Chapitre 19 : Emma

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Je soupire, défaitiste et grimace en apercevant mon reflet dans le miroir des toilettes.

Comment vais-je me présenter à Chase ce soir avec une tête pareille ? Il regrettera son invitation à la seconde où il m'aura vu, tout droit sortie d'une longue et éprouvante journée et nuit de travail.

J'ai dormi à peine deux heures depuis quarante-huit heures et mes cernes peuvent largement en témoigner. J'ai essayé de faire de mon mieux, d'aider le plus de patients possibles mais hélas ce n'est pas toujours aussi simple. Ça serait vachement bête et utopique de dire que nous pouvons aider tout le monde, c'est faux. On essaie de le faire mais parfois, on n'y arrive pas, soit le patient ne peut plus s'en remettre ou bien il n'est pas en mesure de payer ses soins.

C'est horrible de raisonner de cette façon, je le conçois mais le système hospitalier américain est fait de cette façon : sélectif, affreusement injuste et malheureusement, dans cette course à l'argent, nous, médecins, ne sommes que des pions sur un échiquier géant où s'affrontent de plus gros morceaux et où ne comptent qu'argent et bénéfice. Parfois, la valeur d'un médecin n'est mesurée qu'à la somme qu'il rapporte à l'hôpital, ainsi, quelques uns facturent des interventions inutile et hors de prix seulement pour le bonheur d'encaisser une somme d'argent derrière.

L'argent ne devrait jamais être le moteur de cette noble profession.

— Quelque chose te tracasse ?

Je me retourne, légèrement surprise par cette voix, moi qui croyais être seule.

Je découvre une jeune femme d'à priori mon âge ou peut-être plus jeune, ses cheveux  plutôt courts, lui arrivent à peine en dessous de son menton et ses yeux sont d'un bleu si clair que j'aurai juré qu'il était translucide. Son petit visage est strié d'un nombre incalculable de taches de rousseur et son regard, pour une raison qui m'échappe est rieur, enfantin. Je lui souris, immédiatement à l'aise en sa compagnie, puis remarque enfin le bracelet qu'elle porte au poignet.

— Rien de bien grave, répondis-je en m'adossant contre le mur, dans l'attente qu'elle ne termine.

Je suis médecin, c'est une patiente, je ne peux pas la laisser seule.

— Je suis malade mais pas aveugle, contre-t-elle dans un petit rire.

-"de quoi souffres-tu exactement ?" demandé-je très sérieusement.

Mon interlocutrice se tait quelques secondes, son regard perdu dans la contemplation de son reflet devant le miroir.

— Lal

Leucémie aiguë lymphoblastique. Un cancer.

— Je suis en rémission depuis deux ans, continue-t-elle sur un ton monocorde, dénué de chaleur. Je suis surprise quelques secondes, déroutée par son soudain changement d'humeur.

— Tu es la pour un contrôle de routine n'est-ce pas ?

— C'est exact, approuve-t-elle.

Je lui souris.

— Plus que trois ans et tu pourras dire que tu es guérie.

Elle approuve d'un bref geste de la tête puis me sourit une seconde fois.

— Et toi ? Qu'est-ce qui te tracasse ?

— Je dîne avec quelqu'un ce soir et je panique un peu, avoué-je sentant une vague de panique familière me retourner les entrailles.

Depuis quand est-ce le cas ? J'ai côtoyé Chase très souvent depuis notre retour d'Afrique mais cette fois-ci, c'est différent. Un dîner, ça a l'air plus vrai n'est-ce pas ?

Dévoile-moi Tome2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant