(Ep.2) La Géopolitique.

3 2 0
                                    

ACTE I

Et c'est pourquoi il est fait tant de cas de la carte de la Terre du Milieu. Pour l'infiniment bonne raison, mes enfants, que, à travers le monde de la Terre du Milieu, c'est de notre monde dont il est question. C'est notre monde qui est raconté et qui est décrit ; c'est notre monde romancé qui se voit devenir le théâtre d'évènements merveilleux. Voyez-vous, la fiction...

(Coup de feu. Chute du PROFESSEUR OBVIOUS. Entrée du présentateur.)

Ta gueule Professeur Obvious. Aujourd'hui les mecs – les girls – on va parler géopolitique. Quoi ? Comment ça, tout le monde s'en cogne ?

Les boulimiques de shows et autres séries fleuves auront tôt fait de me répondre que ce qui est important dans un univers recrée pour la fiction, c'est la cohérence. La cohérence des évènements qui nous sont racontés, la cohérence des personnages avant tout et tout autre chose – la sacro sainte cohérence des personnages, pfff, parlons-en.

C'est ce critère qui est à la source des archétypes tels que définis par Campbell, Carl Jung et consorts. Parce que l'on perçoit – pour la plupart d'entre nous – les gens qui nous entourent IRL comme des archétypes. En toute logique, on s'attend donc à retrouver les mêmes repères quand on nous demande de croire à une histoire qui se veut crédible.

Va pour les personnages, c'est expédié – mais qu'en est-il de la géopolitique de ces univers dans lesquels évoluent nos archétypes si conformes à la cohérence universelle ? Avec l'avènement des séries télé – des histoires qui s'étirent sur des dizaines d'heures – le monde dans lequel elles prennent place a acquis de plus en plus d'importance lui aussi – et, avec cette importance accrue, celle aussi que ce monde ait une cohérence.

Pour autant, de même qu'avec les personnages, les évènements, on est toujours à la recherche de dépaysement. Que ce soit une comédie, un drame, de la fantasy ou même un documentaire, la demande première est toujours celle du dépaysement. Et c'est alors que les épineuses questions que l'on avait à traiter pour nos personnages, nos évènements, ressurgit de nos gribouillis de créateurs ; comme un vilain diable, trop longtemps contenu dans sa boite à ressort. Comment parvenir à dépayser sans heurter le besoin de cohérence ?

ACTE II

En réalité, la problématique appliquée à la géopolitique est beaucoup plus complexe que pour les personnages ou les situations. Tous les deux peuvent encaisser un changement rapide, parfois brutal, sans que ça paraisse trop tiré par la tignasse. Mais la géopolitique est une donnée qui change lentement, souvent par degré ; tellement lentement qu'on ne s'en rend la plupart du temps même pas compte à l'échelle d'une vie. Alors comment combler quand même notre besoin de véracité sans pour autant faire stagner cet élément du récit ?

Bien souvent, en fait, la géopolitique ne vaut pour rien en tant que telle. Dans 90% des récits, elle ne vaut que parce qu'on l'associe à des mœurs, à des coutumes, à des us, à des manières d'appréhender le monde et aux filtres variés qu'on y applique pour satisfaire au mieux la vision qu'on en veut.

Pour la quasi-totalité des récits, la géopolitique est un élément d'identification supplémentaire pour reconnaître un personnage ou un groupe de personnages. Le décor familier dans lequel ces derniers évoluent devient une extension d'eux-mêmes. Il évolue selon eux, jouant la représentation de leur état intérieur à un instant T.

C'est encore plus flagrant quand on parle de récits audiovisuels. En plus d'associer une région à un personnage, on en vient à l'associer à un type de costumes, à des marqueurs physiques qui sont les stigmates de l'origine des acteurs – acteurs qui sont traités comme des données d'ingénierie supplémentaires.

La Cour Des Salles Obscures.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant