Chapitre 11 : Chase

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On ne sait jamais réellement quand notre vie vole en éclats, lorsqu'elle se brise en de si petits éclats qu'il est tout simplement impossible de songer à essayer de recoller les morceaux.

Une fusillade.

On a tendance à penser que cela n'arrive que dans de vieux films un peu trop irréalistes pour être crédules, des scénarios aussi clichés que le monde, vus et revus et dont plus personne ne voudrait en entendre parler.

C'est ce que moi aussi j'ai toujours cru sauf qu'à présent que cloitré dans un espace confiné, le cœur battant jusqu'à rompre ma cage thoracique et le corps tremblant de toute part, je me dis que peut-être, ce que nous sommes en train de vivre est réel.

J'écoute les bruits étouffés des sanglots d'Emma fendre le silence d'angoisse qui nous happe, enfermée dans mes bras alors que peut-être aussi tétanisé qu'elle, j'essaie de la rassurer en jouant maladroitement avec ses cheveux en bataille.

Mon corps tremble, incapable de calmer les puissants spasmes de terreur qui le secouent.

-« Chase... » sanglote Emma contre mon épaule, horrifiée lorsqu'elle entend un autre coup de feu résonner à l'étage.

Je la serre un peu plus contre moi et lui intime d'un geste de la main de se taire.

-« Trouvez-le ! Lorenzo Aaron De Hayos doit absolument être ramené en vie ! » s'écrie une voix hargneuse en espagnol.

J'écarquille mes yeux d'horreur. Lorenzo hoquète de surprise lorsqu'il comprend enfin ce que tout cela veut dire.

Ce n'est pas un quelconque acte terroriste contre des américains mais bien un enlèvement, sûrement une vengeance contre le duc d'Espagne.

Des voix résonnent de l'autre coté de la porte où nous nous trouvons. Ils sont près de nous. On les sent roder tout autour, s'ils s'aperçoivent que nous sommes ici, c'en est fini.

Emma s'agrippe à moi avec plus de désespoir, Lorenzo quant à lui semble blême, abattu.

Je ferme les yeux l'espace d'une seconde afin d'essayer de me convaincre que tout cela n'est qu'un horrible cauchemar et qu'au réveil, je me trouverai dans ma chambre, prêt à affronter une nouvelle journée pour aider ces pauvres gens qui comptent sur nous.

Qu'est-ce que je ne donnerai pas pour être ailleurs, loin de ce carnage, de ce massacre.

-« il n'est pas ici » s'écrie l'un des hommes en espagnol.

-« notre source nous a affirmé qu'il était ici ! Cherchez ! »

Je déglutis et tente difficilement d'avaler l'horrible boule amère qui s'est formée au creux de ma gorge.

Une source...

Un traître...

Quelqu'un que nous connaissons semble avoir vendu Lorenzo et à en croire ces hommes, ils sont prêts à tout pour le retrouver.

-« chef ! Je crois qu'il y a une porte ici ! »

Mon cœur arrête de battre lorsque je comprends ce qui se passe. Rapidement, guidé par une force que je ne pensais pas posséder, j'ouvre l'un des grands cartons encore vides qui se trouvent au fond de ce trou et y jette Emma à l'intérieur avant d'en rajouter un autre par-dessus.

-« ferme là et ne bouge surtout pas jusqu'à ce que tu sois sûre que nous sommes partis ! » lui ordonné-je en entendant la porte s'enfoncer dans un assourdissant grincement.

Je me saisis ensuite de la main de Lorenzo et dans mon désespoir, je lui souris.

J'ai vraiment été sincèrement heureux de le connaitre. On aura ri ensemble, picolé jusqu'à l'effondrement, joué à de vieux jeux démodés, parlé jusqu'à pas d'heure. Il aura réellement été un ami pour moi depuis ma venue sur terre, depuis ma plus tendre enfance et si je devais mourir avec quelqu'un, ça serait lui sans une seule once d'hésitation.

Nous avons commencé notre vie ensemble, pourquoi ne pas la terminer ensemble.

Je sanglote alors que la porte continue de s'ouvrir, je sais que la fin est proche. J'espère seulement qu'Emma s'en sortira.

Lorenzo serre ma main à son tour et à travers ses larmes abondantes qui coulent sur ses joues, j'arrive à déceler un sourire. Celui d'un condamné.

La porte s'ouvre finalement sur des hommes armés jusqu'aux dents. Satisfaits de leur trouvaille, ils nous poussent à l'extérieur et referment la porte derrière eux sans rien vérifier de plus.

Ma seule consolation sera de savoir qu'Emmanuelle est saine et sauve, peut-être serait-ce un moyen pour moi de me racheter auprès d'elle. Je ne le saurai de toute façon jamais. J'espère simplement qu'elle me pardonnera tout ce que j'ai pu lui faire subir quatre ans auparavant.

-« quelle belle prise ! » s'écrie le plus âgé d'entre eux lorsqu'il pointe son arme vers moi.

-« le fil du duc d'Espagne » se moque un autre en assénant un coup de poing à mon ami de longue date.

Ce dernier s'écroule à terre, le regard luisant d'une colère sourde.

-« qu'est-ce qu'on fait de celui-là ? » s'interroge l'un d'entre eux en me pointant du doigt.

Le chef de la bande hausse un sourcil curieux puis me détaille.

-« tuez-le ! » répond-il comme si c'était ce qu'il y avait de plus logique à faire.

-« attendez ! on pourrait s'entendre ! que voulez-vous ? » demande Lorenzo dans une ultime tentative de nous sauver.

Nos assaillants éclatent d'un rire cruel.

-« toi, on va te livrer. Et pour ton ami, on va le jeter aux chiens »

Lorsque mon bourreau pointe sur arme sur moi, prêt à appuyer sur la détente, je ferme les yeux, résigné à mourir.

-« attends ! » hurle soudainement le chef.

-« qu'est-ce qu'il y a ? »

Il s'approche de moi puis esquisse un sourire machiavélique.

-« c'est le fils de David Shaw ! L'associé d'El duque et son ami de longue date, on le prend avec nous aussi. Son papa devra être en mesure de payer pour lui aussi »

-« faites vite ! On se tire ! »

Dans l'incompréhension totale, Lorenzo et moi sommes menottés, nos yeux sont bandés et nous sommes trainés de force vers une destination qui nous est complètement inconnue, dans un pays complètement inconnu.

Je n'ai aucune idée de l'état dans lequel la demeure se trouve même si j'en devine le massacre qui s'est produit. Malheureusement, il ne doit pas y avoir beaucoup de survivants, je repense alors à tous les médecins qui ont fait le voyage avec nous, les infirmiers, les amis d'Emma. J'espère sincèrement qu'ils sont en vie.

Le froid ambiant est la seule chose qui m'indique que nous sommes bel et bien dehors. Pas un bruit n'ose troubler le silence, seul le vrombissement d'un moteur résonne au loin.

Je pense à Emma. Si elle est assez intelligente, elle attendra encore quelques minutes avant de sortir de sa cachette, elle appellera ensuite la police et bientôt, on se mettra à notre recherche. J'espère qu'elle sortira de là. Je n'ai pas vraiment réfléchi à lui sauver la vie, sur le moment, j'ai simplement agi en suivant mon instinct et il me hurlait de la mettre à l'abri par n'importe quel moyen, je savais pertinemment qu'avec des hommes pareils, elle aurait eu droit à un sort pire que la mort. Il m'était simplement inconcevable qu'elle traverse une chose pareille. Je ne regrette rien.

Lorenzo doit être dans le même état que moi, apeuré, confus. Sauf que lui, il se rend compte qu'on est venu le chercher, qu'il est la cible de ce guet-apens infernal et qu'il ne devra son salut qu'à son père ou les forces de l'ordre, dans le cas contraire, nous sommes tous les deux morts et enterrés.

-« j'espère pour toi que ton père est riche » me murmure l'un des hommes à l'arrière.

-« et j'espère que ton copain résiste à la douleur » me lance un autre.

Ils rient.

-« oh ! Je n'ai pas envie d'être à sa place. Tu est chanceux » se moque le chef.

J'essaie de protester mais la corde qu'ils m'ont placée à la bouche m'empêche de m'exprimer.

-« enfin, espérons-le... »

Dévoile-moi Tome2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant