Chapitre 2 (Mary)

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J'hésite un instant avant de sortir du bâtiment. Quand j'aurais franchi ces murs, je ne pourrais plus retourner en arrière. Derrière cette porte se trouve le chemin vers ma nouvelle vie. Comme je suis désormais en âge de me marier, je peux enfin retourner à la cour de France. J'attends ce jour depuis si longtemps, et maintenant que le moment est venu, la nervosité m'envahit.

Cela fait une semaine que les Anglais ont tenté de m'empoisonner. Depuis, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir une pensée pour sœur Hélène, la nonne qui s'est sacrifiée à ma place. J'ai appris quelques jours après qu'elle était ma goûteuse. Une question me vient à l'esprit, et elle me terrifie : Combien de personnes sont déjà mortes pour moi?

J'ouvre la lourde porte en bois qui se trouve devant moi. Les rayons du soleil se reflètent sur les plis de mon manteau. Je dois dois avouer que je n'ai jamais revêtu d'habits aussi luxueux que ceux que je porte aujourd'hui. J'ai conscience qu'il faut que je fasse bonne impression auprès des français. Les nonnes m'ont choisi une robe vert d'eau qui met mon teint en valeur, et elles ont aussi tissé des perles dans mes cheveux. Pour la première fois de ma vie, je trouve que j'ai vraiment l'allure d'une reine.

A l'extérieur, je découvre que toutes mes camarades du couvent sont venues me dire au revoir. Tous les regards sont braqués sur moi, et cela m'intimide un peu. La foule s'écarte de part et d'autre de l'allée centrale pour me laisser passer. Je les remercie d'un sourire timide et avance jusqu'à me retrouver devant la mère supérieure qui m'adresse un regard bienveillant.

-"Je ne suis pas sûre d'être prête.", dis-je.

-"A partir d'ici ou à épouser le futur roi de France ?"

-"Les deux, ma mère." Je soupire. "J'espérais revoir l'Ecosse une dernière fois."

-"Ne t'en fais pas, tes amies d'Ecosse te rejoindront sur place : des filles que tu as connu toute ton enfance. Elles pourront mieux te protéger à la cour."

Je hoche la tête. J'ai reçu une lettre de ma mère il y a quelques semaines, m'informant que Greer, Lola, Kenna, et Aylie avaient été choisies pour devenir mes dames de compagnie. Je me fais une joie à l'idée de les revoir.

-"Tu seras vite une femme et François un homme.", reprend-t-elle. "L'heure a sonné."

Je la prends dans mes bras et cela suffit à me rassurer. Nous nous dégageons l'une de l'autre puis sœur Madeleine regarde autour d'elle et emploie le ton de la confidence.

-"Tu seras bientôt unie au jeune François pour toujours. Pour ta foi, pour ton peuple, et pour l'Ecosse."Elle réprime un sourire. "Il t'aimera, j'en suis sûre."

-"Ça n'a pas d'importance."

-"Oh, ça en a à tes yeux."

Elle me regarde attentivement, comme si elle pouvait lire au plus profond de mon âme. A-t-elle compris ce que je ne voulais pas encore admettre ? Je sais qu'au fond de moi j'espère que ce sera plus qu'un simple mariage arrangé. Je souris à cette idée.

Une petite frimousse rousse nous interrompt : c'est Rose, qui souhaite me parler une dernière fois.

-"Marie ?", m'appelle-t-elle.

-"Oui, Rose ?"

-"Sois prudente il y aura des revenants.",dit-elle en brandissant une sorte de chapelet.

-"Au château?"

-"Oui, on dit que les couloirs en sont remplis. Des âmes torturées... Une fille dont le visage tombe en ruine... et qui le cache."

J'avais oublié à quel point Rose prend au sérieux toutes ces croyances. Elle me remet le chapelet, toujours avec la même mine inquiète. Je tente de la rassurer.

-"Tu sais, j'ai été à la cour de France quand j'avais un peu près ton âge. Et je peux te dire que je n'en ai pas vu."

-"Mais imagine que eux t'aient vue !"

Mon sourire s'efface. Je frémis à l'idée que des morts puissent m'observer. Rose vient d'ajouter une autre crainte à mon esprit. Un garde me tire de mes pensées obscures.

-"Votre altesse."

Le carrosse m'attend, et on m'invite à monter à l'intérieur. Je jette un dernier regard en arrière, à ces femmes qui m'ont accompagné pendant une partie de mon enfance. C'est comme si je quittais ma famille pour aller en retrouver une autre. Je m'assieds sur la banquette et me mets à l'aise. Le voyage est censé durer quelques heures. J'ai donc tout mon temps pour me débattre des milliers de questions qui s'insinuent dans mon esprit. Serais-je plus en sécurité à la cour de France ? Cette alliance va t-elle aboutir à une victoire contre l'Angleterre ou faire ruine de l'Ecosse ? Serais-je bien accueillie par la famille royale ? Serais-je heureuse aux côtés de François ? Et ainsi, ces pensées m'accablent de doutes tout au long du trajet, tandis que je m'en vais accomplir mon destin.

Mary Stuart : Long Live The Queen [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant