Chapitre 7 (Mary)

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Un peu plus tard dans l'après-midi, je décide de m'aventurer dans les jardins du château, en compagnie de mon chien Stirling. Je découvre un petit étang bordé de roseaux, qui se situe à la lisière de la forêt. Je m'approche au bord de l'eau et retire mes souliers afin d'y tremper les pieds. Je frissonne un peu au contact des rochers mouillés, puis m'assieds délicatement. Le vent émet des petits clapotis sur le lac, et mon jupon se retrouve vite trempé... Je lâche un rire : mère serait horrifiée de me voir dans cet état le jour de mon retour à la cour... Je plonge mes mains dans l'eau fraîche et remarque soudain de jolis cailloux colorés. Je pense immédiatement à François : il pourrait sans doute utiliser des pierres de ce genre pour décorer ses épées. J'en ramasse donc quelques unes, et j'en observe une dans ma main, à quelques centimètres de mes yeux. Elle prend une teinte opaque, et semble briller à la lumière du soleil. Je reste émerveillée devant ce petit instant magique.

Tout à coup, mon chien se met à grogner de façon menaçante. Il aboie alors en direction de la forêt, ce qui me fait sursauter. J'en fait presque tomber mes précieuses pierres.

-"Stirling, arrête !", je crie, et mon chien tourne sa tête vers moi. "Stirling, viens ici."

Le son de ma voix semble le rassurer, et il se réfugie près de moi. Je récupère ensuite mes cailloux et regagne le château.

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A l'intérieur, je tente tant bien que mal de retrouver les appartements de François. Une servante m'indique finalement le chemin. Arrivée devant la porte de sa chambre, je suis soudain nerveuse. Je me rends compte à cet instant que les pierres que je dois lui donner ne sont qu'un prétexte pour le revoir. Je me décide enfin à toquer à la porte. Celle-ci s'ouvre quelques secondes plus tard, et François apparaît sur le seuil.

-"Mary ? Que fais-tu là ?", dit-il, le regard distant.

-"Je t'ai apporté de quoi décorer tes épées et tes dagues.", je réponds, en montrant les cailloux trouvés au bord de l'étang.

Il les toise, sans y prêter grand intérêt.

-"Ce n'est pas le moment.", déclare-t-il froidement, tandis que mon sourire s'efface. "La prochaine fois fais-toi annoncer. Mon page n'est pas là pour rien."

Que lui arrive-t-il ? J'ai l'impression qu'un garçon tout autre - l'opposé de celui avec qui j'ai conversé quelques heures plus tôt - se trouve devant moi, en train de me mépriser.

-"Oh... Je... je suis étonnée je croyais que..."

-"Tu n'as rien à faire là.", répète-il, en m'adressant un glacial.

-"Pourquoi est ce que tout d'un coup tu es si...", je m'interromps, alors qu'il paraît de plus en plus impatient de me voir partir.

Une pensée stupéfiante me traverse l'esprit.

-"Est ce que... est ce que tu ne serais pas seul ?", je l'interroge.

Les yeux de François deviennent tout à coup fuyants. Aurais-je vu juste ?

-"Il y a quelqu'un dans ta chambre ?", je répète avec dégoût, tout en m'avançant.

Une fois de plus, il semble résigné à ne pas me laisser entrer, ce qui confirme mes soupçons.

-"Si tu dois devenir reine de France, il y a une chose que tu dois apprendre : le roi n'a pas de comptes à rendre à sa femme."

Sur ce, il me claque la porte au nez, et je reste là, pétrifiée. Les dernières paroles de François m'ont fait l'effet d'un coup de poignard. Il paraissait si gentil, quelques heures plus tôt. Il faut croire que je me suis trompée : il est prétentieux, blessant, et arrogant. Je regrette vraiment d'avoir découvert cette facette de sa personnalité.

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Je m'éloigne vivement de la porte et sors du palais en courant. Lorsque j'arrive enfin devant l'étang près de la forêt, je lance de toutes mes forces les pierres précieuses dans l'eau. Celles-ci ricochent sur le lac avant de disparaître définitivement sous la surface. J'entends un aboiement derrière moi et j'aperçois mon chien courir à toute vitesse en direction de la forêt.

-"Stirling !", je l'appelle, alors qu'il s'engouffre dans les bois sombres."Non, reviens ici !"

Je ne le vois plus, mais j'entends toujours ses aboiements, alors je continue de crier son nom.

-"Mary !", appelle plusieurs fois une voix, que je n'écoute pas, au bord de la panique.

J'entends des pas arriver derrière moi, puis quelqu'un m'agrippe par le bras, et m'arrête de force.

-"Où allez-vous voyons, Mary ?"

Je reconnais alors Sébastien, le frère de François, habillé en tenue d'écuyer. Je le détaille du regard.

-"Les jeunes filles de sang royal, et plus encore les reines, ne peuvent quitter le château seules.", reprend-t-il d'un ton sérieux.

-"Mais j'ai perdu mon chien.", dis-je soucieuse.

-"Il reviendra. N'allez jamais dans ces bois, c'est bien compris ?"

-"Et pour quelle raison ?", je le questionne, un peu curieuse. "Qu'y a-t-il dans ces bois, en dehors de mon chien, que j'aurais rattrapé si vous ne m'en aviez pas empêché ?

-"Il retrouvera son chemin.", affirme-t-il.

Il a toujours ses mains plaquées sur mes bras, et ce contact me déstabilise un peu. Mais son sourire est plutôt chaleureux, alors je ne lui en veux pas. Sébastien reprend la parole.

-"Au château, il y a de quoi manger, se réchauffer, tout le monde voudrait y rester !"

Je détourne la tête, car tous les problèmes de la journée me reviennent alors en mémoire. Jusqu'à maintenant, le palais ne m'a pas apporté grand chose de bien. Sébastien m'observe un instant.

-"A part vous peut-être ?", enchaîne le jeune homme. "Vous préféreriez retourner au couvent, à manger de la bouillie, et à patauger dans la boue ?", demande-t-il, moqueur.

-"J'aime la sensation de la boue sous le pied.", je réplique.

-"Peut-être serez vous renvoyée chez les nonnes pour mauvaise conduite...", continue-t-il.

-"Vous êtes insolent !", je m'indigne, un peu vexée.

-"Et vous, vous êtes préoccupée par autre chose que l'envie soudaine d'évasion de votre chien. Qu'y a-t-il ?"

J'hésite un instant avant de m'ouvrir à Sébastien. Puis-je vraiment lui faire confiance ? Après tout, ça me ferait du bien de me confier à quelqu'un...

-"Allez demander à votre frère.", je lance, avec sarcasme.

-"Lui demander quoi ?"

-"Pourquoi il est aussi capricieux, et arrogant."

Sébastien soupire d'un air amusé, tout en me regardant.

-"A propos, nous ne sommes que demi-frères, on a vraiment que notre père en commun", dit-il, malicieux.

-"Oh...", je réponds, un sourire au coin des lèvres.

-"Mais je parlerais de votre contrariété à François."

-"N'en faites rien.", je rétorque.

-"Et je retrouverais votre chien.", ajoute-il, alors que je m'éloigne.

Je me retourne vers lui, et nous nous défions du regard. Il y a peu de chances qu'il tienne sa promesse. Je souris néanmoins. Quel drôle d'échange ai-je eu avec Sébastien ! Je sens que nous allons bien nous entendre... 

Mary Stuart : Long Live The Queen [EN PAUSE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant