Chapitre 15

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Décidément, ces derniers temps, je réussis comme un maître à clouer le bec de ma collègue, ce qui n'est pourtant pas une mince affaire. Néanmoins, j'aimerais qu'elle me dise ce qu'elle pense de tout ça, je voudrais avoir son avis, peut-être même son approbation. Au lieu de cela, elle demeure muette, les yeux rivés sur moi, la mine plus sérieuse qu'étonnée.

— Je sais que tu te dis que j'ai eu tort, déclaré-je alors, mais pour y avoir pensé et repensé depuis, je suis certain d'avoir pris la bonne décision.

Elle semble s'éveiller d'un rêve et papillonne des paupières.

— Je ne crois pas que tu as eu tort, répond-elle. J'imagine que tu as choisi ce qui te convenait le mieux et que tu as pesé le pour et le contre. Tu n'es pas du genre à agir sur un coup de tête.

— Je n'ai pas vraiment choisi en fait. C'est en moi.

— Je comprends. Stéphane a l'air d'être un chouette type...

Ah ! Voilà.

— Et il ne mérite certainement pas qu'on soit avec lui pour de mauvaises raisons. Je suis sûre qu'il rencontrera quelqu'un qui saura le rendre heureux.

Je suis si soulagé de ne pas me prendre une morale longue et ennuyeuse que je me lève pour la serrer dans mes bras. Je l'entends rire contre mon oreille et lorsque je m'écarte, son sourire est taquin.

Je m'attends à tout.

— Donc... tu vas tenter de reconquérir Philippe ?

Je hoche la tête, la gorge soudain trop sèche pour parler.

— C'est bien, ajoute-t-elle. Je suis heureuse pour toi. Tu comptes m'inviter au mariage ? Ça conclurait divinement mon roman.

— Pardon ?

— Oups ?

Nous nous fixons quelques secondes avant que Séverine éclate de rire.

— Oh ! D'accord, c'était de l'humour, hein ? espéré-je à haute voix.

— Absolument pas ! rétorque-t-elle en riant toujours. Mais ta tête était impayable.

— Tu n'as pas écrit sur...

— Si, je me suis permis de taper quelques pages. Mais que veux-tu, ça venait tout seul. Je rentrais chez moi le soir et hop, les mots surgissaient tels des loups-garous les nuits de pleine lune. Je ne pouvais pas lutter. Je te rassure, les prénoms sont différents, tu t'appelles François.

— J'aime pas ce nom.

— Ah zut. Je peux changer, que dirais-tu de...

Elle réfléchit à toute allure, je peux presque voir les rouages de son cerveau se mettre en action.

— Henri, s'écrie-t-elle. Ou Pierre, ou Emmanuel.

Elle tapote son menton de son index, j'ai très peur de ce qui va suivre. Quand ses yeux s'écarquillent, je sais qu'on ne pourra pas revenir en arrière.

— Pierre-Emmanuel, m'annonce-t-elle comme si elle venait de découvrir le Graal. Tes amis t'appelleraient P-E, ça serait top. J'adore les prénoms composés.

Je ne trouve pas les mots.

— Donc François, ça sera Stéphane. Quant à Philippe pour l'instant c'est Monsieur X, parce que je l'imagine chaud comme la braise et que je veux lui dégoter un prénom sexy.

Cette fille est folle.

— Bien entendu je ne ferais rien d'autre sans ton accord. Si ma maison d'édition est intéressée, tu en seras averti et si tu ne souhaites pas que je la publie, je ne le ferai pas. Mais ça serait dommage, il n'y a pas assez d'histoire mettant en avant des personnages de vos âges.

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