8 : Quant à elle, elle est morte( )elle

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— Alors ?

— Alors quoi ?

— C'était comment ? demanda Scylla en refermant la porte de l'immeuble.

— Normal, répondit Swann en haussant les épaules.

— Normal ? Swann, tu te fous de moi ?

Le jeune soupira en enfonçant ses mains dans ses poches, continuant de marcher devant sa sœur.

— Tu viens de passer une putain d'heure à le regarder dans le blanc des yeux sans rien dire ! Bon sang, qu'est-ce que t'as à la fin ?! Quand est-ce que tu vas reprendre ta vie en main ? Quand est-ce que tu vas nous laisser t'aider ?!

— Elle est morte ! ELLE EST MORTE ! explosa Swann. Putain, tu comprends ça ?! Tu peux pas m'aider ! Arrête de vouloir tout contrôler au moins une fois dans ta vie !

En plein centre de la place Garibaldi, les passants fixaient les deux jeunes d'un regard mauvais.

— Je sais qu'elle est morte, mais se renfermer comme tu le fais ne vas rien changer à ce fait. Elle ne va pas...

— Scylla, laisse-moi tranquille ! Oublie-moi !

Swann laissa sa sœur plantée là et s'éloigna à grand pas pour se diriger vers l'arrêt de tram.

— Swann... Swann ! cria la jeune femme en se précipitant pour le rattraper.

Il fit sourde oreille et continua de marcher en accélérant la cadence. Le tramway arriva au même instant. Mais lorsqu'il s'apprêtait à entrer, une main se referma sur son avant bras et le tira en arrière. À bout de force, Swann tomba dans les bras de sa sœur et éclata en sanglots. Scylla serra son petit frère contre elle en lui caressant doucement le dos. Elle ferma les yeux, laissant une larme s'échapper.

— Je suis désolée Swann... Je suis désolée...

*

Swann claqua la portière de la voiture côté passager et s'avança jusqu'au muret, séparant la plage du trottoir. Scylla arriva quelques minutes plus tard et lui tendit un sachet marron.

— Jambon fromage ?

Swann sourit en déballant son panini et hochant doucement la tête.

— Swann... Tu sais, je mentirais si je disais que je comprends ce que tu vis. Mais je sais à quel point tu tenais à elle, je sais à quel point elle était importante pour toi. Mais écoute, il faut que tu arrêtes de te blâmer. Il faut que tu acceptes l'aide qu'on essaie de t'offrir, il faut que tu te rendes compte que tu vas mal. Personne ne pourra t'aider tant que tu ne le feras pas.

Swann se laissa tomber sur le muret aux côtés de sa sœur, fixant son sandwich. Le vent se leva doucement et il observa un vieil homme jouer avec son chien sur la plage de galets.

— Je sais... Je sais que je vais mal Scylla. Mais je vois pas comment je pourrais faire pour aller mieux. Ça sert à rien d'essayer, je vois pas le bout du tunnel, je le verrais sans doute jamais, alors pourquoi insister ?

— Et qu'est-ce que tu comptes faire ? Continuer de vivre comme un robot jusqu'à que la mort vienne te chercher ? Fac, fête, alcool, maison. Sans oublier les filles bien sûr, mais laissons ça de côté. Et ton avenir ? Et ta vie ? Swann... Je t'ai jamais vu aussi mal en point dans la vie. Ça fait trois ans que ça dure. Ça fait trop longtemps.

— Qu'est-ce que tu me proposes de mieux ?

— Il est encore temps de reprendre ta vie en main. Tu as tout pour réussir petit frère, ne gâche pas tout. Mais pour ça il va falloir faire un effort. Un gros.

Scylla sourit tristement à Swann en prenant sa main dans la sienne.

— Tu veux bien essayer ?

Le chien, non loin, se mit à aboyer, sautant dans tous les sens, sous les éclats de rires de son maître. Il s'emparât du morceau de bois avant de détaler à l'autre bout de la plage.

Est-ce qu'il en serait capable ? Est-ce que Swann pourrait un jour réellement oublier cette histoire ? Ou au moins la laisser dans le passé ? Se sentir vivant à nouveau, heureux. Aimer la vie.

— Je crois que j'ai besoin d'aide...

— Je sais Swann. Et tu as raison, je m'y suis sans doute mal prise jusqu'à présent. Mais sache qu'on est tous là pour toi, moi, maman, papa. Même Tristan et Tom aussi, même si je me doute que c'est bizarre entre vous en ce moment.

— Il me fait la gueule...

— Qui ça ?

— Tristan.

— Désolée petit frère mais, il a un peu raison.

— Je sais...

— Alors, t'es prêt à essayer ?

Il y eut quelques longues secondes de silence pendant lesquelles Swann inspira profondément. Son regard se posa à nouveau sur le chien qui venait de sortir de l'eau et se secouait dans tous les sens, éclaboussant le vieux monsieur.

— Oui. Je veux bien essayer.

Elle lui sourit tendrement avant de l'enlacer. Ils continuèrent ensuite de manger et Scylla le déposa chez lui, en lui promettant de l'appeler le soir même.



En poussant la porte de son appartement, Swann se sentit plus léger. Même si la journée avait mal débutée, cette conversation avec sa sœur lui avait fait du bien. Il y a longtemps qu'ils ne se retrouvaient pas comme ça.

Après s'être changé et avoir légèrement rangé la cuisine, il saisit son portable et prît l'initiative de téléphoner à Tristan.

Celui-ci décrocha après plusieurs tonalités.

— Allô ?

— Tu me fais plus la tête ?

— J'aurais pas répondu si j'avais vu que c'était toi.

Swann ravala difficilement sa salive et reprit :

— Tu vas à la fac demain ?

— Oui.

— On peux manger ensemble à midi ?

Tristan soupira.

— Swann, tu te fous de moi ? Tu peux pas te re pointer de la sorte comme si de rien n'était et quand t'en as envie.

— Je sais. Je veux... te parler. S'il te plaît.

Il y eut un léger courant d'air de l'autre côté du fil. Comme si on ouvrait une fenêtre, et le jeune homme patienta plusieurs secondes avant d'obtenir une réponse.

— D'accord. Mais t'as intérêt à me donner une bonne explication. Et c'est moi qui choisit le resto.

Un sourire s'étira lentement sur les lèvres de Swann et il hocha positivement la tête, même si Tristan ne pouvait pas le voir.

— Ok. À demain alors.

— Bye.

Risibles AmoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant