Chapitre 15: Invitation et Bombe à retardement

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J'ignore depuis combien de temps je suis dehors, mais l'air frais sur mon visage est un régal. Les yeux fermés, le visage tourné vers le seul rayon de soleil que je sentirai de la journée, je libère mon esprit complètement hanté par ce foutu baiser. Mais qu'est-ce qui m'a pris ? C'est un collègue, c'est mon lieu de travail, n'importe qui aurait pu nous surprendre. Je n'ose même pas imaginer les répercussions que cela aurait eu. En bref, j'ai faux sur toute la ligne.

"Heureusement que la porte était fermée à clé" me rappelle ma conscience sur un ton moralisateur.

— C'est comme ça que l'on bosse ! me surprend une voix masculine, ce qui me ramène immédiatement à la réalité.

J'ouvre les yeux et constate que mon cadre est planté devant moi, un sourire au bord des lèvres.

— Heu... Non... J'avais besoin de prendre l'air, débuté-je, en cherchant une bonne excuse. J'ai fait l'entretien du lundi avec Tatiana et j'ai ressenti le besoin...

— De te vider la tête, finit-il, en s'adossant à mes côtés. Ils ont de sacrées histoires nos petits.

— Inimaginable même...

Je n'ai rien le temps d'ajouter que la porte du service s'ouvre brutalement.

— Dis, Roxane, qu'est-ce qui ...Ah monsieur Ruminier bonjour, souhaite Robin à Lucas d'un air faux. Puis-je vous emprunter Roxane un moment ? J'ai une situation urgente à voir avec elle.

Je suis admirative du rattrapage dont a fait preuve le bel interne, mais la panique me gagne. Je n'ai aucune envie d'être de nouveau seule avec lui. Après ce baiser, qui sait ce que sera la prochaine étape. Face au peu de contrôle que j'ai en sa présence, il vaut mieux éviter de me laisser seule en sa présence.

— Bien sûr, monsieur Echurti, lui répond Lucas très amicalement. Roxane est toute à vous.

Alors qu'il nous quitte, je ne peux m'empêcher de penser qu'il n'aurait jamais dit ça s'il avait, ne serait-ce qu'une once d'idée de ce qu'il vient de se passer dans le bureau médical. Je suis des yeux le cadre qui nous fausse compagnie, quand Robin m'interpelle d'un claquement de doigt.

— Hey oh ! Alors comme ça tu m'embrasses puis tu prends la fuite, s'offusque-t-il à voix basse, tu...

Comment ose-t-il évoquer ça ici, devant le service, où n'importe qui peut nous entendre ? Non mais il est complètement inconscient ou quoi ?

— Ne dis rien de plus ! ordonné-je à voix tout aussi basse en mettant le doigt sur ma bouche. Tu vois bien que ce n'est pas le lieu.

Je scrute les alentours pour être certaine que personne ne soit à proximité.

— Alors dîne avec moi, propose-t-il sans prendre la peine de chuchoter. Au moins, loin d'ici, on pourra s'étendre sur le sujet.

Quoi ? J'ai bien entendu ? Le baiser ne lui a pas suffi maintenant il veut un dîner ! Mon esprit se scinde en deux. Ma conscience a sorti les crucifix alors que ma déesse intérieure prépare les cotillons. Après une lutte acharnée, je retrouve la raison.

Je tape du doigt sur ma tempe, preuve de mon abération la plus totale.

— Tu ne vas pas bien toi ! C'était une erreur, cela ne se reproduira pas. On est collègue, point barre.

— Un seul dîner, renchérit-il, l'air joueur, comme pour me mettre au défi. En tout bien, tout honneur, afin de mettre un point final à ce malencontreux incident.

Contrairement à lui, cette situation ne m'amuse pas du tout. Je me perds totalement dans la valse des émotions contraires qu'il fait naître en moi. Tantôt, il exprime des sentiments qui semblent être sincères et, la minute d'après, tout redevient comme un jeu pour lui. Cette ambivalence ne fait qu'accentuer le regret que j'ai de l'avoir embrassé. Pourtant, je sais pertinemment qu'il ne me lâchera pas tant que je n'aurais pas accepté sa proposition.

Les Chroniques d'une infirmière en PédopsychiatrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant