Chapitre 29 : Chase

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C'est très étrange.

Je regarde Gael, fasciné, puis lance un regard vers Lorenzo, assis à l'autre bout de la pièce. Mal à l'aise, il plisse des yeux de temps à autre, comme pour affronter cette curieuse réalité. La réalité que Gael est son fils, sa chaire et son sang. Il est vrai que la ressemblance est plutôt frappante, personne ne peut le nier, pas même le principal concerné s'il l'envie le prenait de ne pas le reconnaître, sauf que le problème réside dans le fait que ce jeune garçon ne parle pas. Pas un son n'est sorti de sa bouche depuis son arrivée pour le moins inattendue au château. Rien, pas un mot.

On ne sait même pas s'il parle espagnol.

— Comment s'appelle sa mère ? demande Emiliano, assis près de son frère, peut-être tout aussi surpris que lui.

— Bianca, répond Lorenzo. Une pute que j'ai rencontrée à New-York.

— Il parle donc anglais, conclut Clementina.

Emma secoue la tête.

— J'ai essayé de le faire parler, explique-t-elle. Il se contentait de jouer avec sa peluche.

— J'ai relu la lettre une bonne centaine de fois, il n'est spécifié nulle part qu'il soit sourd ou muet, lance Lorenzo dans un soupir, laissant sa main décoiffer sa chevelure.

— Peut-être qu'il est trop chamboulé pour parler, hasardé-je en rivant mes yeux vers le petit. Après tout, il ne nous connait pas.

Emma se lève brusquement, comme frappée par un éclair de lucidité. Elle ancre son regard vers l'enfant puis se tourne vers Lorenzo.

— Quand j'étais en école de médecine, j'avais une amie, commence-t-elle très sérieusement. Son copain de l'époque était étudiant en pédopsychiatrie et il y avait un sujet sur lequel nous discutions beaucoup et qui le fascinait, c'était le mutisme sélectif. L'enfant est capable de parler, il parle même à certaines personnes mais il refuse de le faire pour une raison ou pour une autre.

Lorenzo la regarde, semblant réfléchir sérieusement à la question.

— Tu devrais l'emmener voir un pédopsychologue, dis-je. On sait jamais.

— Mais la question qui se pose est : qu'est-ce que tu vas faire ? Demande Emiliano, le regard ancré vers son neveu. Tu vas rester ici ? Ou est-ce que tu vas repartir à New-York ? Et le plus important est : est-ce que tu vas le reconnaître ?

— C'est mon fils, ça se voit, déclare Lorenzo. Je vais le reconnaître. On restera ici pour l'instant.

J'acquiesce, ravi que Lorenzo endosse enfin ses responsabilités. Il sera peut-être maladroit les premiers temps mais il nous aura toujours pour essayer de l'aider.

— Qu'en pensent papa et maman ? S'inquiète Clementina.

— Ce sont eux qui m'ont convaincu de rester, explique-t-il. Ils veulent apprendre à connaître leur petit fils.

— Je suis sûre qu'il s'entendra à merveille avec Katja.

Nous discutons encore quelques instants avant qu'Emma et moi ne décidions de monter dans notre chambre afin de commencer à préparer nos valises. Nous repartons à New-York demain et bien que je me plaise en Espagne, je ne peux pas abandonner mon poste tout comme Emma ne peut pas abandonner le sien. Nous avons des responsabilités, d'énormes responsabilités. Je gère la succursale New-yorkaise de la banque de mon père et bien qu'il affirme faire confiance à mes jugements, je sais qu'il surveille religieusement mon travail. Il projette d'ouvrir une nouvelle succursale et je compte bien en prendre la tête, il suffit juste de lui prouver ma valeur.

Dévoile-moi Tome2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant