⌠Combler le vide⌡

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Ils se voyaient pour la première fois depuis plusieurs semaines.

De loin, dans une salle remplie et dans un contexte peut-être inapproprié à des retrouvailles, mais ça ne les empêcha pas de se sourire plus fort que jamais. Les bruits de murmure, les autres, la raison de leur présence, tout cela avait disparu à l'instant où Silas avait fini de témoigner et avait adressé ce regard à Auphelius. Ils ne s'étaient pas encore dis un mot qu'ils avaient déjà retrouvé leur bulle de paix. Et ils s'étaient souris, sans s'arrêter, depuis ce moment jusqu'à la fin du procès.

°°°

Devant Nils était réuni un groupe digne d'une série policière. Deux adolescents, une psychologue, une policière et son assistant à l'insupportable sourire.

Les avocats venaient de finir leurs monologues interminables que Nils avait difficilement suivi. Il avait bien fallu qu'il suive, mais son attention commençait à décliner, et il ne put s'empêcher un soupir soulagé lorsqu'iels s'arrêtèrent de parler. S'il avait retenu l'essentiel, il avait du mal à prendre une décision tant les faits lui semblaient confus.

Nils était un homme qui aimait les faits. Fasciné par les opinions, les avis et les mensonges car ils ne les comprenait pas, Nils s'était tourné vers quelque chose d'autrement plus concret: les faits. Puis, il avait décidé d'apprivoiser son fléau. En tant que juge, il aurait l'occasion de voir certaines situations plus complexes que factuelles, et cela avait éveillé sa curiosité jusqu'à devenir une obsession.

C'est comme ça que Nils était entré dans le droit. Du haut de ses vingt-neuf ans, il avait commencé à travailler après avoir maintes fois prouvé sa valeur. Sans talent particulier et partant avec d'énormes difficultés, il avait ainsi démontré que sa persévérance dépassait tout, le poussant plus loin qu'il ne se serait jamais vu.

Pragmatique et souvent très juste, il avait jusqu'alors réussi à appréhender les quelques cas qu'on lui avait confiés. Sa carrière débutait, pas trop mal, pas trop bien non plus, juste moyenne, et c'était plus qu'il n'espérait.

Et ce procès là était de loin le plus confus.

Nils n'avait jamais apprécié les avocats, puisqu'ils se servaient des mots pour déformer une réalité déjà assez complexe. Cela dit, il respectait humblement leur travail, surtout pour ce cas-ci, car ils paraissaient eux-aussi avoir du mal à comprendre.

D'après ce que lui avais entendu, l'accusé avait déjà été jugé mais incarcéré à tort. La psychologue de la victime et ce dernier -un adolescent anxieux qui parlait si vite que Nils l'avait à peine compris- le défendait furieusement, et personne n'avait protesté. Le jeune garçon était accompagné de sa psychologue uniquement, aucun signe de ses parents.

Quant à l'autre, Auphelius, seule sa mère était présente, et se contentait de nier le vol de sa voiture. Elle pleurait et distribuait des regards suppliants, sincères mais qui n'affectèrent ni les avocats, ni les policiers venus témoigner, ni Nils. Seule la psychologue, à côté d'elle, lui avait offert un mouchoir et une épaule compatissante.

S'il résumait ce qu'il savait, le jeune juge avait trois informations: l'accusation de kidnapping était un malentendu, le vol de la voiture n'avait jamais eu lieu, et il restait donc comme véritable victime le luthier.

Or celui-ci avait déjà été présent lors du précédent procès.

Nils tapotait discrètement son stylo sur la table, tandis qu'il réfléchissait. Au final, les faits restaient les seuls auquels il pouvait se fier. Et les faits ici étaient que la victime présumée, la psychologue et la mère de l'accusé arguaient tous qu'il était innocent. Dans un soupir, Nils eut l'impression d'enfin comprendre son attirance pour le concret, de rétablir des faits vérifiables, de trouver un sens à sa rationalité.

L'appel Du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant