Chapitre 11 (Mary)

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Après la cérémonie, mes amies et moi nous dispersons aux quatre coins du château. J'en profite pour partir à la recherche de François : j'ai besoin de lui parler. Une discussion s'impose face à ses nombreux changements d'humeur. Lui qui paraissait si aimable ce matin me claque la porte au nez cet après-midi. Et pourtant, j'ai tout de même l'impression qu'il a aussi ressenti cette connexion entre nous tout à l'heure, lors du bal... j'en suis encore toute retournée. Je ne sais vraiment plus quoi penser de lui.

En retournant dans la salle de bal, je le trouve en train de converser avec trois autres nobles. Il m'aperçoit immédiatement et fait signe aux gentilshommes de l'excuser. Je le guide donc vers un couloir extérieur afin que nous puissions parler seul à seul.

-"J'ai à te parler de quelque chose..."

-"Je voulais justement te voir.", m'interrompt-il. "Quand tu as frappé à ma porte, je n'aurais pas dû te parler ainsi. Il y avait d'autres façons de traiter ça."

-"De traiter quoi ? Moi ?", je demande, entre amusement et incompréhension. "Est-ce que tu te rends compte que nous serons mari et femme un jour ?"

-"Oui j'en suis bien conscient."

S'il en est conscient, il ne me le montre pas vraiment : j'ai bien vu qu'il évite d'aborder la question du mariage depuis notre rencontre.

-"Je sais que tu as eu une vie avant mon arrivée.", je reprends.

-"Ce n'est pas ça...", tente-il de m'interrompre.

-"Tu ne crois pas que nous devrions nous donner une chance ? Que ce soit pour nous, nos familles, nos pays... c'est la moindre des choses !", je réponds, de plus en plus irritée.

-"Ce n'est pas si simple."

-"Ah non, comment ça ? Moi je trouve ça très simple : nous sommes fiancés depuis l'âge de six ans, tout est arrangé... Tu dois me trouver affreuse pour te comporter de la sorte.", dis-je, blessée.

-"Ça n'a rien à voir avec toi.", me rassure-t-il. "Tu es belle, intelligente, imprévisible...", continue-t-il, alors qu'un sourire apparaît sur mon visage.

Ces compliments soudains me font reprendre un peu espoir, jusqu'à ce que François en efface à nouveau toute trace.

-"Mais... la question n'est pas là.", ajoute-t-il. "Je dois penser en priorité à mon pays. La France n'est pas aussi forte que tu peux le penser. Tu t'en moques peut-être, mais pas moi. Je vais devenir roi, je serais responsable de mon peuple... et pour l'instant, une alliance avec l'Ecosse détruirait la France."

Ses dernières paroles m'atteignent en poitrine : il veut briser tous les accords qui lient nos deux pays, ceux sur lesquels réside l'avenir de l'Ecosse depuis que je suis toute petite...

-"Tu n'as pas l'intention de m'épouser...", je réalise alors. "Tu ne l'as pas prévu du tout..."

-"Tout peut encore changer.", répond-t-il en haussant les épaules.

-"Ce n'est pas à toi d'en décider, c'est à ton père de le faire.", je réplique.

-"L'as-tu vu nous pousser à trouver une date ? Les fiançailles servent à garder des alliances ouvertes. Il pense que l'Ecosse peut nous aider, je pense que nous pouvons trouver un allié plus important."

Alors tout repose sur la décision du souverain français ? S'il annule nos fiançailles, je perds tout ce pour quoi ma mère s'est battue... L'Ecosse ne sera plus qu'un tas de cendres dévasté par les troupes anglaises. Non, je refuse de m'y soumettre.

-"Je sais que ce n'est pas ce que tu voulais entendre.", soupire-t-il.

-"Tu refuses de m'aimer... Tu te retiens de le faire.", dis-je avec aigreur.

-"A notre niveau, l'amour n'a pas sa place. Nous avons tous les privilèges, excepté celui d'aimer."

Toutes les affirmations de François m'apparaissent comme une injustice, mais il n'a peut-être pas tort : nous sommes enchaînés à ce statut de souverains. Il nous oblige à faire passer nos pays avant le reste, avant l'amour.

-"Je te demande seulement d'attendre un peu... de voir comment ça se passe.", continue-t-il.

-"De voir comment ça se passe pour la France ?", je complète, tandis que mes yeux lui lancent des éclairs. "Finalement tout est simple à tes yeux... Seulement tu n'es pas le seul à avoir un royaume à servir.", dis-je froidement, avant de partir me réfugier dans ma chambre le plus dignement possible, pour me plonger dans un sommeil bien mérité.

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Je suis réveillée au beau milieu de la nuit par un brusque mouvement sur mon lit : quelqu'un vient d'ôter ma couverture. J'ouvre subitement les yeux et pousse un cri perçant lorsque je vois un homme positionné à califourchon sur moi. Une fraction de seconde s'écoule avant que je ne le reconnaisse : ce visage... c'est celui de Coleen... Il affiche un air stupéfait puis s'empresse de me faire taire, une main positionnée sur ma bouche, l'autre agrippée à mon poignet pour m'empêcher de bouger.

-"Votre Majesté, non ! Ne criez pas ! Je vous en prie !", supplie-t-il.

Mais mon instinct de survie me dicte tout le contraire : mes cris s'accentuent donc tandis que je me débats tant bien que mal.

-"A l'aide !", je crie de toutes mes forces, en espérant que les gardes entendent mes appels au secours.

La réponse ne tarde pas à arriver, car j'entends deux coups de massue m'indiquant qu'on enfonce la porte de ma chambre. Coleen s'écarte brusquement de moi et je recule, choquée par cette tentative d'agression. Des gardes interceptent immédiatement le jeune homme, tandis qu'il me crie à nouveau des supplications, avant de disparaître hors de la pièce. Je rabats alors les couvertures et les serre contre mes muscles tétanisés. Je sens que la nuit va être courte...

Mary Stuart : Long Live The Queen [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant