ses formes chargées. Tandis que l'homme, aveuglé par le plaisir, lui obéissait plus qu'enthousiaste, elle ouvrit ses yeux et regarda la brume devenue noire d'encre avec satisfaction. Elle ouvrit alors sa fine bouche et aspira ce nuage sombre avec délectation.
Alors que le soldat allait passer à l'acte, elle le retourna avec une force insoupçonnée et se retrouva au-dessus de lui, ce qui perturba quelques instants l'humain, qui n'était plus que dirigé par l'ivresse du moment et avait oublié tout le reste. Nivelia en profita pour capturer une dernière fois ses lèvres. Mais au lieu des baisers habituels, elle semblait aspirer quelque chose et ses yeux hypnotiques fixaient les yeux bleus du soldat qui, comme mus par une force inconnue, les gardait ouvert sans ciller. La brume noire ne se formait plus autour d'eux, elle sortait de la bouche de l'homme et était directement aspirée par la succube avec avidité.
Au bout d'un certain temps, elle décolla enfin sa bouche et se redressa satisfaite en passant sa langue autour de ses lèvres. Elle se releva et se glissa hors du lit. Le soldat ne la retint pas. Il était inerte mais sa cage thoracique se soulevait légèrement au rythme de sa respiration. Cependant, il ne semblait pas dormir non plus. La succube avait aspirée sa force vitale, le laissant presque mort, mais en lui en laissant suffisamment pour que son corps reste jeune.
Nivelia retourna le corps inerte du soldat, avec quelque difficultés, puis se dirigea vers l'armoire qu'elle ouvrit. Elle récupéra des gants noirs et les enfila gracieusement. La jeune femme sortit ensuite un autre objet : un couteau, solide mais basique par rapport au luxe de l'établissement. Elle revint près du lit et, sans une once d'hésitation, enfonça la lame immaculée dans le dos de son partenaire de lit.
La laissant plantée, la succube alla ouvrir la fenêtre en grand. Elle retira ses gants et, les tenant à l'extérieur de l'embrasure, elle murmura une incantation. Une flamme vint lécher le cuir et le réduit en quelques minutes en un tas de cendre qui s'envola et disparut dans la nuit noire.
Nivelia retourna près ducorps et le regarda légèrement déçue. "J'aurais peut-être dû profiter unpeu plus d'une si belle proie. Tant pis, j'ai récupéré les informations que jevoulais grâce à sa mémoire, avec un bonus d'énergie gratuite. Bien, finissonsdonc en beauté." Résuma-t-elle. La jeune femme monta sur le lit et serecroquevilla dans les oreillers. Elle attrapa ses longs cheveux violets et lesrassembla devant ses parties intimes. La succube prit une grande inspiration etlança un cri de frayeur, son corps tremblant comme une feuille, des larmescoulant sans s'arrêter sur ses joues. Son hurlement retourna toute la maisonclose et retentit longtemps dans la nuit.
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Contes et Légendes d'un autre monde
Viễn tưởngC'est un recueil de nouvelles fantasy, à l'exception de "Pour une affaire de Jeans". En dehors de deux nouvelles, elles sont toutes liées et formeront à l'avenir une histoire.