7 : Ah, phénomène anormal

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"Ça résonne dans ma tête
tout le temps, partout
où que j'aille et quoi que je fasse
des mots que je me répète,
en langage qui n'est que pour moi
je sais même pas si ça existe vraiment le silence à l'intérieur de soi
et si, les autres ça leur arrive
d'être en paix parfois
peut-être que les autres ils ont leur équivalence de plaintes qui sont eux-mêmes
d'histoires qui se racontent, de mots qu'ils se répètent et de langage bien à eux
Des choses qu'on ne saura jamais."

(your.nash - dis-moi)





    « Je t'ai pris rendez-vous chez le psy. Si tu refuses de nous parler à nous, tu lui parleras à lui, je ne sais plus quoi faire pour toi Swann. Demain matin à 10h30. Je t'enverrai l'adresse. »

Swann soupira en lisant le message de sa sœur. Trois jours s'étaient écoulés depuis la visite aux parents, et il avait pensé que Scylla le laisserait enfin tranquille. Celle-ci avait tendance à oublier que son frère n'était plus un enfant. Il était déjà majeure et surtout, maître de ses décisions. Elle ne pourrait pas l'obliger à aller chez ce psy. Mais pour ne pas l'affoler davantage, Swann décida de se taire. 

« Ok. »


Le lendemain, Swann attendait sa sœur devant l'adresse indiquée. Mains dans les poches, il tournait en rond depuis vingt minutes déjà, attendant patiemment Scylla.

Celle-ci daigna enfin pointer le bout de son nez. Elle passa devant son frère sans un regard pour lui et ouvrit la porte. Il la suivit en lâchant :

— Heureusement qu'on avait rendez-vous à 10h30.

— Tu as rendez-vous à 11h00, mais, on est jamais trop prudent, surtout quand il s'agit de toi.

Swann leva les yeux au ciel en suivant sa sœur dans les escaliers. Ils grimpèrent jusqu'au troisième étage où une grande porte en bois s'ouvrît sur un homme aux cheveux désormais presque blancs. Il portait de grosses lunettes rondes et son cou semblait disparaître derrière son col roulé. Il sourit chaleureusement, empoignant la main de Scylla, puis celle de Swann.

— Bienvenue ! Entrez, je vous en prie ! s'exclama-t-il.

Malgré l'accueil du vieil homme, l'endroit n'était pas des plus chaleureux. Les murs étaient couverts d'une tapisserie de mauvais goût aux tons rouges et marrons, le parquet grinçait sous chacun de leurs pas, témoignant de sa durée de vie qui devait sans doute dépassée un siècle. Malgré la grande fenêtre agencée en face du premier fauteuil, la lumière du jour s'infiltrait peu et Swann pu compter cinq lampes de bureau installées dans toute la pièce. Une petite table en verre était placée entre les deux fauteuils verts, qui paressaient tout aussi vieillots que le reste. Derrière le bureau en bois, une grande étagère pleine à craquer attira l'attention de Swann. Une photo en noir et blanc d'un jeune homme tout récemment diplômé était affichée dans un cadre. Le psy le remarqua et, en portant sa tasse de café à ses lèvres, lâcha :

— Et oui, c'est moi quand j'étais plus jeune. Il faut dire que j'ai bien changé depuis le temps, pas forcément en bien si on pense au physique ! Un café ?

— Non merci, refusa Swann en se tournant à nouveau vers le vieil homme.

Scylla, qui était restée debout puisqu'il n'y avait que deux fauteuils, s'avança vers son petit frère.

— Je vais y aller. Je reviens te chercher dans une heure.

Puis, en se tournant vers le psychologue :

— À tout à l'heure alors !

Elle sourit gaiement et l'homme eut à peine le temps de répondre qu'elle avait déjà quitté la pièce en refermant doucement la porte.

— Bon, très bien jeune homme. Déjà, je te propose que l'on se présente, comment tu t'appelles ?

— Swann.

L'homme ne se démonta pas face à la froideur du jeune garçon, il hocha la tête en souriant.

— Moi, c'est Charles-Louis, mais tu peux m'appeler juste Charles, ou ne pas m'appeler du tout. Comme tu veux. Quel âge as-tu Swann ?

— Vingt-et-un.

— D'accord. Que fais-tu dans la vie ? Tu travailles ? Tu es à la fac ?

Swann fronça les sourcils. En quoi en savoir plus sur sa vie était important pour ce drôle de monsieur ? Un psy, ce n'est pas fait pour faire connaissance après tout !

— Je vais à la fac.

Charles se leva pour checker rapidement son bloc-notes, posé sur son bureau. Il replaça ses lunettes sur son nez et revint s'asseoir en face de Swann. Sa démarche n'était pas très certaine. Il boitait légèrement de la jambe gauche et il dû se tenir au fauteuil pour se rasseoir.

— Bon, tout ce qui sera dit ici restera entre nous deux. Je n'ai pas le droit de révéler ce que tu me diras à qui que ce soit, pas même à ta sœur. Sois rassuré.

Le jeune homme hocha vaguement la tête en détournant le regard pour se concentrer sur les passants visibles par la fenêtre du cabinet. De toute manière, il n'avait pas l'intention de dire grand chose.

— Que s'est-il passé il y a trois ans ?

Le cœur de Swann fit un bond dans sa poitrine sa respiration qui était juste que là calme, se fit plus pressé. Il serra les poings, cachés dans les poches de son pantalon.

— Une amie est morte, répondit-il avec moins d'assurance que les fois précédentes.

— Qui était cette amie ?

— Une amie d'enfance.

— Et comment te sens-tu par rapport à ça aujourd'hui ?

Swann ne répondit pas. Le regard toujours perdu sur la rue en face. Le regard du vieil homme ne le quittait pas, et il le savait. Swann se sentait étouffé par les questions du psychologue. Il se forçait d'y répondre mais, mettre des mots sur la tristesse qui le rongeait, c'était trop demandé.

Les minutes passèrent, rythmées par le tic tac régulier de l'horloge. L'homme cessait par moment de fixer Swann pour touiller son café avant d'en boire une gorgée. Quant à lui, son regard n'avait toujours pas quitté la rue, où un groupe d'adolescents marchait désormais en éclatant de rire. Sûrement se rendait-ils au collège à une heure pareille. Leurs sac à dos pouvaient confirmer la pensée de Swann.

Lorsque le groupe de jeunes disparu de son champs de vision, il se rappela où il se trouvait. Il soupira en croisant le regard du vieil homme, s'enfonçant un peu plus dans son siège.

Swann n'avait pas l'intention de dire quoi que ce soit, encore moins à ce parfait inconnu. Il n'avait plus qu'à attendre que l'heure passe. Si ce Charles comptait rester silencieux à attendre sa réponse, qui ne viendrait de toute manière jamais, encore mieux.

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