Chapitre 7

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- Etes-vous sure ? 

Il semblait moqueur. Je fronçai des sourcils.

- Bien évidement. Je vais m'en aller avant qu'on nous force à nous marier.

Ma phrase sortit toute seule. Avec cet homme, j'étais moi-même et ça me faisait peur. Je crus qu'il allait être fâché mais il éclata de rire. Je le regardai attentivement et le trouvai davantage séduisant quand il souriait.

- Ne vous inquiétiez pas, Lady Gabrielle. Mes hommes me sont très fidèles. Pas un mot sortira de cette forêt, soyez en sure. La marche vous fait-elle du bien ?

- Assurément, lord. Je n'aime pas rester cloitrée chez moi, lui avouai-je.

- Moi non plus.

Il sourit et s'approcha un peu plus, plus que permis. Je tenais la rambarde du pont et regardais ses grandes mains à coté des miennes. Elles semblaient beaucoup plus fortes et capables de grandes choses. Je retins un rougissement révélateur. Cet homme me faisait beaucoup d'effet, c'était la première fois que ça m'arrive. Personne ne m'a encore intéressé.

- Nous nous ressemblons.

- En effet, approuvai-je.

Lord Basile regarda au loin et on entendit le bruit des oiseaux. C'était apaisant comme d'habitude. Je tournai mon visage vers lui et observai ses grands intenses, ses pommettes hautes, sa mâchoire carrée. Les femmes devaient être toutes à ses pieds. Mère avait raison. Il serait un excellent parti, et peut-être un mari idéal. Mais je n'avais pas encore réfléchi à mon propre mariage. J'adorais ma liberté, le fait d'être seule, d'être insouciante et de sortir au soleil pour bronzer, tandis que toutes les autres ladys se protégeaient afin de rester blanches. Je n'étais pas comme les autres, je le savais depuis longtemps. Je faisais ce qu'il me plaisait.

Comme s'il sentait mon regard, il riva ses yeux dans les miens et je rougis, prise sur le fait. Un petit sourire grimpa sur ses lèvres pulpeuses. Il m'avait "embrassé" ou plutôt sauvé la vie, mais je ne me souvenais plus de la sensation de sa bouche sur la mienne. Je me demande ce que je ressentirais s'il le faisait à nouveau.

Et s'il serait un mari idéal pour moi. Cette idée germa doucement en moi, ainsi que le fait de devenir une mère. J'avais été élevé dans une famille nombreuse alors avoir plusieurs enfants ne me dérangeraient pas, au contraire. J'allais avoir vingt-deux ans, bientôt une vieille fille comme ma sœur qui ne tardera surement pas à se marier cette année.

Alors me marier avec Basile Dash, ne serait pas une pénitence à mes yeux.

- Aucune de vous sœur ne sort-elle jamais avec vous ? demanda-t-il, les yeux toujours rivés sur la rivière.

- Aucune n'aime se salir et profiter du soleil. Cela fait plus de tranquillité pour mes oreilles. Certaines...peuvent être parfois de véritables pipelettes.

Il rit doucement et me regarde intensément. Je m'empourpre devant son regard. Une fossette apparait sur sa joue.

- Et vous ?

- J'ai mes hommes. Et ma fille peut être un vrai chenapan qui échappe à ma vigilance.

Je souris en y pensant.

- Elle est adorable.

Il hoche la tête et soupire ensuite.

- En effet. Elle sait très bien comment tous nous charmer pour obtenir ce qu'elle veut. Je ne sais pas de qui tient cette enfant.

- Surement de vous. J'en ai l'impression.

- En effet. Elle tient énormément de moi, et peu de sa mère. J'en suis bien content.

Je fronçai des sourcils, devant le sous-entendu. Mais ne posai pas de question. Je n'osai pas me montrer trop curieuse. Nous n'étions pas assez intimes pour cela. Je m'écartai du lord et descendis du pont vers mon cheval, qui broutait de l'herbe.

- Vous avez l'habitude de monter à cheval ? me questionna monsieur Dash qui me suivait.

Il était juste derrière moi. Je sentais sa chaleur percuter la mienne. Il devait être horriblement près. Je fermai un instant les yeux. Je savais que j'éprouvais de l'attirance pour le comte. Je le sentais au plus profond de moi. Je sentis une main douce se poser sur la mienne. Je continuai à toucher mon cheval qui frémit. Basile ne devrait pas toucher ma main sans gant. Ce n'est pas correct. Si ma femme de chambre voit cela, s'en est fini de nous.

Je vérifiai les environs. Elle n'était toujours pas là. A mon avis, elle avait la trouille. J'apercevais toujours les hommes du comte. Ils s'efforçaient de ne pas nous observer, plus loin derrière les arbres.

- Je monte depuis je suis enfant. C'est une passion que ma tante m'a transmise. Mes sœurs ne sont pas très fan, depuis que l'une d'elle est tombée. Et puis, je suis la plus masculine de la famille. 

Je me retournai pour lui faire face et levai les yeux vers lui. Sa main tenait toujours la mienne. Elle était chaude, cailleuse à certains endroits et elle électrisait tous mes sens. ll me fixait d'une étrange façon. Sa autre main effleura mon bras et remonta jusqu'à mes cheveux. Il les toucha délicatement et je le regardai faire, bouche bée.

- Vous avez de magnifiques cheveux, miss Wood.

- Oh heu...merci, balbutiai-je, incapable d'aligner deux mots.

- Vous êtes époustouflante. Vous l'a-t-on déjà dit ?

Je secouai la tête et un sourire monta sur ses lèvres pleines. Ses iris orageuses accaparèrent les miennes et je me sentis pousser en avant, vers lui.

Mais une voix féminine nous interrompit :

- Seigneur ! Gabrielle, vous voilà enfin !

Je me séparai rapidement du comte, les joues rouges en me rendant compte que je m'étais mise sur la pointe des pieds, prête à... A quoi ? A l'embrasser ? Apparemment. Le comte était légèrement penché et il se redressa. Ce dernier ne sembla pas préoccuper par le fait que nous venions d'être vus. Il se plaça à coté de moi, à une distance pas très respectable.

- Je suis là, Gislène.

Ma dame de chambre se faufila parmi les arbres, le cheval derrière elle qui semblait ennuyé. Elle me jeta un regard éloquent en regardant discrètement le comte. Elle leva un peu ses jupes avant de facilité sa marche vers nous. Quand elle arriva, elle fut essoufflée et reprit son souffle.

- Miss Gabrielle, je vous cherche depuis tout à l'heure. Tout se passe-t-il bien ?

- Oui Gislène, ne vous inquiétez pas. Je vous présente le comte Basile Dash.

Je joignis la parole au geste et le comte s'inclina devant la dame qui rougit à vue d'œil. A son tour, elle fit une révérence.

- Enchantée madame, dit-il d'une voix douce.

Je crus que ma femme de chambre allait s'évanouir tant elle parut ébloui par la beauté de notre cher voisin.

- Enchantée, comte Dash.

Elle se ressaisit assez rapidement et me fusilla du regard.

- Jeune fille, il va falloir rentrer. Nous avons un bal à préparer et quelques emplettes à faire. Je suis navrée d'écourter votre discussion, jeunes gens.

Je hochai la tête et la suivis après avoir récupéré Réo qui buvait une gorgée d'eau. Je me tournai une dernière fois vers le comte, resté au même endroit, le regard rivé sur ma personne.

- Au revoir, miss Gabrielle.

Je fis une révérence et lui souris.

- A bientôt, comte Dash.

Et je m'en allai, faisant fi des voix d'hommes que j'entendais derrière moi. Gislène monta en selle maladroitement et je fis de même, avec beaucoup plus de souplesse. Je jetai un dernier regard vers le comte. Puis je me lançai au galop.

Je savais qu'il me regardait, jusqu'à ce que je disparaisse.

Les sœurs Wood : balOù les histoires vivent. Découvrez maintenant