Chapitre 9 • La Vie Continue

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I was made for lovin' you - KISS

I was made for lovin' you, baby
You were made for lovin' me
And I can't get enough of you, baby
Can you get enough of me ?

Il y a trois façons de vivre ; dans le réel, dans l'imaginaire et dans l'autre.

Certaines personnes passent leur vie à tenter de s'évader au travers de l'imaginaire. Elles voyagent, en vain, entre ces deux mondes pourtant si différents l'un de l'autre. Mais Nova était tout sauf l'une de ces personnes-là. Nova savait prendre des décisions, elle était pour le moins la personne la plus radicale que je connaisse.

— Pourquoi la dépression est-elle difficile à comprendre ? m'interroge Ari, avec délicatesse. Ses sourcils sont toujours plissés d'une perplexe incompréhension.

— Parce que c'est invisible. Ce n'est pas juste se sentir un peu triste.

Je sais qu'il veut m'en demander plus, mais il ne le fait pas.

À la place c'est un blanc de quelques secondes qui prend le relai, exerçant le plus imposant des contrastes après cette révélation fulgurante. Heureusement pour lui, je ne lui en veux pas. Après tout, moi non plus je ne saurais pas quoi répondre à cela. Mais je me sens comme si j'avais besoin d'en dire plus, de libérer toutes ces pensées agglutinées dans un coin de mon esprit à l'égard de celle qui parsemait ma vie d'ahurissement et d'incohérences. Alors, c'est malgré la sensation désagréable de ma bouche pâteuse, que j'entrouvre mes lèvres sous un regard pigmenté de vert et d'oscillations.

— Les gens n'arrêtaient pas de me regarder tristement, après ce jour. C'est comme s'ils s'attendaient à ce que je me brise sur le sol, devant eux. J'étais déjà brisée. En un million de fragments que je gardais hors de leurs vues. J'ai simplement appris à recoller ces morceaux avec le temps.

Comme réponse, je reçois un mince hochement de tête de la part du bouclé. Je ne prête même pas attention à ce geste pour être honnête. Une seule pensée parvient à canaliser mon attention ; le ciel. Le ciel que je regarde chaque matin sur le trajet pour aller au lycée et chaque soir sur le chemin pour rentrer à la maison. Il semble si imposant que je peine à détacher mon regard de cette étendue de plénitude lorsque mes pas martèlent le trottoir goudronné.

Ce ciel.

Ce fameux ciel qui retient la plus belle infinité d'astres qui n'aient jamais été crées. Ce ciel qui retient mon étoile, que je cherche tous les soirs à travers la fenêtre de ma chambre avant de me coucher, en vain. C'est comme si, d'une manière ou d'une autre, je m'attends à ce qu'elle vienne frapper contre ma vitre, pour la énième fois depuis que nous nous sommes rencontrés.

— Je ne suis même pas allée à son enterrement, je confesse. Une boule se forme au fond de ma gorge, mais je la ravale aussitôt. J'ai trouvé son acte si égoïste que je n'ai songé à rien d'autre que de me comporter de la même façon.

Mes pupilles humides restent figées un moment sur le sol. Elles analysent dans les moindres détails les joints impeccables qui relient chacune des plaques de carrelage entre elles.

Je sens la présence de violents cernes sous mes yeux et si la lumière éblouissante de la boule à facettes n'éclairait pas qu'une seule partie de mon visage à la fois, on pourrait suggérer qu'Ari et moi faisons la promotion d'un prochain film de zombies en se déguisant comme l'un des figurants.

Mais nous ne le sommes pas.

Je ne sais pas quoi dire d'autre après deux confessions si horribles les unes que les autres et je ne sais pas ce qu'Ari prévoit de dire après cela.

Peut-être qu'il ne prévoit pas de dire quelque chose après tout ; ses lèvres cerise ne semblent pas décidées à s'ouvrir de sitôt. Alors, je détourne le regard de son visage pâle, replaçant une mèche teintée de rose derrière mon oreille.

Et puis tout à coup, sa main frêle se dépose timidement au sommet de mon genou recroquevillé.

Mes pupilles naviguent entre ses doigts solides et la profondeur de ses iris jade qui papillonnent sous le battement irrégulier de ses cils épais. La paume de sa main est douce ; comme le meilleur coton égyptien, ou bien les oreillers les plus chers de chez Ikea. Je me surprends à faire flotter mes propres phalanges au-dessus des siennes afin de resserrer sa poigne avec reconnaissance. Un doux sourire se propage sur ses traits.

— On devrait remonter, lance-t-il enfin.

Et même si ses paroles ont le pouvoir d'anéantir les quelques heures de joie et de bonheur que j'ai pu passer dans cet endroit si peu approprié, je sais qu'il a raison. Le bal touche à sa fin et je dois bien finir par me rendre à l'évidence que cette soirée n'est pas éternelle. J'accorde mon autorisation à Ari qui se lève avec indolence de sa position inconfortable, pour la seconde fois de la soirée. Il me présente à nouveau sa main, afin de me donner l'impulsion nécessaire pour que je me lève à mon tour.

Mais lorsque les notes de la musique suivante viennent caresser les parois qui nous séparent de la grande salle, mes dents se serrent aussitôt ; c'est un slow.

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