⌠Le meilleur est à venir, tu verras⌡

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<< Tu me joues quelque chose ? >>

Stupéfait, Auphelius dévisagea Silas, se demandant s'il se moquait de lui.

Assis dans le silence d'une matinée sur une aire d'autoroute, les deux garçons n'avaient pas prononcé un mot depuis qu'ils s'étaient arrêté pour se reposer. Silas avait mangé sans rien dire la barre de céréales que lui avait donné son aîné, et celui-ci l'avait regardé, muet. Étrangement, Auphelius avait senti que lui-même ne pourrait rien avaler ce matin là.

Un poids indéterminé s'était logé au creux de son ventre il ne savait trop quand, ni pourquoi, et refusait de le laisser tranquille. Même respirer était devenu une sensation différente de d'habitude. Pas nécessairement désagréable, mais suffisamment présente pour lui couper la faim. Et, encore plus inhabituel, malgré la brise sèche qui s'acharnait sur lui, Auphelius se moquait bien d'avoir froid. Son unique sweat-shirt posé sur les épaules de Silas semblait être là à sa place, et ce dernier était contagieux: s'il allait bien, tout allait bien. Et son sourire était chaleureux, tant qu'il ressemblait à un véritable rayon de soleil.

Silas, soleil, ces mots se confondaient jusqu'à n'être au final que des synonymes. C'était évident, quand il faisait si beau malgré les innombrables nuages.

Depuis qu'ils avaient repris la route, il souriait sans cesse, malgré la douleur de son bras maintenu maladroitement avec ce que Auphelius avait trouvé. Même lorsque son aîné s'était approché une seconde fois de sa blessure afin de juger de sa gravité, il n'avait pas laissé ses lèvres se reposer, et avait continué de sourire. Il souriait sans cesse. Peut-être parce qu'il avait vu la route défiler dans le même sens que la veille, l'emportant loin de ses soucis vers un rêve. Auphelius le sentait aussi, depuis quelques temps, ce rêve, celui qui avait décidé de se loger dans sa cage thoracique et l'empêchait d'avaler ne serait-ce qu'une gorgée d'eau.

Alors il regardait Silas sourire, manger, rayonner et chasser les nuages.

Et Silas le regardait en silence, en souriant, en mangeant, il regardait les reflets des nuages dans ses yeux.

Et puis, il avait brisé le silence, d'une façon pour le moins inattendue.

<< Tu me joue quelque chose ?

- Excuse moi ? >>

Auphelius avait très bien entendu, mais pour être sûr de ce qu'il avait compris, il laissa Silas répéter.

<< Tu as un alto, tu dois savoir en jouer non ? >>

Ça, Auphelius ne s'y attendait pas. Il chercha dans le regard du plus jeune quelque chose, il ne savait pas vraiment quoi, qui lui indiquerait qu'il n'avait pas besoin de répondre. Il ne savait pas quoi répondre. Pourtant, sa réponse était déjà nette. Pas question de saisir son instrument à côté d'un inconnu.

La lumière du jour se libéra quelques instants des nuages pour inonder le visage de Silas, et tout en souriant celui-ci ferma les yeux. Les étoiles sur ses joues paraissaient s'illuminer, ses cheveux de même, il resplendissait. Et alors Auphelius comprit.

Il était là, son doute: Silas était-il vraiment un inconnu ?

Dans l'absolu, bien sûr qu'il l'était. Mais en fin de compte, les traits de son visage ne rappelaient-elles pas ceux de l'alto ? Et sa voix, n'était-elle pas aussi mélodieuse que le son des cordes ? Oui, même sa présence était familière, précisément parce qu'elle rappelait la douceur de la musique. Les mains de Silas lui évoquaient son archer: il ne voulait rien tenir d'autre.

Auphelius soupira.

Envolé, disparu à jamais le garçon froid et insensible qu'il s'était imaginé être. Sous le regard de Silas, il sentit ses doigts frémir. Il sentit sa réticence fondre, jusqu'à ce qu'il ne la sente plus du tout. Il sentit qu'il ne pourrait pas refuser. Alors il ne répondit pas, soupira une deuxième fois et se leva du banc sur lequel ils étaient installés.

L'appel Du VideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant