Le bureau des affaires étranges : les enquêtes de Plume et Robin

Lèvres scellées (Partie 7)

Juste avant de frapper je me rendis compte que je ne savais même pas si elle était chez elle, et si cette adresse était toujours la sienne. Mais je ne comptais pas abandonner devant la porte pour retourner au bureau. Je voulais cet entretien avec ma seule piste sinon j'allais devenir folle.

Au moment où je portais le poing à la porte pour y frapper une petite voix se fit entendre derrière moi. Elle était fluette, basse et paraissait venir de quelqu'un d'incroyablement stressé.

« -Vous me cherchiez ? »

Je pivotai doucement sur mes talons et posai le regard sur une petite femme blonde et ronde. Il fallait croire que c'était la journée des petits blonds.

« -Madame Marsan ? Lui dis-je avec douceur.

-Oui. Oui c'est moi. Vous désirez ? »

Je m'arrêtai un instant pour la détailler un peu plus. Elle était peu assurée et cela se dégageait d'elle. Elle portait des vêtements d'un banal remarquable et se tenait un peu courbée, la tête renfoncée dans les épaules. Elle tenait ses clefs dans ses petites mains gantées de laine colorée.

« -Pourrions-nous discuter à l'intérieur ? Il fait un froid de canard et je pense que nous en avons pour un moment ; répondis-je simplement avec un sourire.

-Hum...Mais qui êtes vous au juste ?

-Ah oui ! Pardon, mes excuses ; fis-je en tendant une petite carte de visite. »

- Plume, depuis quand on a des cartes de visite à l'agence ?

-Tu ne savais pas Robin ? Ça fait pourtant un moment. J'en ai toujours une dans mon portefeuille. Regarde. 

-Pourquoi je ne suis jamais au courant de rien !

-Arrêtes donc de te plaindre Robin...

« -Plume Kurten. Détective.

-Et ? Qui vous envoie ? C'est ce salaud de Rémi c'est ça ?! »

Sa voix tremblait de colère et ses poings s'étaient serrés.

« -Il ne risque pas d'envoyer grand monde à l'heure qu'il est ; dis-je avec maladresse. Il a été retrouvé mort à son domicile aujourd'hui même.

-Et vous me pensez suspecte !

-Pas le moins du monde madame. Je suis ici pour vous poser des questions en rapport avec une autre affaire.

-Quelle affaire ? demanda-t-elle, méfiante.

-Vous allez souvent au tribunal vous ? Voyons il n'y en a pas quinze qui vous concernent. »

Ma voix était sarcastique mais il fallait dire que j'avais froid et que je n'étais pas patiente. Je penchai légèrement ma tête sur le côté et ajoutai :

« -Vous comptez en parler dehors ? Au cas où vous n'auriez pas remarqué il fait très froid et vous êtes ma seule piste pour une affaire très importante. Alors peut-on entrer ?

-Bien sûr ; ajouta-t-elle la voix tremblante après un silence. »

Je me décalai. Elle passa à ma gauche et sans risquer un regard vers moi enfonça la clef dans la serrure et déverrouilla l'entrée d'une oasis de chaleur dans cet hiver épouvantable. Elle se glissa comme un rat dans sa tanière à l'intérieur et me tint la porte pour je puisse entrer à mon tour. La première chose qui me marqua fut la forte odeur de cannelle dans l'habitat et l'immonde chat au poil décrépi qui s'était mit à feuler en me voyant. Je ne savais pas où était passée l'indemnité qu'elle avait reçu suite au procès mais certainement pas dans la maison en tout cas. J'entendis dans mon dos le claquement significatif de la porte et peu après Mme Marsan me dépassait pour poser son manteau sur le porte manteau.