1 : Je ne me sens jamais aussi seul que quand la fête bat son plein

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"Tout seul dans la nuit
j'avais découvert ma bête noire
puis j'ai fini par me dire
que c'était peut-être moi
je crois depuis toujours que seule la pénombre me tempère, me contraignant à me noyer pour faire capturer mon âme.
j'espère encore que mon chant
triste fasse taire la tempête,
mais la douleur au fond de moi
c'est le vrai parler de mon drame
mais la nuit n'en finit pas de veiller sur moi
et la lune de son côté croît plus fort pour moi
pour que des étoiles perdues
je devienne l'astronaute,
et qu'enfin le Vodianoï se
transforme en Alkonost."

(your.nash - pessimiste)




Swann était assis sur une des marches du grand escalier menant au premier étage. Boisson à la main, il buvait une gorgée de temps à autre, observant les gens autour de lui. Cela faisait déjà vingt bonnes minutes que ses amis l'avaient laissé seul pour aller chercher plus de verres, Swann commençait à croire qu'ils s'étaient perdus.

La fête battait son plein, mais dans sa tête, c'était le vide. Swann se sentait seul au milieu de cette foule de personnes qui paraissait si heureuse en cet instant. C'est pour cela qu'il aimait tant ce genre d'endroit, ici, personne ne jugeait, personne ne parlait des problèmes de la vie. On était simplement là pour oublier, pour s'amuser et être heureux ne serait-ce que le temps d'une soirée. Mais aujourd'hui, il n'arrivait pas à se fondre dans la foule, à s'agiter au rythme de la musique. Il aurait pourtant voulu oublier cette date qu'il détestait plus que tout, mais elle était ancrée dans son cerveau, et tous les ans, elle revenait le hanter.

Il se leva en soupirant, quand une main se posa sur son épaule. Il fit volte-face et croisa le regard sombre d'une jeune fille à la longue chevelure brune.

— T'es tout seul ? demanda-t-elle en rapprochant sa bouche de son oreille pour se faire entendre.

— Non, répondit-il.

— J'aurais dû m'en douter, un beau mec comme toi...

— Je suis avec des potes, éclaircit Swann. Mais je commence à croire qu'ils m'ont planté.

Le sourire de la jeune femme réapparut et elle posa sa main sur le torse de Swann, prenant un air aguicheur.

— Tu veux qu'on s'amuse un peu ? proposa-t-elle.

Le jeune homme jeta un rapide coup d'œil autour de lui, vérifiant que ses amis n'arrivaient pas et hocha positivement la tête, suivant la fille en attrapant la main qu'elle lui tendit.


— Swann !

Swann se retourna en fermant la porte et finissant de se rhabiller. Elouan accourait vers lui et, ignorant le fait qu'il sortait d'une chambre, s'exclama :

— Putain mec je suis trop con ! Je suis désolé, j'avais oublié quel jour on est !

Il s'arrêta enfin devant lui, mains sur les genoux, le souffle court. Il reprit sa respiration pendant quelques secondes et se redressa finalement pour planter ses prunelles brunes dans celles de Swann.

— Je n'ai pas trouvé Jean-Loup, est-ce que tu veux qu'on y aille ? proposa-t-il. On récupère les vélos et on y va.

Swann passa une main dans ses cheveux, nerveux. Il savait que ça finirait simplement en une tristesse profonde. Comme à chaque fois. Mais après tout, il lui devait bien ça, surtout après qu'il ait couché avec une inconnue en ce jour si... spécial.

Il finit par acquiescer et suivit son ami à l'extérieur de la villa. Ils passèrent chez les parents de celui-ci - là où il était revenu habiter, après avoir été expulsé de son ancien appartement pour s'être mis tous les voisins à dos, à force de mettre tous les vendredis et samedis soirs la musique à fond. Une musique que les pauvres personnes âgées vivant dans l'immeuble depuis des années n'appréciaient guère.

Ils contournèrent la grande maison et récupérèrent les vélos à l'arrière de la demeure, puis, s'élancèrent sur les routes de la grande ville de Nice.

Les rues étaient désertes à cette heure-ci, le vent faisait légèrement voler les courts cheveux bruns de Swann. Il suivait son ami qui le guidait à travers la nuit.

Le jeune homme leva la tête vers le ciel pour contempler les étoiles qui semblaient veiller sur lui, là-haut. Il afficha un vague sourire pendant quelques secondes et retint une larme qui menaça de couler au coin de son œil.

Arrivés devant l'entrée du cimetière, les deux garçons déposèrent leurs vélos et Swann courût quelques mètres plus loin pour récupérer quelques fleurs à côté d'un buisson, non loin, histoire de ne pas arriver les mains vides. Elouan l'attendit, pianotant rapidement un texto sur son portable pour prévenir Jean-Louis de leur départ précipité.

Quand Swann le rejoignit, il rangea son téléphone et ils escaladèrent le grand portail pour passer de l'autre côté.

Ils marchèrent entre les nombreuses allées du cimetière et s'arrêtèrent finalement face à une pierre tombale qui paraissait abandonnée par rapport aux autres. Mais aux yeux de Swann, elle brillait de mille feux.

Elouan alla s'asseoir dans l'herbe un peu plus loin pour laisser plus d'intimité à son ami. Swann le remercia d'un signe de tête et posa le bouquet improvisé sur la pierre.

Ellie Paroini 1999 - 2016

Trois ans aujourd'hui qu'elle était partie. Trois ans que Swann avait vu sa vie basculer si drastiquement qu'il ne savait plus comment tout cela avait pu arriver. Trois ans que le vide qu'elle avait laissé en lui le hantait, le bouffait de l'intérieur. Un vide s'était creusé en lui, un vide immense dans sa chair que ni la Terre, ni ses tissus organiques ne pourraient combler. Un vide dont le seul remède serait sa présence, mais ce remède, il ne le trouverait jamais.

Swann se mit à pleurer, sans pouvoir se contenir. Voilà trop longtemps qu'il retenait ses émotions, trop longtemps qu'il refoulait ses pleurs.

Elouan, un peu plus loin, s'en aperçut et vint se placer aux côtés de son ami, dans un signe de soutien. Il ne prononça pas un mot quand Swann se plia en deux et poussa un cri de douleur, de tristesse, de désespoir. Il ne pourrait comprendre son chagrin, mais voir son ami ainsi lui brisait le cœur. Cependant, la seule chose qu'il pouvait faire en cet instant, c'était lui signaler sa présence, lui montrer qu'il était là pour lui, et que même si la douleur le ravageait, il ne le laisserait pas tomber.

Elouan posa une main réconfortante sur le dos de celui qu'il considérait comme son petit frère et les pleurs de celui-ci redoublèrent. Swann se laissa tomber à terre, la tête baissée, comme s'il suppliait le ciel de lui rendre cette personne si chère à ses yeux.

Ce spectacle fit grimacer Elouan. Le voir dans un état pareil lui faisait si mal, lui qui était si souriant d'habitude. Mais ils ne pouvaient pas être deux à se mettre à pleurer, alors Elouan lutta contre la tristesse que lui faisait ressentir son ami, essuyant discrètement une larme au coin de son œil.

— Je suis désolé, je suis désolé...

La voix de Swann n'était plus qu'un murmure qui se perdit dans le silence de la nuit. Il espérait que ses mots atteindraient celle qui l'avait toujours pardonné.

De longues minutes passèrent, pendant lesquelles seuls les reniflements réguliers de Swann vinrent déranger le silence. Elouan finit par l'aider à se relever et le conduit jusqu'au portail après l'avoir pris dans ses bras. Ils l'escaladèrent à nouveau, montèrent sur leurs vélos et disparurent au tournant de la route.

Risibles AmoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant