Membres de l'équipage

7 2 2
                                    

- Tu n'es pas un peu jeune pour partir comme ça ? demandai-je à Haroldo alors que nous traversions une succession de parcelles de terre et de passerelles de bois. Tes parents ne vont pas s'inquiéter ?

- Je vis avec ma tante. Elle est souvent occupée et moi je suis toujours dehors ou dans mon atelier. Elle a l'habitude de pas me voir pendant plusieurs jours. Et puis, elle connaît mon goût pour l'aventure ! Elle serait sans doute contente pour moi. Je lui enverrai une lettre quand je serai à bord de l'Estera !

- Et tu es certain qu'ils accepteront de te prendre ? Dans le... navire ?

- Oui ! J'espère bien !

Nous croisâmes d'autres fermes puis de petits villages jusqu'à finalement entrer dans ce qui ressemblait à une ville plus étendue.

Il s'agissait apparemment d'Aarono. Cela n'avait rien à voir avec la ville ultra futuriste que nous venions de quitter, loin de là. On était plus proche d'un grand village médiéval avec des routes en terre ou des ruelles pavées et des maisons construites sobrement en bois ou en pierre. Les lampadaires et les autres véhicules volants que l'on apercevait indiquaient qu'ils étaient tout de même équipés d'électricité ou d'une énergie similaire.

Les habitants vaquaient paisiblement à leurs occupations, il y avait des marchants, des boutiques en tous genres et des enfants qui couraient un peu partout. C'était une ville pleine de vie.

Nous finîmes par arriver au "port" d'Aarono. Il s'agissait d'une structure faite de métal bâtie à l'extrémité de la parcelle de terre volante sur laquelle se trouvait la ville. Bien entendu, je devais m'y attendre, les "navires" étaient des bateaux volants. Et c'était un magnifique tableau : des dizaines, peut-être des centaines, de navires de toutes tailles, de toutes formes, avec ou sans voiles, en bois ou en métal, venaient s'amarrer à ce gigantesque port construit à la verticale, au bord de la falaise, dans le vide. Comment ces énormes navires flottaient tout simplement dans le ciel ? Mystère.

Haroldo était de plus en plus excité. À peine arrivé au port, il bondit de sa moto et courut dans tous les sens à la recherche de la fameuse Estera. Laufern et moi nous efforçâmes de le suivre au milieu de la foule. Il y avait énormément de monde dans le port.

Le garçon finit enfin par se stopper net devant un immense bateau. Une coque imposante, deux mâts gigantesques, c'était lui. Plusieurs personnes faisaient des allers-retours sur le petit ponton de bois qui reliait le navire au quai, transportant des mallettes et autres caisses.

- Hé ! Monsieur Cezaro ! interpella Haroldo.

Un grand et épais barbu qui vérifiait les cargaisons que l'on chargeait ou déchargeait de l'Estera se retourna vers nous.

- Quoi ? grogna-t-il d'une voix caverneuse. Qu'est-ce que tu veux toi ?

- Je m'appelle Haroldo et je suis fan de vous et de vos aventures ! Je voudrais venir avec vous à bord de votre légendaire navire !

- Et pourquoi j'accepterais qu'un petit morveux dans ton genre embarque sur l'Estera ?

- Je suis mécanicien ! Je construis et répare toutes sortes de choses ! J'ai monté moi-même ma propre moto à impulsion et aucun appareil mécanique n'a de secret pour moi !

Au fil de la discussion, les quatre personnes qui faisaient des va-et-vient sur le bateau s'étaient arrêtés autour de Cezaro. Il y avait un grand costaud, une femme plutôt ronde, un vieux avec un bras mécanique et une jeune femme.

- Qu'est-ce que ça peut me faire ? rétorqua le capitaine. On n'est pas une garderie ici ! La vie de pirates des airs c'est pas pour n'importe qui !

- Wouah ! s'exclama Haroldo. Tout l'équipage de l'Estera au complet ! Vous êtes des héros ! Je vous adore ! Et je peux vous être utile, je vous assure ! Je ne vous décevrai pas !

La jeune femme à côté de Cezaro qui nous fixait depuis un moment se pencha vers le capitaine et lui glissa quelques mots à l'oreille.

- Quoi ? fit-il, surpris. Ces deux-là ? Tu es sûre ?

La jeune femme acquiesça en silence.

- Vous deux ! Qui êtes-vous ?

Il s'adressait à Laufern et moi.

- Qui ? Nous ? demandai-je. Heu... Nous...

- Ce sont des voyageurs ! s'exclama Haroldo. Comme vous !

- Vous ! nous pointa du doigt Cezaro. Vous deux, vous pouvez venir avec nous !

- De quoi ?

Je ne comprenais rien.

- Vous deux ! répéta le capitaine. Ça vous dirait de monter à bord ? Partir à l'aventure et à la chasse aux trésors avec nous ?

- Mais... mais...

- Et moi alors ? intervint Haroldo. On est ensemble ! Et c'est moi qui voulais monter à bord !

- Le petit est avec vous ? nous demanda Cezaro.

Laufern et moi nous regardâmes. Le leprechaun haussa les épaules. Le jeune garçon nous regardait d'un air suppliant. Je soufflai un grand coup.

- Oui... lâchai-je finalement. Il est avec nous...

- Dans ce cas... réfléchit le capitaine. Bienvenus à bord de l'Estera ! Vous êtes officiellement membres de l'équipage !

- Quoi ? s'écria Haroldo. C'est vrai ? Youhou ! Trop bien !

Nous montâmes tous à bord du gigantesque navire volant. Le jeune garçon était surexcité. Cezaro nous fit faire un tour des lieux. Cela ressemblait à un véritable bateau pirate : le pont, les cabines, les voiles... Mais là où l'Estera se démarquait de tous les transports "maritimes", c'est qu'elle possédait une immense salle des machines avec tout un tas d'appareils, de moteurs, de turbines et je ne sais quoi. Haroldo était aux anges.

Enfin, le capitaine nous présenta l'équipage. Le grand costaud s'appelait Falko, c'était l'homme à tout faire du bateau. Il s'occupait des voiles, du pont et de la barre quand Cezaro n'y était pas lui-même. La femme ronde se nommait Hilda et c'était la chef cuistot ! Le vieux avec son bras mécanique s'appelait Lazaro, c'était le canonnier du navire. En résumé, il était chargé de l'artillerie. De toute évidence, nous n'avions pas atterri sur un bateau de tourisme. Enfin, la jeune femme qui nous observait sans arrêt se nommait Elvira et c'était elle qui s'occupait de la salle des machines et de toute la partie moteur de l'engin.

Haroldo demanda s'il pouvait faire embarquer sa moto volante. Cezaro accepta et lorsque tout fut enfin prêt, l'Estera s'ébranla et s'éloigna lentement du port d'Aarono. Le déplacement était fort confortable, le navire glissait paisiblement dans le ciel.

Le jeune garçon, Laufern et moi-même étions sur le pont, profitant de la vue et du soleil toujours bien présent et très agréable.

- Pourquoi nous avoir acceptés sur votre bateau ? demandai-je finalement au capitaine qui tenait la barre.

- Mmm... grogna-t-il. Vous ne m'avez toujours pas dit qui vous étiez, ni d'où vous veniez, vous et votre petit compagnon.

- Hé !

- C'est compliqué... Nous venons de très loin... Mais ça ne répond pas à ma question !

- Vous ne répondez pas vraiment aux miennes non plus !

C'est à ce moment qu'Elvira, la mécanicienne, arriva sur le pont.

- Les machines roulent à merveille, annonça-t-elle à Cezaro. Tout est ok !

- Très bien ! répondit le capitaine.

Au bout de quelques minutes de silence durant lesquelles Elvira nous jetait toujours de petits coups d'œil, Cezaro finit par nous dire :

- Elvira possède certaines... facultés. Elle a notamment des... visions. Et elle vous a vu dans l'une d'entre elles !

- Quoi ?

Les Contes Fantastiques de Will Murphy - Saison 5 : La ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant