Chapitre 9

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Le bal était magnifique. Mère avait fait en sorte que nous ayons une grande superficie pour danser, un orchestre d'exception. La décoration était spectaculaire, colorée, à la mode et très fleurie. Cela annonçait le printemps. Le temps ces jours-ci, était très clément avec nous. Les gens dansaient, discutaient au petit buffet. Je me rendis jusqu'à la table et m'empiffrai de petits desserts tous plus délicieux les uns que les autres. Sissi virevoltait déjà en compagnie d'Arthur Dash. Elle semblait très souriante. Pas loin, maman les regardait avec une joie immense dans ses yeux, racontant à qui voulait bien l'entendre que le couple se marierait surement.

J'analysai l'attitude de mes parents. Rien ne montrait que nous souffrions du manque d'argent.

Un brin perturbée, je regardai rapidement autour de moi. Un groupe d'hommes plutôt fortunés discutaient entre eux en regardant les jeunes filles. L'un d'eux riva ses yeux dans les miens et me sourit. Je le lui rendis et bus une gorgée de mousseux.

Je n'avais toujours pas vu le comte. Et je devais dire que mon cœur palpitait à l'idée de le rencontrer ce soir.

Mon carnet de bal accroché à mon bras, je refusai plusieurs danses en compagnie d'hommes en prétextant que tout était déjà pris. Un mensonge que je ne regrettais pas. Mais j'acceptai la danse de celui qui me regardait un peu plutôt et qui était très charmant.

Il se présenta rapidement à moi et m'entraina vers le centre de la pièce, pour débuter la nouvelle musique. Johan Swit. Fils d'un riche homme. Rapidement, il mena la valse. Je constatai rapidement qu'il était irréprochable dans ses pas et était galant. Je lui écrasai une seule fois les pieds et il ne se plaignit pas. Nous ne parlions pas. Nous passions seulement un moment ensemble.

Quand la musique se termina, j'eus droit à un baise main et il retourna chez ses connaissances. Quant à moi, j'eus un clin d'œil de mère. Papa, plus loin, discutait probablement d'affaires avec des hommes plus âgés. Il se tourna vers moi et hocha la tête d'un air entendu. J'acquiesçai. Il lisait dans mes pensées. Je ne m'amusais pas plus que d'habitude. Mes sœurs, elles, s'amusaient, dansaient, semblait-il sauf les plus jeunes recluses dans leur chambre. Je les imaginais râler et tourner en rond. Rose n'avait pas encore pas encore été présentée la cour, donc ne pouvait pas assister à tous les bals. Quand sa saison arrivera, elle sera mise en avant et ira partout.

Soudain, un raclement de gorge derrière moi me surprit. Je me retournai et rencontrai des iris orageuses, plus foncées ce soir. Basile Dash me dominait par sa hauteur et sa prestance. Il s'inclina face à moi et je fis de même. Je ne parvenais pas à détourner les yeux de son visage. Un demi-sourire s'inscrivait sur ses lèvres. Je le vis jeter un coup d'œil à ma tenue.

- Miss Wood, je suis ravi de vous voir. Vous êtes ravissante.

- Moi aussi, cher comte. Merci beaucoup. Vous amusez-vous bien ?

Il regarda autour de lui.

- Agréablement. Votre mère a un don pour organiser ce genre de réception. Je dois dire que ce n'est pas ma tasse de thé.

- Je comprends. Comment va Lénor ? J'imagine qu'elle était déçue de ne pas venir ce soir ?

Il rit doucement et je regardai sa pomme d'adam monter et descendre. Je m'efforçai de cesser de le fixer. Ce n'était pas poli et nous étions au centre de toutes les attentions.

- Comme vous vous en doutez. Elle mourrait d'envie de vous voir, m'avoua-t-il en chuchotant presque.

Je hochai la tête en souriant.

- J'avais dit que je passerais vous rendre une petite visite et je compte le faire. Mais je dois avouer que j'ai eu beaucoup de choses à faire ces derniers temps.

- Envoyez-moi une lettre et nous organiserons cela, miss Wood.

Il y eut un silence entre nous mais il n'était pas gênant. Au contraire. On observa les danseurs. Sissi dansait toujours avec Arthur Dash. Le comte le remarqua immédiatement mais aucune émotion ne traversa son visage sculpté dans la glace. Cet homme était magnifique. Toutes les jeunes filles tombaient en pamoison devant lui. Je percevais des chuchotements sur notre conversation. Au loin, je savais que nous étions surveillés par mère.

- Est-ce que vous avez goûté les petites pralines ? m'interrogea le comte en me montrant du menton la table de buffet ou trônait tout un étage de pralines.

Je secouai la tête.

- Je n'ai pas encore eu l'occasion.

- Alors allons-y.

Il me tendit son bras et je l'attrapai. Il m'amena au buffet et me servit une assiette de pralines, avec des petits gâteaux en demandant aux serviteurs de le laisser faire. Je le remerciai et le regardai faire de même avec son assiette. Personne ne se servait au buffet habituellement, nous avions du personnel pour servir les invités.

- C'est succulent, m'exclamé-je en goutant une praline à la framboise.

- Framboise, vous avez eu ? J'ai l'impression que vous appréciez les fruits rouges.

Son regard ne quittait pas le mien et j'eus un sourire gêné.

- Ce sont mes préférés. Rien ne vaut une bonne framboise.

- Je suis bien d'accord.

Autour de nous, une chanson plus entrainante avait emmené beaucoup de couples sur la piste de danse. Nous les regardions danser. Ma sœur Cécile dansait avec Gérald Smith. Je savais qu'elle était obligée de danser avec lui. Elle ne refusait jamais une danse à un gentleman. Elle aurait à coup sur, préféré danser avec le frère du comte. Mais cela apporterait trop de rumeurs d'accorder trop de danses.

- J'ai été ravie de passer cette soirée avec vous, miss Wood.

Le comte s'inclina brusquement devant moi, déposa une bise sur ma main recouverte d'un gant et s'en alla rapidement. Je n'eus pas le temps de cligner des paupières qu'il avait disparu. Je demeurai seule, un peu perturbée par cette sortie soudaine jusqu'à la fin du bal.

Les sœurs Wood : balOù les histoires vivent. Découvrez maintenant