Chapitre 23

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-Relève un peu la tête, Potter! Et regarde-moi! Comment ça se fait, que tu aies l'air aussi fatigué ?...Je me demande bien ce que tu as fabriqué, la nuit dernière, au lieu de dormir... Tu ne réponds pas? Qu'est-ce que vous en pensez, Mylord ? Pourquoi est-il éreinté, ce garçon?

Mulciber ricanait. Lord Voldemort sourit, l'air entendu, mais ne dit rien. Désabusé, Harry appuya sa tête contre le poteau derrière lui. Il posait depuis une quinzaine de minutes à peine, mais il avait l'impression d'être attaché à ce maudit pilier depuis des lustres ...

Déjà, le froid s'insinuait en lui, malgré le feu généreux qui grondait et crépitait dans la cheminée.

Avant de commencer, le peintre avait tenu à draper lui-même l'étoffe autour des hanches de Harry, sous le regard attentif du Lord. Cette opération délicate avait pris un certain temps, Mulciber s'ingéniant à nouer et dénouer le pagne, travaillant et modelant les plis, un petit sourire narquois errant au coin des lèvres.

Heureusement, il n'avait pas bâillonné le garçon, mais ce dernier avait bien compris qu'il faudrait en passer par là tôt ou tard, au cours de la séance de pose...

... Séance de pose à laquelle, moralement épuisé, il n'avait finalement pu échapper, après que le Lord lui eût à nouveau brandi à la figure diverses menaces plus ou moins déguisées ...

-J'ai bien avancé, n'est-ce pas, Mylord?, lança le peintre tandis que le Lord observait son travail. Hier, pendant que votre neveu s'occupait de la gamine, j'ai continué ce tableau, l'arrière-plan en particulier. Et vous voyez, ça prend forme!

-C'est très beau, Jack. Un peu sombre, peut-être, mais...

-C'est justement l'effet recherché, expliqua l'artiste avec une passion subite. Je veux qu'on ait le frisson, en contemplant cette toile. Réconforter, rassurer ou apaiser ne m'intéresse pas. Celui dont les yeux tomberont sur ce tableau, je veux le déranger, le troubler, l'effrayer, voire le perturber profondément... Mais aussi, l'exciter. En somme, j'aimerais lui présenter...ma propre vision de l'enfer, à la fois attirante et repoussante. Surtout, obsédante, Mylord... Quelque chose qui vous harcèle et ne vous laisse jamais en paix. Vous voyez ce que je veux dire?

-Tout à fait, mais...pour l'instant, l'aspect repoussant ne m'apparaît pas clairement.

Le peintre éclata de rire.

-Évidemment! Pour vous, il n'existera jamais! Vous ne trouverez que du plaisir à contempler ce tableau. Mais imaginez un quidam, bon chrétien, bon père -ou mère- de famille, bien pensant à tout point de vue, qui aperçoit cette toile dans une église, ou ailleurs... Ne risque-t-il pas d'être gêné par ce qu'il va ressentir? Il ne se reconnaîtra plus. Il va même très vite se haïr, sans pouvoir détacher les yeux de cette image. Comment peut-il être ainsi excité par cette représentation somme toute réaliste d'un malheureux martyr? Dieu veut-il l'éprouver? Le soumettre à une tentation plus cruelle, plus perverse encore que celle qu'il a réservée à ce brave St Antoine...? N'est-ce pas cela, l'enfer, Mylord?

Le Lord soupira, les yeux fixés sur la toile, puis à nouveau sur le modèle.

-Quoiqu'il en soit, j'ai l'intention de conserver ce tableau, Jack, murmura-t-il pensivement. Je n'ai pas l'intention de m'en séparer. Est-ce donc moi que tu veux conduire ainsi en enfer?

-N'y êtes-vous pas déjà, Mylord?

-Dans ce cas, l'enfer ressemble étrangement au paradis. J'y demeurerais volontiers une éternité...

-Avec Potter..., ricana Mulciber.

Tom eut un petit rire en retour et délaissant le peintre, il se rapprocha de Harry, dont le visage tendu reflétait l'humeur maussade. Il le prit par la taille, et le contact de ses grandes paumes chaudes sur sa peau glacée fit frissonner le garçon. Ces mains, qu'il connaissait à présent si intimement, ne le laisseraient jamais indifférent, comme il l'aurait voulu pourtant...

Passion coupable (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant