la vie à reculons

05

<<Toi ,t'es amoureuse !>> roucoule Mélanie, attrapa sa copine par le bras.

Dernière ses hublots de myope, ses yeux ,fentes rousses ornées d'un foisonnement de cils,pétillent de malice.

Une grimace lui répond : le petit nés d'Elsa se retrousse . Ses ailes ,si fines quelle paraissent translucides, palpitent à cent à l'heure. Personne ne s'y trompe ,surtout pas Mélanie : ça veut dire oui.

<<Il était tout triste ,quand Reine l'a viré !>>murmure Elsa.

Quatre heures sonnent au clocher de l'église .les portes du collège s'ouvre à deux battants et les élèves s'égaillent dans toutes les directions ,seuls ou par petits groupes.

Le Grand Bleu ,qui semble momentanément en froid avec les Pieds Nickelés, part de son côté tandis que Cédric, Sylvain et Mehdi filent vers la boulangerie.

<<T'as combien en poche ?>>se renseigne Cédric tandis que Sylvain comptabilise sa menue monnaie.
La réponse se perd dans les rumeurs d'alentour.
Elsa suit des yeux Thomas qui se hâte vers sa cité.

<<Qu'est-ce que t'attends pour le rejoindre ?demande Mélanie.

_J'ose pas...,hésité Elsa. J'ai rien à lui dire...>>
Puis se décidant brusquement :oh ,et puis flûte ,je trouverai bien!>>

Légère comme un elfe ,elle lui emboîte le pas. Mais contrairement à ce qu'elle croyait ,le Grand Bleu n'emprunte pas l'avenue Émile-Zola pour rentrer chez-lui,il oblique à droite vers le square Jules-Valles. Du coup,Elsa perd son aplomb : il a peut-être un rendez-vous ,après tout. Et avec une fille, qui sait?

Mais la curiosité l'emporte sur la discrétion. À distance ,elle continue à le suivre sans se faire remarquer.

Tandis qu'il entre dans le square ,elle se dissimule à l'abri d'un massif ,de l'autre côté du grillage, et observe à travers un trou dans le feuillage.

Franckie est assis sur son banc,un walkman aux oreilles. Pour une fois,il est seul .Il s'est offert une journée de congé pendant que ses lieutenants allaient en cours , et attend tranquillement leurs retour.

Thomas fonce droit sur lui et l'attrape par le col de sa chemise.

<<Ça va pas,la tête ?>>fait l'autre ,ahuri,en retirant son casque.

Profitant du double avantage de la surprise et de la solitude de l'adversaire, le Grand Bleu lui met les points sur les I:

<< si tu continue à embêter mes copines, il va t arriver des bricoles ,mon pote!>>le prévient-il d'une voix terrible.

L'autre se dégage rageusement, devient menaçant à son tour :

<<Tu cherches les coups ?>>avoue-t-il .

Ils sont de la même taille et se défient comme des bêtes sauvages. L'affrontement semble inévitable.
Blottie dans sa cachette, Elsa ne perd fin de la scène .Elle retient sa respiration. Les dames du Moyen Âge devaient ressentir la même chose qu'elle, quand leur chevalier entrait en lice pour un tournoi. Et le fait qu'elle ressemble à un page plutôt qu'à une princesse ne change rien à l'affaire !
Par bonheur, Cas Social n'est pas un héros. Il doit plus à la ruse qu'au courage son emprise sur ses troupes .Devant la détermination -et la carrière!-de sin adversaire, la prudence l'incite à changer d'attitude. Il éclate d'un rire qui sonne faux.

<<Toi,tu me plais ,tu n'as pas froid aux yeux !>>déclare-t-il.

Décontenancé, Thomas a un instant d'hésitation<<Idem>>,finit-il par répondre, flatté malgré lui.
Là-bas, derrière la grille ,Elsa commence à respirer.

<<Si tu veux te joindre à nous,j'ai rien contre, crâne Cas Social. Les zoulous ont besoin de mecs comme toi !>>

<<Élégant !admire Elsa .Cet hypocrite s'est arrangé pour ne pas perdre la face. J'espère que Thomas n'est pas dupe !>>

<<Merci,j'aime pas les bandes>>,répond le Grand Bleu.

Il n'a pas digéré la lâcheté des Pieds nickelés. Au même,enjambant, Mourad et l'Édenté font leur apparition.

<<Ah vous voilà, vous!Après la bataille, comme toujours !>>leur lance Franckie.

<<Aïe, aïe aïe, pense Elsa tandis que le trio se réforme ,si Cas Social veut reprendre le dessus, Thomas mas vas passer un mauvais quart d'heure !>>

Mais les truands ont un code d'honneur ,et Franckie sait tenir . Faire intervenir se hommes maintenant serait reconnaître sa faiblesse. Mieux vaut rester sur ses positions de chef magnanime.

<< Qui c'est, felui-là ?se renseigne l'Édenté, méfiant.

_ Un pote à moi,répond Cas Social.

            _ je le connais ,dit Mourad, il habite dans mon immeuble. C'est toi qui viens d'emménager au cinquième ?>>

Peu désireux de poursuivre la conversation, Thomas répond d'un rapide signe de tête ,lui fait volte-face.

<<Je compte sur toi,Franckie !>>jette-t-il par-des-sus son épaule.

Cas Social le gratifie d'un regard sournois :

<<T'inquiète !>>répond-il sombrement.

<<Tiens?tu étais là, toi>>

En apercevant Elsa, les yeux de Thomas s'arrondissent de surprise. En trois enjambées,elle le rejoint. Elle est dans tous ses états.

<<Tu as été fantastique ! S'écrie-t-elle.Si tu savais comme j'ai eu peur pour toi!>>
Elle secoue ses deux main d'un geste qui en dit long,ajoute, extasiée :

<<Comment tu lui as cloué le bec,à cette sale brute!>>

Le Grand Bleu se rengorge, mais avec modestie :

<<Je ne vois vraiment pas pourquoi ce type effraie tout le monde ,répond-il  d'un ton léger. Il vous en a tous mis plein la vue, avec sa frime,mais quand ses potes ne sont pas dernière lui, il ne vaut pas un clou!

_ Le problème, c'est qu'ils sont TOUJOURS dernière lui!

_ La preuve que non! Quoi qu'il en soit, à partir de maintenant, seul ou pas,il sait qu'il devra compter avec moi!>>signale Thomas, content de lui.

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