Après une bonne nuit de sommeil, me voilà reparti pour un second jour. Je ne vais pas dire que cela m'enthousiasme grandement, d'autant que la première journée ne m'a pas laissée que de bons souvenirs, mais je n'ai pas franchement le choix. Je viens tout juste de signer mon CDD, donc je suis officiellement engagée pour trois mois.
Aujourd'hui, j'arrive avec nettement moins d'avance qu'hier, pour ne pas répéter le même scénario. Avant d'ouvrir la porte du service, je tends l'oreille pour jauger un peu de ce qu'il peut se passer derrière.
— La porte ne va pas t'attaquer, me surprend Vanina avec son accent tahitien, alors qu'elle arrive dans mon dos.
J'ai un mouvement de sursaut, ce qui la fait bien rire.
— C'est juste qu'avec mon expérience d'hier, je préfère être prudente. Je ne voudrais pas tomber de nouveau en pleine guerre mondiale.
Elle passe devant moi, ouvre la porte et m'invite à la suivre dans l'entrée. Aujourd'hui, l'endroit est désert, seul nos pas résonnent dans l'espace presque vide.
— Tous les jours ne se ressemblent pas, m'informe-t-elle d'une voix bienveillante, tout en pénétrant dans la pièce minuscule et sombre qui nous sert de vestiaire. Si tu arrives en craignant ce qu'il va se passer, alors sois certaine que ces petits monstres te le rendront bien. Ici, je veux dire dans ce genre de service, c'est un peu comme si tu faisais une remise à zéro chaque jour. Tu ne sais pas vraiment ce que les enfants ont appris de la veille et tu leur laisses pleinement la possibilité de te surprendre en balayant leurs comportements antérieurs.
Elle me dit tout ça en enfilant le haut de sa blouse. Là encore c'est une première pour moi. Jamais je n'aurais pensé possible de travailler avec uniquement la moitié de ma tenue d'infirmière, ce qui me donne le sentiment d'être incomplète. Il y a beaucoup de mythes autour de cet accoutrement, et je trouve que certains sont vrais. J'ai toujours vu ma blouse comme une protection, un moyen de défense contre tout ce qui peut être dur dans mon métier. La retirer revient à balayer la journée qui s'est passée au boulot pour redevenir, Roxane, la jeune femme de tous les jours. Là, je me sens vulnérable, mais il parait que c'est pour éviter de stigmatiser les enfants.
— Enfin, si tu veux un conseil, reprend-t-elle en mettant sa main sur mon épaule dénudée, profite de tes week-ends pour sortir et faire la fête. Tu es jeune et tu as la vie devant toi. Avec le métier que l'on fait, c'est important de se vider la tête. Dis-toi que la vie est courte et que dans une fraction de seconde tu seras mariée avec trois mioches à gérer.
Elle me fait un clin d'œil et rigole, tout comme Astrid et Leya, qui nous ont récemment rejointes. J'enfile rapidement mon haut et entasse mes affaires dans le petit espace métallique qui leur est dédié. Ici, pas de beau casier à l'américaine, la pièce ne le supporterait jamais. À la place, une vingtaine de petit box en métal se superposent les uns aux autres contre le mur du fond. Sur les deux murs latéraux, des porte-manteaux sont accrochés avec nos noms au-dessus de chacun pour pouvoir y laisser nos blouses et manteaux. La structure ne contenant qu'un seul vestiaire, ce n'est pas plus mal que l'on ne mette pas le bas, je n'ai pas franchement envie de me dénuder devant mes collègues hommes.
— Même avec trois enfants, tu n'es pas la dernière à faire la fête, Vanina, la charrie Leya, tout en rangeant son sac dans son casier.
— Il faut bien que j'arrive parfois à oublier que je suis une mère et une femme casée, plaisante-t-elle. Vous verrez quand votre tour viendra, ce n'est pas si simple d'enchainer deux boulots.
Astrid claque la porte de son casier et s'approche de notre collègue, le regard malicieux.
— Dans ce cas, on a qu'à s'organiser une soirée fille, rétorque la grande blonde pleine d'envies.
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Les Chroniques d'une infirmière en Pédopsychiatrie
RomanceRoxane, jeune diplômée de l'école d'infirmière, a des rêves et surtout de l'ambition. Major de sa promo, elle se voit déjà dans un service digne du travail qu'elle a fourni ces trois dernières années. Après avoir fait changer d'avis à son père sur s...