Chapitre n°14

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Karl arriva au pied du mur où la magie destructrice d'Andréa flottait toujours dans l'air. Il observa avec un faciès imperturbable le corps ensanglanté de son géniteur. Il s'accroupit et pencha la tête de côté tout en analysant son faciès inerte : ses yeux révulsés, sa bouche entrouverte d'où se glissait un fin filet de sang, et enfin la gorge qu'il avait tranchée avec précision pour que la mort soit rapide. Karl soupira bruyamment avant de fermer les yeux de son père.

« — Je t'avais prévenu père, que tu allais payer pour tes crimes. Je t'en avais fait la promesse. Regarde-toi ! Même ton Roi t'a abandonné ! Et mère ? Finalement, je ne sais plus lequel de vous deux était le plus terrible. Je suis peut-être devenu le pire de notre famille puisque je suis le premier à avoir tué l'un des nôtres. Vous avez fait de moi une machine de guerre. Dois-je vous en remercier ? Grâce à vos tortures, je ne ressens plus la douleur physique. Enfin bon, j'espère que tu ne trouveras jamais le repos et que même dans la mort, tu souffriras éternellement. Adieu... Père. »

Karl se releva et s'enquit de faire un feu. Il y jeta le corps de son père et l'observa se consumer pendant de longues minutes. Il passa une main dans sa chevelure d'argent avant de faire demi-tour et de retourner au refuge. Le calme semblait être revenu. Seuls quelques Exilés étaient encore debout. Il traversa le petit village et se dirigea directement vers sa petite cabane qu'il avait construite de ses mains en haut d'un grand chêne. Il grimpa l'échelle et ne fut même pas surpris d'y trouver Emma qui observait le refuge par la petite fenêtre, éclairé par le feu qui brillait vivement pour réchauffer la pièce.

« — Tu devrais aller dormir, dit-il de sa voix lasse.

— Je dois te soigner, répondit la plus jeune. Tu es le dernier à ne pas avoir reçu de soin.

— Je vais bien. »

Emma ne répondit pas à cette affirmation qu'elle savait fausse. Elle s'avança simplement vers lui et attrapa sa main pour le tirer silencieusement vers son lit. Karl s'assit sous le regard attristé de ce petit ange. La médecin posa timidement ses mains sur son haut taché de pourpre et l'ôta non sans rougir. Comme lorsqu'elle avait fait face la première fois au torse du plus âgé, elle ne put s'empêcher de fixer chacune de ses maudites cicatrices. Elle ne pouvait même pas imaginer la souffrance qu'avait pu ressentir Karl lorsqu'on les lui avait infligés. Elle passa délicatement ses doigts dessus, faisant légèrement frissonner le corps de Karl, puis se pencha pour attraper son matériel. Elle s'empressa de désinfecter les nouvelles plaies et de mettre un baume naturel pour favoriser la cicatrisation sous le regard vide de l'argenté. Pas un seul mot ne fut prononcé. Karl semblait perdu dans ses pensées et Emma était assidue à sa tâche. Emma passa derrière Karl pour s'occuper des rares plaies sur son dos et analysa l'immense tatouage qui recouvrait toute la surface de sa peau. Elle s'assit juste derrière lui, entourant sa taille de ses jambes et continua de panser ses plaies. Lorsqu'elle eut fini, Emma ne put s'empêcher de poser sa tête contre l'épaule musclée du plus âgé tandis que ses bras l'encerclaient dans une étreinte pleine de douceur. Là encore, tout se fit dans le silence. Karl ne réagit pas à ce câlin surprise et Emma se contenta de respirer contre la peau de son ami.

« — J'ai tué mon père, confia Karl, brisant enfin ce long silence.

— Je sais, chuchota Emma. Evy m'a dit qu'elle était inquiète pour toi.

— Pourquoi ? Demanda-t-il avec un rictus.

— Parce que... c'était quelque chose d'important pour toi.

— J'ai toujours voulu le tuer.

— Je peux comprendre.

— Et je ne ressens absolument rien, même après avoir tranché sa gorge et avoir observé la dernière lueur de vie s'étreindre dans ses yeux.

LES EXILÉSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant