Chapitre 4

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Bonjour !
J'espère que vous allez bien en ce lundi matin ?
Bonne lecture ~
Saya

Je suis assise à l'extrémité d'une des longues tables dressées dans la cour de la ferme. Le banc est dur, inconfortable. Je me sens terriblement mal à l'aise. De toute ma vie, jamais je n'avais eu cette impression d'être aussi peu à ma place. Exposée... Vulnérable...

Quelle folie m'a prise, de risquer ainsi mon honneur et ma réputation en venant secrètement à cette fête, dans le seul but d'observer les agissements d'un jeune violoniste ayant à peine l'âge de mon fils ?

La nuit commence à tomber, et un peu partout, on allume des lanternes. Je dois reconnaître que c'est du plus bel effet, malgré la rusticité des lieux et la grossièreté de l'assemblée. De plus en plus nombreuse, la foule se presse, hilare, des rires gras et avinés fusent de toute part. Le fracas des bancs qu'on tire et des verres qu'on entrechoque couvre en partie le son de la musique. Les paysans endimanchés, aux faces larges et rougeoyantes, côtoient des commerçants à l'allure vulgaire, des bourgeois tout gonflés de leur importance, et quelques membres de la petite noblesse locale ( certains d'entre eux me sont d'ailleurs vaguement connus, et je me recroqueville sur mon banc quand, par hasard, leur regard vient à glisser sur moi, heureusement sans me voir).

Un peu partout, les enfants courent et se poursuivent en criant de joie, les jeunes gens se tiennent par les épaules ou par la taille, femmes et hommes rient et s'interpellent avec familiarité... Tout ce beau monde semble à l'aise, gai, naturel. Bien que cette fête n'ait rien du raffinement auquel je suis accoutumée, je me vois bien obligée d'admettre que l'atmosphère est plaisante, agréablement détendue. A vrai dire, je suis la seule à ne pas participer à la bonne humeur générale. Et pour cause !

Contrainte de garder l'anonymat, je dissimule tant bien que mal mon visage sous un chapeau à larges bords. Comme un jeune homme, j'ai noué mes cheveux blonds dans ma nuque, et je porte veste et hauts-de-chausse, tenue plus confortable que seyante. Mon choix s'est arrêté sur ce costume masculin, le plus adapté à la réalisation de mon projet. Un accoutrement de paysanne était tentant, certes, mais beaucoup trop risqué. Si je me suis plue quelques instants à m'imaginer dansant et batifolant au bras de Harry, j'ai dû rapidement renoncer à ce rêve insensé. Le garçon m'aurait reconnue au premier coup d'œil (ma silhouette ne ressemble en rien à celle d'une de ces filles à la carrure large et aux bras épais), et toute l'assemblée n'aurait pas tardé à en faire autant...Confondue, je me serais sentie profondément humiliée, et mon mari ne me l'aurait jamais pardonné.

Résignée, donc, à rester dans l'ombre sous l'apparence d'un banal jouvenceau, je suis venue accompagnée de mon valet Robert, nouveau dans la région et ne connaissant personne dans cette assemblée populaire. Aux rares individus qui nous ont adressé la parole jusqu'à présent, j'ai répondu du bout des lèvres, contrefaisant ma voix et me présentant comme le fils d'un commerçant de la ville voisine, venu s'amuser avec son cousin plus âgé. Ma fierté en a pris un coup, bien sûr ! Faire passer mon valet de pied pour mon cousin ! Jusqu'où me mènera ce goût du risque et de l'aventure ? Je préfère ne pas trop y penser...

Depuis mon arrivée, les musiciens n'ont pas cessé de jouer des danses villageoises, vives et entraînantes. Bourrées, gigues, menuets, gavottes et autres courantes... Ils sont installés sur une estrade, devant le bâtiment principal de la ferme, et le mur de pierre derrière eux renvoie efficacement le son. Harry se trouve parmi eux, animé, rayonnant. Tous les frères Weasley jouent à ses côtés, les trois aînés compris. Si elle n'est pas aussi élaborée et subtile que celle qu'ils interprètent au château, leur musique déborde cependant de joie et de vitalité, et les danseurs sont nombreux à se presser au bas de la tribune, sur les pavés de la vaste cour.

Passion coupable (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant