Chapitre 30

64 6 0
                                    

-Je m'occuperai de cette Mme Chourave, mon cher Severus. Ne vous inquiétez pas. Il ne sera pas difficile de lui trouver un nouveau travail.

-Merci, Thomas. Je reconnais bien là votre sens du dévouement.

-Ne me remerciez pas, c'est tout naturel. Et puisque vous m'assurez qu'il s'agit d'une personne de confiance, je m'en remets entièrement à votre jugement. Eh bien, messieurs, je vous annonce que nous sommes arrivés à bon port. Voyez, la voiture de poste vous attend.

La carriole s'arrêta au milieu de la place principale et populeuse de Bristol. Severus descendit, suivi de Harry et de Collins. Les deux hommes d'église se serrèrent chaleureusement la main, puis le vicaire de Bristol se tourna vers Harry et lui posa une main sur l'épaule.

-Bon voyage à vous aussi, jeune homme! Je suis heureux que vous vous soyez tiré sain et sauf de cette aventure. Vous devez une fière chandelle à mon ami Rogue...

Le garçon acquiesça et bougonna un remerciement. Il n'avait guère desserré les dents depuis qu'il était sorti de sa chambre, le matin même.

Collins remonta dans sa carriole, et leur fit un dernier signe d'adieu. Quand il se fut éloigné, les deux voyageurs confièrent leurs sacs au cocher, puis allèrent prendre place dans la voiture de poste. Deux hommes s'y trouvaient déjà installés, l'un d'âge mûr et l'autre, plus jeune, portant des petites lunettes rondes.

Harry déposa la boîte de violon dans le porte-bagages au dessus de sa tête puis se laissa tomber sur la banquette, près de la fenêtre. Severus se retrouva plus ou moins contraint de s'asseoir en face de lui.

Durant le parcours en carriole de Manderley à Bristol, le révérend avait discuté avec son confrère Collins, et n'avait guère échangé plus de trois mots avec le jeune Potter. Mais cela ne l'avait pas empêché de l'observer discrètement.

Le garçon n'avait plus aussi mauvaise mine, il semblait même reposé. L'animal sauvage aux abois, sale, les traits tirés, les cheveux en bataille et les yeux agrandis par l'angoisse, avait disparu. Ses joues s'étaient un peu remplumées, ses yeux paraissaient moins cernés et son bandage était invisible sous une chemise et une veste propres et soigneusement fermées.

Mais l'expression de son visage semblait morne et comme absente. Avec un pincement au cœur, Severus voyait se confirmer ses craintes. A l'évidence, le garçon avait du mal à se remettre des récents évènements.

Regrettait-il secrètement le Lord...? Après tout ce que l'aristocrate lui avait fait subir, était-il possible que cette brute sans morale lui manquât à ce point?

Severus se souvint brutalement du garçon appelant l'homme par son prénom, dans la grotte. « Tom, lâchez ce couteau... », avait-il dit avec fermeté. Tant de familiarité venait renforcer la thèse d'une véritable intimité partagée entre ces deux êtres.

Le garçon en voulait-il à Severus de l'avoir arraché à l'homme qu'il aimait?

Cette pensée amère rendit le pasteur encore plus désireux de dévoiler à l'adolescent le nom du meurtrier de ses parents...Mais le moment n'était pas encore venu.

La voiture de poste finit par s'ébranler. Une molle conversation s'engagea entre les deux inconnus et Severus. Le vieil homme allait rendre visite à ses enfants dans le sud du pays. Le plus jeune était un représentant de commerce qui voyageait pour affaires.

A son tour, Severus en révéla le minimum sur son propre compte. Il ne portait pas sa soutane, restée à Wardour, et il n'avait aucune envie d'éveiller la curiosité ou la méfiance de ses compagnons de voyage. Cependant, la présence de Harry l'empêchait de mentir ouvertement sur son identité et sa profession, aussi se contenta-il de rester très évasif.

Passion coupable (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant