la vie à reculons

01

Sous un soleil de mi-septembre encore estival, la petite ville de banlieue se donne des airs de station balnéaire pour rire.

<<Salut !>>s'écrie Elsa du plus loin qu'elle aperçoit Mélanie.

Jean déchirés suivant la mode teenager , tee-shirt immaculé, cheveux très courts sur un petit visage pointu , Elsa fait plutôt grand gamine que jeune fille.
D'autant que les vacances l'ont repeinte en caramel et qu'une mèche plus longue que les autres, blondie à l'eau oxygénée, lui chatouille espièglement le bout du nez.

Les deux adolescente se jettent dans les bras l'une de l'autre .Ces retrouvailles sont le principal charme de la rentrée scolaire .C'est qu'elle en ont des choses à se raconter , après deux mois de séparation !

<<T'as un bronzage d'enfer! admire Mélanie avec une pointé d'envie , où as-tu été ?
_  En corse ,et toi?>>

Dernière ses lunettes cerclées de rouge les yeux des Mélanie , aussi fauves que son abondante tignasse, étincellent de fierté :
<<Au Canada , chez mon oncle.
_Génial !

_On habitait en pleine forêt, près d'une réserve indienne. Tu aurais vu les mecs ! Super-mignons ! >>Mimique gourmande de presque femme que les mécanismes de la séduction commencent à travailler et qui découvre, avec une naïve convoitise, les attraits de l'autre sexe.

Une centaine de filles et garçons entre onze et seize ans , harnachés de sacs à dos multicolores, les habits suspectement propres, sont agglutinés aux abords du collège .

<<Qu'est-ce qu'il y a comme nouveaux ! Remarque Elsa , interrompant la description ,combien savoureuse pourtant , des jeunes Iroquois du bord de l'Ontario.

_ Surtout des petits de sixième !>>
Ce sont les plus reconnaissables : ils bousculent tout le monde, jouent des coudes, rient trop fort. Mais ils apprendront vite à restée à leur place . S'ils avaient, en primaire, l'enviable statut de <<grands>>,il n'en est plus de même ici. Ils  se retrouvent en basse l'échelle, et leurs aînés se chargeront de le leur rappeler sans ménagement, au cas où ils se montreraient trop effrontés.

<<Vise celui-là ! chuchote soudain Mélanie  martelant d'un coup de coude les côtés de sa copine.

_ Pas mal ! Tu crois qu'il est dans notre classe ?>>
Geste d'ignorance de Mélanie.

<<Quel âge tu lui donnes?

_ Au moins quinze ans. Tu as remarqué la couleur de ses yeux ?>>

Avec ferveur Elsa fait <<Oui>>de la tête . le Grand Bleu ,ni plus ni moins .
Dépassant  ses condisciples d'une bonne tête , la propriétaire de ces yeux-là a une allure à faire craquer les filles : coupe de cheveux années cinquante, pull camionneur aux manches nonchalamment retroussées ,pantalon de jogging ,grosses baskets . La décontraction et le charme des héros de séries télé dont raffolent les ados , et auxquels ils s'identifient.

<<J'en  ai la chaire de poule !>> susurre Elsa, tandis que la cloche sonne.

<<La quatrième 1>>,par ici ! clame une voix forte dominant le brouhaha.
C'est celle d'un homme entre deux âges, portant un collier de barbe  grise ,et vêtu, malgré la chaleur, d'un complet de velours entrouvert sur un polo  noir .
<<Flûte, on a Giraudeau comme prof principal>>,se lamente Mélanie.