Chapitre 12

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Le bruit de coups violents frappés contre les murs l'arrachèrent brutalement au sommeil agité dans lequel il avait fini par sombrer. Son cauchemar semblait se prolonger, et pourtant, il était bien éveillé. Le cœur battant, il s'assit sur le lit, l'oreille aux aguets.

Les policiers devaient être en train d'inspecter la chambre du Lord, et sondaient planchers et cloisons. Prenaient-ils la peine de soulever les tapisseries? Cela ne faisait aucun doute. Comment la porte secrète pouvait-elle être assez discrète pour échapper à de telles recherches?

S'attendant à tout instant à voir surgir dans son réduit une escouade d'hommes en armes, Harry sentit tous ses membres se contracter de terreur. En une succession d'images fugitives, il se vit arrêté, enchaîné, ramené de force jusqu'à sa ville natale, traîné sur la place publique pour être mené au piloris. Il croyait entendre les cris de la foule assoiffée de sang, et il lui sembla croiser les regards affligés de ses amis en pleurs, désespérant de pouvoir jamais lui venir en aide...

...Une bien triste fin pour un jeune musicien si brillant, coupable seulement d'avoir cru aux promesses et cédé aux avances d'une belle Comtesse, mécène à ses heures...

En même temps que les chocs dans les murs, l'écho assourdi de voix fortes et éraillées lui parvenait à travers la pierre. Le Lord se trouvait certainement avec les policiers, surveillant leurs opérations. Etait-il en mesure d'exercer sur eux un certain contrôle ? Apparemment, il n'avait pu les empêcher de pénétrer dans sa chambre et de la fouiller dans ses moindres recoins...

Essayait-il de détourner leur attention d'une façon ou d'une autre?

Etait-il secrètement inquiet pour son jeune protégé, ou s'amusait-il à l'imaginer recroquevillé sur sa couchette, à demi mort d'angoisse...?

Hébété, Harry clignait des yeux dans l'obscurité. Il faisait noir comme dans un four, mais pour l'instant, le garçon préférait ne pas allumer la lampe à huile ou les chandelles, de peur qu'un rai de lumière passât par les interstices du mur et révélât sa cachette.

Le garçon n'avait aucune idée de l'heure qu'il pouvait être. En proie aux pires affres, il eut l'impression qu'une éternité s'écoulait avant que les bruits s'atténuent et que les coups dans les murs cessent enfin. Il se détendit légèrement et se leva d'un pas chancelant pour gagner la table à tâtons, trouver les allumettes (1) et faire de la lumière. Il s'aperçut qu'il avait faim et soif. L'assiette était toujours sur la table, mais elle était vide. Le vin ne le tentait guère, il s'en servit un verre malgré tout et se força à boire en grimaçant. Le liquide lui parut aigre, agressif sur sa langue et brûlant dans sa gorge...

Comme il n'avait rien de mieux à faire, il se mit à réfléchir à ce qui s'était passé quelques heures auparavant, lors de son entrevue avec le Lord. Après le départ de l'homme, le sommeil l'avait surpris de manière inattendue, alors qu'il essayait tant bien que mal de mettre de l'ordre dans ses pensées en analysant le comportement du Lord à son égard et sa propre réaction, inattendue et dérangeante...

En même temps qu'un malaise profond le gagnait à nouveau, la pensée de l'extrême précarité de sa situation l'atteignit comme une gifle.

Car plus que jamais, il était bien forcé d'admettre que son sort dépendait tout entier du bon vouloir de l'aristocrate. Or, ce dernier lui avait fait comprendre qu'il ne viendrait à son secours qu'à la condition qu'il y mît "de la bonne volonté". En clair, l'homme ne l'aiderait que s'il acceptait de... coucher avec lui.

Le garçon frissonna désagréablement. Etait-il possible qu'il fût tombé si bas? Quand, où avait commencé pour lui cette inexorable descente aux enfers?

Passion coupable (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant