Chapitre 2

559 92 140
                                    

Un à un, je range les livres sur les étagères pendant que ma collègue, Séverine, ferme les volets indiquant par la même occasion aux deux ou trois personnes qui flânent encore entre les rayons, qu'il est temps de quitter la bibliothèque. Une fois mon charriot vide, je me dirige vers le bureau pour éteindre l'ordinateur et rassembler mes affaires. Séverine s'occupe des retardataires à la banque de prêt et quelques minutes plus tard, nous sommes disposés à quitter les lieux.

— Tu as prévu quelque chose pour ce week-end ? demandé-je à Séverine en verrouillant la porte.

— Rien ! répond-elle avec fermeté. Je vais passer deux jours à écrire. Tu sais à quel point j'adore rester chez moi.

Séverine est auteure de romance à ses heures perdues. J'ai déjà lu ses bouquins, c'est tout à fait ce que j'aime, de l'amour à revendre, quelques drames et toujours un happy end. J'en redemande à chaque fois.

— Oh oui, je le sais, je suis un peu pareil. Tu es sur un nouveau roman ?

— Exact, ça fait plusieurs jours que j'ai une idée en tête et cette fois je vais changer de registre. J'ai beaucoup de recherches à faire.

— Génial, je suis content pour toi et tu te rappelles que je peux te servir de lecteur test si tu as besoin.

Elle me tapote l'épaule.

— Je m'en souviens très bien. Je t'apporterai ça dès que ça sera assez avancé.

— J'ai hâte.

Ma collègue rit devant mon enthousiasme et nous nous séparons en nous souhaitant une bonne fin de semaine. Tandis que je me dirige vers ma voiture garée un peu plus loin dans la rue, mon estomac se met à gargouiller de manière désagréable. La bibliothèque ferme à midi et demi le samedi et mon petit déjeuner est déjà digéré. Je décide donc de passer à la boulangerie pour prendre du pain et une part de pizza.

Marie Vareille et ses chaussettes orphelines sous le bras, je pénètre dans le petit commerce et me poste derrière un homme en bermuda et chemisette, tenant lui aussi un livre dans la main. Lorsqu'il se tourne vers moi et plante son regard dans le mien, je suis saisi par la couleur de ses yeux, l'un vert, l'autre marron. Je n'avais jamais vu un tel regard ailleurs que dans les magazines et je ne réussis pas à en détacher le mien, ce qui provoque un toussotement de la part de celui qui en est le propriétaire.

— Désolé, bredouillé-je, en portant mon attention sur la sélection de pâtisserie exposée dans la vitrine qui se trouve à ma droite.

— Y'a pas de mal, répond l'homme. J'ai beaucoup aimé ce livre.

— Pardon ?

— « La vie rêvée des chaussettes orphelines », dit-il en désignant mon bouquin. J'ai beaucoup aimé.

— Oh ! Moi aussi. Du coup, j'ai prévu de le relire.

Il m'offre un sourire radieux.

— Vous êtes le bibliothécaire, n'est-ce pas ? Je viens de vous emprunter celui-ci.

Il me montre l'exemplaire du dernier Chattam, l'une de nos nouveautés, avec fierté.

— Je crois que comme vous, je vais bouquiner tout le week-end, continue-t-il, un sourire poli sur les lèvres.

— Pas le même style.

— En effet, réplique-t-il en riant. Je lis de tout, aussi bien de la romance que du polar très noir.

— J'ai une préférence pour les histoires douces qui ne me bousculent pas, avoué-je en rougissant. Mais pour bien conseiller nos adhérents, je dois connaître le fond de la bibliothèque.

Tourner la pageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant