⌠Interlude: Mempapeur⌡

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C'est une douleur fulgurante qui réveilla Silas. Un gémissement s'échappa de ses lèvres alors qu'il se redressait d'un bond. Il regretta aussitôt: dès l'instant où il se trouva assis, son épaule le lança si fort que le garçon la pensa cassée. Une grimace envahit son visage quand il se tourna vers le coffre, et il comprit qu'il aurait mieux fait de ne pas bouger et de rester allongé. Une nouvelle plainte de sa part fit grogner son aîné, qui semblait plongé dans un sommeil lourd. Et pour cause: l'atmosphère sombre et froide n'indiquait aucune trace du soleil, qui lui aussi paraissait loin de se lever.

Il était très tôt, ou très tard.

Il était l'heure à laquelle les noctambules voient la nuit embrasser la matinée, jusqu'à ce qu'elles se mélangent et qu'on ne puisse plus les distinguer. Silas gémit une troisième fois en se laissant retomber sur les sièges. Les décharges électriques dans son bras se firent aussitôt plus diffuses, autant que les éclairages artificiels qui éclaboussaient son visage. Les yeux mis-clos, le garçon soupira. Il sentait sa gorge se nouer et son épiderme brûlait sous la couverture. Les lampadaires continuaient de rayonner dans leur bruit constant et arrosaient de lumière le visage de Silas. Des frissons envahissaient son corps et son épaule en tremblait à chaque fois. Impuissant, il dut abandonner l'idée de se lever. Un occasion parfaite pour le vide de s'immiscer.

Et son souffle s'accélèrait de seconde en seconde, et ses pensées s'embrouillaient, et Silas sentit son cœur de serrer.

Rien n'avait changé, du moins pas pour très longtemps. Ça reprenait le contrôle, glissant dans sa tête, s'insinuant partout, ça rampait dans ses poumons et lui bloquait la respiration. Comme d'habitude. Les lampadaires se changeaient peu à peu en ennemis impitoyables et leur léger craquement en un bourdonnement déchirant. Silas sentait son épaule douloureuse, un peu plus à chaque grésillement, si bien que le bruit devint insupportable. Et le garçon ne pouvait rien faire face au flots de hurlements qui envahirent son crâne, tous plus fort que le précédent, jusqu'à ce qu'il se noie dans le bruit. Deux petites larmes vinrent brûler le coin de ses yeux. Il ne les remarqua même pas. Le souffle coupé, Silas ferma les yeux, très fort.

Allongé tout proche, Auphelius fronça les sourcils.

Il était presque certain d'avoir entendu son passager se relever brièvement, mais à présent qu'il pouvait entendre la respiration lente de ce dernier, le doute s'empara de lui. Si Silas ne dormait pas, il faisait drôlement bien semblant, et s'il dormait, c'était d'un sommeil agité. Auphelius soupira. Son doute perdit toute son importance lorsqu'il sortit de la torpeur du sommeil. Ce furent les grésillements des réverbères qui le tirèrent définitivement de son repos, et le musicien cligna plusieurs fois des yeux afin d'être sûr qu'il était réveillé. Le monde lui paraissait encore flou, désorganisé et insensé.

L'étui bleu, si doux entre ses bras, lui sembla être la seule chose réelle dans cet univers confus.

Alors Auphelius fut pris d'un sourire, un vrai, un immense sourire qui rayonnait dans la noirceur de la nuit. Il se redressa, discret tel la musaraigne, et pencha sa tête par dessus les sièges. Silas avait les yeux fermés et le souffle toujours aussi lent. L'altiste saisit son instrument avec plus de douceur que jamais, ouvrit la portière du coffre aussi silencieusement que possible et se glissa dans l'ombre. Une fois le coffre refermé, Auphelius caressa du regard son alto tandis qu'il s'éloignait du véhicule. Il avait tant attendu ce moment, et enfin il pouvait retrouver sa liberté, la vraie. Celle qui résonnait partout dans son être et qui ne pouvait lui être arrachée.

Enfermez-le s'il vous chante, Auphelius trouvera toujours le moyen de jouer, et pour se jouer du monde il emportera dans sa fuite un instrument volé.

L'appel Du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant