J'entamai le début de la musique. C'était une chanson douce. Elle était cependant complexe. Le monde disparut tandis que mes doigts effleuraient les touches du piano. Mady ouvrit la bouche et sa voix fut mélodieuse. Tout le monde retint son souffle tandis que ma sœur entrainait le cœur des gens dans son sillage.
Elle méritait d'être connue et pas seulement comme une fille Wood. Non, comme une excellente chanteuse.
Lorsque la chanson se finit, les gens applaudirent et je me relevai. Avec Mady, on salua notre public. Peu de gens savaient que je jouais du piano. Je ne montrais pas spécialement mes atouts mais tous devaient se douter que je savais en jouer. Toutes filles de bonnes familles devaient apprendre un instrument de musique. On descendit de scène et beaucoup virent nous féliciter, ma sœur et moi.
Thimothé revint vers moi en compagnie de sa mère. Je voyais très bien qu'on nous observait et que beaucoup pensait qu'on se marierait prochainement. Je devais lui briser ses espoirs, sans lui faire trop de mal. Il trouvera quelqu'un, qui l'acceptera avec ses défauts et qui le comprendra. Cependant, ce quelqu'un ne serait jamais moi. J'avais besoin d'un homme qui pouvait discuter avec moi, rire aussi, m'aimer pour ce que j'étais à l'intérieur. Avec qui mon nom importait peu. Ma dot n'était pas mince et voilà pourquoi beaucoup d'hommes m'avaient demandé en mariage. Ils s'assuraient un avenir avec moi.
Pourquoi l'extérieur comptait-il autant ?
Je vis Faustina et sa mère dans un coin, près du buffet. Elles parlaient sans aucun doute de ma famille. Elles ne nous aimaient nullement. Lady Millon essayait de cacher du mieux qu'elle pouvait, sa haine envers nous.
Pas loin d'elle, Théodora Yale. Une magnifique jeune femme de vingt ans qui s'était mariée l'année dernière. Malheureusement, elle n'était pas amoureuse. Son mari était un homme bedonnant d'une soixantaine d'année. J'étais prête à parier qu'il sera mort d'ici deux saisons. Peut-être que secrètement, Théodora espérait la même chose. Tous savaient qu'elle aimait un autre homme. Loin d'être fortuné. Elle n'avait pas pu l'épouser. Je me demandais comment elle survivait. Elle n'était pas la première femme qui ne pouvait pas se marier avec l'homme dont elle est amoureuse.
Je décidai de prendre l'air. Nous allions bientôt partir mais là, je ne pouvais plus respirer. Ma poitrine me compressait, surement le corset. Je sortis de la scène, traversai la salle mais me perdis dans les couloirs. Je marchai, marchai jusqu'à me trouver enfin dans le jardin. Personne ne s'y trouvait et je ne devrais y être seule. C'était inconvenant.
Je soufflai un bon coup. Au diable toutes les convenances ! Le jardin était tout de même magnifique. Les jardiniers devaient travailler d'arrache-pied.
Je parcourus quelques mètres et me posai sur un banc. Je pus respirer un peu mieux. Il y avait quelques bougies autour de moi. La lune illuminait la jardin. Elle était imposante. Soudain, j'entendis une voix.
- Qui est là ? criai-je en me relevant du banc.
Je sondai les environs. Une petite silhouette apparut de derrière un arbre. Je reconnus immédiatement Lénor. L'enfant était en petite robe de nuit et grelottait visiblement. Elle me vit et ses yeux s'agrandirent.
- Mon cœur, viens !
Je m'approchai un peu et lui tendis une main.
- Maman ? s'écria-t-elle.
Elle se mit à courir et me percuta. Ses bras s'enroulèrent autour de mes jupons. Je l'enlaçai à mon tour. Puis je la forçai à me lâcher pour m'agenouiller et lui parler à sa hauteur. Lénor avait des larmes qui coulaient le long de ses joues pâles. Je les essuyai et lui tins les bras. Je ne la corrigeai pas lorsqu'elle m'appela "maman". Je n'en avais pas la force à cet instant précis. J'étais beaucoup trop inquiète.
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Les sœurs Wood : bal
Ficción históricaToute la ville de Charleston est en émoi. Le beau comte Basile Dash revient de son voyage en Afrique après dix ans. Toutes les mères espèrent marier leurs filles à ce bel homme. Mais qui choisira-t-il pour combler sa vie ? Gabrielle n'est pas du gen...