Chapitre 31 : Emma

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Émoustillée sous de chaudes couvertures, le corps détendu après une longue et reposante nuit de sommeil, je repense au rêve que j'ai fait. Un doux rêve, une prison de songes dont je ne connais ni le début, ni la fin mais que le fait de quitter me peine énormément. J'ai aimé le rêve que j'ai fait, j'en ai apprécié chaque instant, c'était tellement réel que le réveil est une véritable déception.  Revenir à la réalité est parfois plus dur que de la quitter le soir avant de dormir.

Dans mon rêve, Chase me disait qu'il m'aimait. Dans un chuchotement, un murmure harmonieux, il me déclarait sa flamme. J'aurai voulu que ça soit vrai, j'aurai voulu qu'il m'embrasse avec passion et qu'il me répète qu'il m'aime à l'usure. Mon cœur ne désire que ces quelques mots, je les attends depuis si longtemps.

La vie est étrange, il y a quelques années, je haïssais Chase avec une folle ardeur, il n'y avait aucune personne sur cette terre que je méprisais autant que lui. Je souhaitais sa mort, sa totale disparition et quelque part, je priais pour que le karma se charge de son sort. Son cœur est malade, avec un peu de chance, j'avais osé prier qu'il ne trouve pas de greffe qui lui convienne. Voilà qu'après quelques années, mon désir le plus cher est devenu ma peur la plus profonde. Le perdre. Je ne veux pas le perdre, y penser fait exploser une peur bleue dans mes veines, je la sens s'infiltrer dans mon corps, s'enrouler autour de mes membres, planter ses griffes sur ma chaire. Je veux simplement qu'il m'aime. Qu'il me le dise.

Je prends une profonde inspiration et trouve la motivation de me soustraire au confort du lit douillet de mon compagnon. D'un pas traînant, je me dirige vers la salle de bain et admire pendant quelques brèves secondes qui se rallongent, les vestiges de ma vie d'antan. Mes imposantes cicatrices de brûlure. Parfois, j'oublie que je suis une grande brûlée car mûrir c'est accepter le corps qui nous emprisonne. Je ne changerai jamais ma peau, je la trouverai toujours hideuse mais ces derniers temps, sous le regard brûlant de Chase, j'ai la délicieuse impression d'être la plus belle femme au monde.

Mes cicatrices me rappellent l'adolescente que j'étais, tiraillée entre ses incertitudes et les responsabilités qu'elle a dues endosser afin de remplacer une mère absente qui ne pensait qu'à s'amuser. Sans la Emma de dix-sept ans, je ne serai pas la femme forte qui se tient fièrement devant son reflet, celle qui s'est battue, celle qui a survécu. Je suis fière de moi, de mon parcours et cela, aucune cicatrice au monde ne pourra me l'enlever.

Mon téléphone sonne, pensant d'abord recevoir un message de Chase, je suis surprise de voir s'afficher le prénom de Teddy sur l'écran de mon téléphone. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas eu de ses nouvelles.

Rendez-vous à l'hôpital dans une demi-heure, ne sois pas en retard.

Je relis son message plusieurs secondes, surprise, confuse, dans l'incompréhension la plus totale. Pourquoi Teddy me demanderait-elle de la rejoindre à l'hôpital ?

Je m'habille en vitesse et m'élance à travers les rues bondées de la ville en effervescence. Mon cerveau tente d'élucider ce mystère mais absolument aucune théorie qu'il émet, aussi loufoque soit-elle n'explique l'intrigant message que je viens de recevoir.

J'arrive à l'hôpital et tente d'ignorer le pincement au cœur que je ressens en repensant au fait que plus jamais je ne reverrai Isaac fouler le sol de ces lieux, vêtu de sa blouse blanche, esquissant un sourire aussi lumineux qu'un soleil qui se consumme. C'est toute l'horreur du survivant, ils nous quittent et nous souffrons de leur absence pour le restant de nos jours.

Je salue quelques collègues et prends dans mes bras ceux qui viennent m'accueillir avec chaleur. Je me sens apaisée, émue de les revoir. Teddy et moi étions les seules survivantes du massacre. Et je dois ma vie à Chase.

J'aperçois Teddy au loin qui me fait signe de la rejoindre.

— Je suis tellement contente de te revoir, lancé-je ravie, ouvrant l'espace de mes bras.

Teddy recule, l'expression fermée. Elle rejette mon étreinte et commence à faire les cent pas dans cette pièce étroite, j'aurai juré voir un camé en manque, prêt à tout pour recevoir une dose.

— Tout va bien ?

Je l'observe. Elle a changé. Son regard si jovial est terne à présent, sa peau striée de boutons, ses cernes creusent son visage et je remarque son ventre légèrement arrondi. Je hoquete de surprise : elle est enceinte.

— Que sais-tu de Lorenzo De Hayos ? Questionne-t-elle.

— C'est l'ami de Chase, répondis-je simplement.

— Il est ici à New-York ?

— Je suppose, je ne sais pas trop.

— Ne suppose pas ! Est-ce qu'il est ici ou non ? S'indigne-t-elle en perdant patience.

Je fronce les sourcils, légèrement agacée du ton qu'elle prend.

— Je ne sais pas, demande à Chase.

Elle hausse un sourcil arrogant puis me regarde sévèrement.

— Tu vas m'aider. Je dois me venger. Je dois tuer Lorenzo De Hayos et tu m'y aideras.

Je recule sous le choc et bute contre le mur derrière moi, je la regarde avec horreur, parfaitement consciente que Teddy est sérieuse. Pour elle, Lorenzo a causé ce massacre, c'est à cause de lui qu'Isaac est mort.

— Je ne t'aiderai pas à commettre un meurtre. Il en est hors de question.

— Il a tué Isaac ! Il a tué la personne que j'aimais le plus au monde ! Il doit mourir !

— Calme toi Teddy, ce n'est pas une solution, tu gâcheras ta vie. Et celle de ton bébé, avais-je envie de dire.

Teddy soupire défaite puis dans un mouvement de rage, sort une arme de son sac. J'ecarquille les yeux d'horreur, sentant mes jambes se dérober sous mon poids. Mon cœur cesse de battre, affolé, il ne sait plus comment réagir.

— Tu vas m'aider à tuer Lorenzo De Hayos et je sais exactement comment tu vas t'y prendre, m'explique-t-elle dans un sourire empreint de folie.

Ce n'est pas Teddy. C'est impossible.

— Teddy...

Elle secoue la tête avec frénésie, me sommant de me taire, l'arme plantée sur ma tempe.

— Aguilar est dans cet hôpital, commence-t-elle doucement. Et je suis sûre que Lorenzo aura envie de le tuer. Je suis même sûre qu'il pensera à toi. Écoute moi bien Emma, dans cette fiole se trouve du chlorure de potassium, indétectable dans une autopsie, injecte le dans le sang de Lorenzo.

Je déglutis, choquée par ce qu'elle me demande. Je respire rapidement, sentant ma vie si fraîchement reconstruite tomber en ruines.

— Teddy tu es complètement malade !

— Non ! Lorenzo m'a tout pris ! Il m'a pris Isaac.

— Et si je refuse ?

— Je te tue, me promet-elle en pointant son arme sur mon front. Réfléchis bien Emma, et si tu oses en parler à quelqu'un, je sais où se trouve Kelly, il y a quelqu'un qui la surveille en ce moment même, prêt à tirer au moindre signal. Je te retrouve ici dans une heure...

Dévoile-moi Tome2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant