Lana

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Je regardais les paysages désertiques défiler sous mes yeux fatiguée par la longueur du trajet. J'étais assise sur le siège arrière du vieux pick-up de mon grand-père, qui d'après lui avait jadis été rouge.
Kuro, le labrador noir de mon grand-père, était tranquillement allongé à mes côtés la tête reposée sur ses pattes, la langue pendante et les oreilles agitées par le vent s'échappant de ma fenêtre ouverte.

Ce papi avait un style assez particulier, il portait habituellement un chapeau de cow-boy en paille taché de sueur, un blouson en cuir et des lunettes de soleil noires. Je n'avais jamais été proche de lui, en fait c'est même la première fois que je le rencontrais... Mais c'était le seul parent que l'Etat m'avait trouvé quand il m'avait attrapé et c'était rendu compte que je vivais seule depuis mes 10 ans, quand mes géniteurs étaient tout simplement partis se la couler douce sur la Méditerranée avec l'argent qu'ils avaient amassé ! Pas question d'y aller avec une gamine, bien trop bruyant et bien trop encombrant ! J'ai appris des années plus tard qu'ils avait passé plusieurs années en prison et l'Etat ne va pas laisser une "pauvre enfant" entre les mains de pareilles crapules... alors ziouuuu direction Las Vegas chez le père de mon père dont je n'avais jamais entendu parler !

- Je suis censée faire quoi du reste de ma journée ? Questionnais-je finalement, prenant mon courage à deux mains.
Le papi donna un violent coup de volant pour éviter un nid-de-poule.
- Ce que tu veux.
-...Tu n'a ni téléproj, ni ordi, tablette ou quoi que ce soit !
Le pseudo-ranch de ce papi était tellement isolé, et lui si fauché, que les seules éléments de modernité étaient une vieille télé plate et un poste de radio datant au moins des années 2010...!
- Bah...! Il doit rester quelques livres dans la cave... et puis tu peux nettoyer l'écurie ou visiter les alentours.
Il désigna le paysage d'un coup de menton.
- Il y a de Jolies vues de là-haut.
-... mouais.
Il remis la radio en marche.

La camionnette zigzaguait violemment sur la route qui longeait un ravin profond d'au moins une trentaine de mètres. Au fond ne poussaient que quelques touffes d'herbe sèche, des cornouillers et des pins rabougris.

Et soudainement, alors que je regardais le ravin d'un air morne... la camionnette sortit de la route.
Papi poussa une exclamation de rage et de surprise tandis que je fermais les yeux d'un air paniqué. Kuro aboyait incessamment, paniquée.

La vieille voiture dévala la pente. Je fut projetée en avant, le ventre scié par la ceinture de sécurité.
Le véhicule prit de la vitesse, percuta de plein fouet un arbuste qui se cassa net sous le choc, et continua sa route entouré d'un nuage de poussière. J'étais secouée de tous les côtés, je me cognais contre la portière, mes épaules heurtant la vitre, mes dents s'entrechoquant... j'entendis un bruit violent et j'aperçus la tête de mon grand-père s'écraser sur le parebrise, l'éclaboussant de son sang. Je serrais les dents sachant que je ne pouvais rien faire pour l'aider. La douleur me sciait les côtés, probablement brisées tandis que je rebondissais sur les parois. Je sentis mon épaule s'écraser contre le siège avant, une vitre venant exploser contre ma nuque.
Puis, brusquement, le pick-up s'immobilisa.
Je gisais face contre terre, le corps écartelé dans une position inconcevable. La poussière me faisait suffoquer, tandis que je tentais de tousser, j'avais la bouche pleine de sang et ne voyait plus que d'un œil.
J'avais la tête en bas et le sang commençait à me monter à la tête, mais mon corps entier souffrait tellement qu'une douleur de plus ne changeait presque rien.
La douleur m'élançais dans tous le corps, c'était tellement affreux que l'envie de bouger ne me venait pas tant un mouvement me faisait mal.
Mais... il fallait absolument que je sorte de là. Je me tournais tant bien que mal en poussant un faible gémissement de douleur et tentais d'atteindre la portière, mais mon bras droit était paralysé. Je jetais un coup de mon œil valide sur la blessure et poussait un hurlement qui se changea en quinte toux. Mon avant-bras formait désormais un V. Des bouts d'os cassés menaçaient de transpercer ma peau. Totalement affolée, je commençais à m'agiter comme un diable, inutilement, immobilisée comme j'étais. Et finalement, la souffrance était si intolérable que mes yeux se fermèrent et il me semble que je m'évanouis.

Obscur destinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant