Le contrat

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- Alors... tentai-je de comprendre. Votre mécanicienne a des visions et elle en a eu une où nous étions tous les deux, Laufern et moi ?

- Oui, acquiesça Cezaro. C'est ce qu'elle m'a dit quand elle vous a vus au port.

- Mais... Comment ?..

- Je vous ai vu dans différents endroits, nous fit enfin Elvira. Vous ne venez pas d'ici...

- Non, en effet...

- Vous venez... d'ailleurs...

- Nous venons d'autres mondes.

- Quoi ? s'exclama Cezaro.

- Quoi ? lui fit écho Laufern. Tu leur dis ça comme ça ?

En vérité, j'en avais marre de mentir. Et puis, la mécano m'avait tendu la perche en même temps.

- Comment est-ce possible ? nous questionna-t-elle.

Haroldo restait bouche bée.

- Je ne sais pas, répondis-je. Nous nous téléportons d'un monde à l'autre sans savoir vraiment comment ni pourquoi.

- Ça explique mes visions... D'où venez-vous alors ? Qu'avez-vous vu ?

Ce fut une longue discussion durant laquelle je racontai toute notre histoire. Cezaro, Elvira et Haroldo écoutèrent avec attention. Tout cela les impressionnait sans pour autant les choquer au point de me prendre pour un fou. Cela allait bien au-delà de tout ce qu'ils pouvaient imaginer mais il prirent notre histoire très au sérieux. Ça faisait du bien.

- Et quand repartez-vous ? nous demanda le capitaine.

- On ne sait pas, avouai-je. En principe nous restons quelques temps dans chaque monde avant de repartir. Je ne maîtrise pas encore suffisamment nos "déplacements".

- D'accord ! Eh bien, en entendant, vous êtes toujours les bienvenus avec nous ! Pour le temps que vous avez à rester ici. Mais du coup, le petit n'est pas du tout avec vous ?

- Pas vraiment. Mais c'est sur lui que nous sommes tombés et il avait vraiment envie de venir sur ce navire avec vous.

- Pas de soucis, intervint Elvira. J'avais bien besoin d'un peu d'aide ! La machinerie sur ce rafiot c'est pas une partie de plaisir !

Haroldo sauta de joie. Il était si heureux de pouvoir être utile sur ce bateau légendaire que Cezaro ne put qu'accepter sa candidature.

- Et au sujet de ces visions, repris-je. De quoi s'agit-il ? Comment fonctionne votre monde ?

Le capitaine, aidé par Elvira, nous raconta que ce monde, nommé Celestera, avait subi une explosion des siècles auparavant, ce pourquoi désormais des morceaux de terre de toutes tailles volaient dans le ciel. Celestera s'était alors divisée en Cantons regroupant des centaines de parcelles de terrain. Ces Cantons étaient dirigés par des seigneurs et chacun d'entre eux était autonome, exploitant ses terres et commerçant au sein de son propre domaine. Cependant, certains navires pirates effectuaient des transactions entre les Cantons, pillant parfois d'autres bateaux. Cela créait des tensions car chacun voulait sa part et cherchait les plus gros bénéfices.

Le navire sur lequel nous nous trouvions faisait évidemment partie de ces bateaux pirates. Le Canton d'origine de l'équipage où nous voguions toujours s'appelait Merkurio.

Pour ce qui était des visions, apparemment, certaines personnes possédaient des pouvoirs étranges comme des dons de voyance ou de télékinésie. C'était assez rare et personne n'expliquait vraiment comment cela fonctionnait. J'essayais de faire le rapprochement avec les magiciens présents à Feurëlfia et dans la contrée d'Horcraft mais ce n'était pas du tout la même magie. J'en profitai alors pour demander s'ils avaient des légendes et si les dragons, les vampires, les fées et tout le reste en faisaient partie. C'était bel et bien des légendes pour eux aussi. Ils avaient apparemment des bêtes, des sortes de monstres aussi mais rien à voir avec ce que nous avions vu. Ils n'avaient jamais entendu parler des Alopogiens, ce qui confirmait encore l'idée de mondes parallèles. Ils ne voyageaient pas eux-mêmes dans l'espace d'ailleurs, seulement dans le ciel.

Il ne me restait plus qu'à demander si un groupe d'individus dirigeaient Celestera à un moment donné quand l'ordre régnait partout. Même si apparemment il n'y avait pas vraiment de guerre entre les Cantons finalement. Mais Cezaro n'avait pas la réponse. C'était fort possible mais rien n'était sûr.

- Alors tous ces mondes seraient liés, réfléchit Cezaro. C'est incroyable !

- Oui, acquiesçai-je.

- Alors, comme pour nous les vampires et les elfes sont des histoires, vous avez dans vos mondes des histoires sur notre monde à nous ?

- En effet, j'ai déjà vu ou lu des contes avec des bateaux volants et ce genre de chose.

- C'est fou ! J'avoue que ça me plairait pas mal de visiter tous ces univers ! Et donc, en attendant que vous repartiez, vous baladez comme ça en explorant les différents mondes ? Ça doit être extraordinaire !

- Oui... enfin ça dépend des fois... On est souvent embarqués dans des histoires de dingue mais bon... D'ailleurs, vous allez où là exactement ?

- Oh ! Eh bien nous venons de livrer notre marchandise au port. Nous allons à l'auberge Talia pour décrocher une nouvelle mission. En principe c'est comme ça que nous gagnons notre vie.

- Je vois.

- Ça vous va comme aventure ? Pas trop compliquée ou dangereuse ?

- Pour le moment non mais bon... ça va arriver... c'est toujours comme ça.

Le capitaine s'esclaffa en me claquant l'épaule.

Nous voyageâmes durant quelques heures à travers le ciel et les nuages. Il faisait bon vivre à bord de l'Estera. Le temps était toujours magnifique et l'équipage était fort sympathique. Nous racontâmes nos différentes péripéties et tout le monde nous écoutait avec fascination. Nous essayâmes même d'être utile à la navigation du bateau sous les ordres de Falko, le grand gaillard, qui nous apprit les bases du maniement des cordes et des voiles.

Nous passâmes un très agréable moment. Le soleil commençait à décliner, irisant le ciel de couleurs spectaculaires lorsque nous arrivâmes à l'auberge Talia.

C'était un petit établissement en bois situé au centre d'une toute petite île flottante au milieu de nulle part. Plusieurs véhicules volants étaient amarrés tout autour du morceau de terre ce qui indiquait qu'il s'agissait bel et bien d'un lieu fréquenté.

Nous débarquâmes tous ensemble et entrâmes d'un pas assuré dans l'auberge. C'était une très jolie taverne, bien vivante, elle était tout simplement bondée. Il y avait du monde partout, au bar, sur les tables, assis, debout... Ça discutait fort, chantait, braillait, un sacré bordel.

- Carlota ! hurla Cezaro en se dirigeant vers une belle grande femme qui servait à boire à une table.

- Cez' ! répondit-elle en retour. Déjà de retour ? Et tu as remmené de nouveaux amis en plus !

- Oui, c'est une longue histoire. Tu le croirais pas si je te racontais ! Bref, tu as quoi pour moi ?

- Ah ! Direct comme ça ? Vous voulez pas boire un coup d'abord ? Tu veux quoi ? Une livraison ? Un pillage ?

- Quelque chose qui paye bien !

Carlota réfléchit, lança deux trois regards à droite à gauche avant de se pencher vers le capitaine.

- Il y a un nouveau contrat... Une traque... Et c'est du lourd !

- Dis-moi tout !

- Un Joelo... à Oksana.

- Un Joelo ? Vraiment ? Gros ?

- Apparemment oui ! Il a déjà détruit quatre villages...

- Ah oui d'accord ! Eh bien on prend !

- Qu'est-ce que c'est que ça ? demandai-je à Elvira qui se tenait près de moi.

- Un Joelo ? C'est un monstre, plutôt rare, très agressif.

- Un monstre ? Mais qu'est-ce que vous voulez en faire ?

- C'est un contrat. On doit le traquer et le tuer !

- Quoi ? Comment ça ? Vous faites ça vous ?

- Oui ça arrive. La plupart des monstres sont inoffensifs mais lorsqu'il y en a un qui pose problème, les villages attaqués mettent un contrat sur sa tête et c'est souvent les équipages pirates qui s'en chargent. C'est dangereux mais ça rapporte gros !

Eh voilà, les ennuis commençaient...

Les Contes Fantastiques de Will Murphy - Saison 5 : La ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant