⌠On en rêve plus, on y croit⌡

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<< On va où ? >>

La question demeura sans réponse, mais elle n'en attendait pas. Elle était sortie toute seule, sans prévenir, et Silas lui-même ne prêta pas attention à ce qu'il disait. Il la sentait encore. Il la sentait encore, l'absence d'anxiété, l'euphorie toute neuve qui venait de naître en lui. Son regard dérivant un peu partout admirait le monde comme s'il le voyait pour la première fois. C'était comme s'il avait eu besoin d'un choc, d'adrénaline pour se réveiller d'un cauchemar.

Parfaitement lucide, Silas découvrit le plaisir de regarder des reflets de soleil sur le métal. Des tournesols luisants, dégoulinant de lumière. La chevelure de son aîné, et ses yeux, et la courbure de son visage. Tout était si joli, tellement joli. Et surtout, le silence était tellement plein que ça le faisait frissonner. Mais pas de froid, non. De joie. Il se sentait juste bien, et c'était déjà beaucoup. Le garcon regarda une nouvelle fois par la fenêtre, découvrant une forêt loin derrière les champs. Les sapins brillaient d'ambre face au crépuscule, et Silas trouva cette vision féerique. Il voulu partager sa découverte avec le conducteur, s'écrier que c'était si beau, toute cette lumière, mais le plus âgé le devança:

<< Je ne sais pas vraiment ce que je fais.

- P-pardon ? >>

Le sortant de son rêve, le conducteur répéta ses mots, puis se tut, comme si il ne savait plus quoi dire. Silas reporta alors son attention sur son aîné, oubliant les arbres dorés et la lumière des tournesols. Sur le visage du musicien, celle-ci apparaissait différente. Elle pétillait presque sur son expression concentrée, quand il devait froncer les sourcils pour y voir quelque chose. Les rayons semblaient glisser sur sa peau claire et l'inonder de teintes mirifiques. Le regard fixé sur la route, ses yeux étincelants et pourtant si sombres ne quittaient l'horizon que pour disparaître quelques instants derrière ses paupières. Silas voulu parler, seulement rien de ce qu'il aurait pu dire n'aurait réussi à retranscrire ce qu'il éprouvait. C'était comme avoir peur, sauf que c'était bien.

<< Je n'ai aucune putain d'idée de ce que je fais. >>

Le passager secoua la tête, comme s'il comprenait de quoi parlait son aîné sans pour autant en saisir tout le sens. Ce dernier souffla, avant de continuer.

<< Et qu'est ce que je fais ? Je kidnappe un enfant ! >>

Silas fronça les sourcils. Kidnapper ? A aucun moment l'adolescent n'avait songé à cette situation comme un kidnapping. En fait, il n'avait pas réfléchi à la situation du tout. Il l'avait observée, comme s'il ne faisait pas partit du décor. Il l'avait regardée comme s'il n'y participait pas. Et encore une fois, comme s'il n'agissait pas réellement, les mots s'échappèrent de ses lèvres sans qu'il puisse y penser.

<< Vous ne me kidnappez pa-

- Vouvoie moi encore une fois et je te balance par la fenêtre. Je suis pas si vieux. >>

Le plus jeune resta un moment interdit. Le soleil commençait à disparaître au loin dans de grands éclats rouges, et les yeux du conducteur paraissaient avaler les rayons tant leur noirceur était intense. Ivre de lumière, Silas baissa les yeux.

<< Et je ne suis pas un enfant... >>

Ses mains jouaient nerveusement avec les plis de son sweat. Après tout, ça n'était pas complètement faux. Il avait dix-sept ans, presque dix-huit, c'est à dire environ la fin de l'adolescence. Le mot enfant n'était plus adapté pour le décrire. Pourtant, malgré la voix grave et un peu forcée qu'il avait utilisée, ses derniers mots trahissaient une insécurité immature, une immaturité innocente et un peu lâche. Silas n'était plus un enfant, mais agissait comme tel parfois encore.

L'appel Du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant