(Ep.5) La Folie.

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ACTE I

Vous savez, je sais pas vous mais moi je me pose souvent la question de savoir si je suis fou ou pas. Et ça, c'est en grande partie dû au fait que j'ai le plus grand mal du monde à piger le concept de raison. Ca fait partie de ces quelques mots que j'ai beau lire et relire dans tout un tas de dictionnaires, la réalité de ce qu'est la raison continue de m'échapper ; encore aujourd'hui.

Le sujet d'aujourd'hui, donc, parlons de la folie.

Comme à l'accoutumé, on va commencer par se mettre d'accord sur ce que ça n'est pas – ou, en tous cas, sur ce qu'on ne va pas traiter ici. Donc, il ne sera pas question du doux pétage de plombs hebdomadaire de la ménagère désabusée, c'est... voilà, ça, non ; c'est une belle petite crise de nerfs des familles si vous voulez mais ça n'est pas du tout ce que j'entends traiter quand je parle de folie.

Le cinglé de service qui hante l'asile psychiatrique du coin passé minuit, pareil ; c'est pas ce genre de démence qui m'intéresse là ; quoi que je ne remette pas en question sa véracité clinique, au demeurant. C'est peut-être très fidèle à ce qu'on en trouve en médecine, j'en sais rien, mais si l'on pouvait limiter les fous à qui porte une camisole, le problème de la définition ne se poserait pas.

Et... Et, ouais... Encore une fois, ça va pas être une mince à faire cette histoire.

ACTE II

Le truc avec les fous ; et je suis désolé si j'enfonce une porte ouverte en le disant ; c'est qu'ils sont en marge de ce qu'on est à même de comprendre, par définition. Un fou n'est fou que selon une norme, une entente, le plus souvent tacite, sur ce que c'est que ne pas l'être. Le hic, c'est que chaque société a sa petite définition personnelle de ce que sont normalité et rationalité. Pire que ça, c'est souvent chaque individu qui se fait sa mayonnaise perso sans trop se soucier d'être pile poil raccord avec sa communauté. Alors, a quoi l'on a recours pour définir la folie ?

Dans nos mondes imaginaires, un fou, du point de vue des techniques d'écritures, va être celui qui brouille les frontières de l'univers qui le voit évoluer. Cherchez un agitateur de la cohérence narrative dans une histoire, vous êtes à peu près sûr de trouver un fou latent à tous les coups.

Mais, même en opérant par ce prisme, on a pléthore de contre-exemples où les fous narratifs sont au contraire des personnages en possession d'un savoir ésotérique, voire exotérique. Bien que les autres personnages qui l'entourent continuent de le qualifier de barge, la lumière se fait vite dans l'esprit du spectateur que c'est leur monde à eux qui marche sur la tête. Un peu comme prôner la décroissance économique ou la restriction de conforts individuels en faveurs de l'écologie ; voyez ? Au hasard hein, comme ça quoi.

Mais on s'écarte du sujet. Maintenant qu'on est a une base de ce que n'est pas la folie – qu'est-ce que qui que quoi ?

Comme pour toutes les questions un tantinet subtiles, c'est assez facile de définir ce que ça n'est pas. On a beaucoup plus de mal en revanche à s'accorder sur ce que c'est. Pour reprendre l'analogie d'un monsieur pas trop stupide, vandaliser des restaurants, c'est un acte fou ; violent on va dire. Mais soutenir l'économie de ce même restaurant alors qu'il commet des génocides animaliers... c'est aussi une folie. Ne rien faire et laisser prospérer ce restaurant qui bousille notre planète, c'est... complètement dingue oui, aussi, bravo, prenez un cookie.

Du coup, dans ce cas-là qu'est-ce qui est fou, violent, et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Paradoxe. Mais parce que la question est tournée de manière à ce que ce le soit., j'en conviens. Non, la vraie question qui se pose ; mais qui est tellement inconfortable qu'on n'a du tout envie de se la poser ; c'est laquelle de ces folies nous acceptons ? Parce que nous sommes dans un monde ; en Occident, le reste, j'en sais rien ; qui ne nous laisse que des alternatives qu'il a lui-même contribué à qualifier de folies. Paradoxe ; bis. Vous voulez une piste de réflexion avant qu'on raccorde au sein de notre imaginaire ? Que faites-vous quand vous faites face à un problème pour lequel on ne vous propose que des solutions qui n'en sont pas et que vous avez plus de deux neurones qui fonctionnent ? Allez-y, j'attends. On va arrêter là parce que je commence à voir des billes comme ça à la place de vos yeux. On invente soi-même des solutions par nous-mêmes. On demande de l'aide à ceux qui ont surmonté le problème. Dans notre cas, il y a peut-être un peuple ou deux sur la planète qui réussit à vivre sans tout bousiller autour de lui. Après je sais pas je suis pas économiste hein mais... C'est peut-être pas vers eux qu'il faut chercher la solution.

La Cour Des Salles Obscures.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant