Chapitre 1 - Le parapluie jaune

620 28 9
                                    


C'était une journée chaude qui annonçait bientôt la fin du printemps. L'air, encore assez agréable, tendait à se réchauffer et le soleil, bien plus lumineux chaque jour, formait de jolies ombres qui s'entrecroisaient comme une toile d'araignée brûlante et ronronnante sur le mur blanc de l'appartement du jeune exorciste. De longs rayons mordorés et safranés filtraient à travers les grandes fenêtres et formaient un agréable jeu de lumière à la fois rassurant et revigorant. Le ciel demeurait bas et les nuages se rassemblaient de plus en plus, annonçant un été chaud et sans doute très humide. La saison des moussons ne tarderait pas à faire son apparition et avec elle, celle des tremblements de terre et des typhons. Fantasme mondial, les terre nippones n'en demeuraient pas moins dangereuse et la Nature se faisait un plaisir de le rappeler à tous ses habitants une saison entière durant. 

Installé sur un canapé-futon prusse, un homme sortant de l'ordinaire avait juré sur l'honneur de débarrasser le monde du mal qui manquait, chaque jour, de l'anéantir. Bénit et maudit à la fois par la longue lignée dont il descendait, l'homme avait depuis longtemps accepté son sort, se résignant à détruire la source du mal qui poussait les enfants comme lui à naître. Suivant les instructions qui lui avaient été données, la probable future tête du clan Inumaki avait suivi des cours dans l'école d'exorcisme de Tokyo, affrontant nombre de dangers, risquant plus souvent sa vie durant ces trois années d'études que la plupart des autres humains ; ces années n'avaient néanmoins pas été entièrement sombres. Il avait au sein de son établissement liés d'étroits liens d'amitié avec ses camarades, camarades qu'il côtoyait toujours malgré les années passées. L'âge adulte les avait séparé. Poussée par ses convictions, Maki avait fini par quitter la capitale pour affronter le plus de fléaux possible, espérant ainsi grimper en haut des échelons et prouver à son clan qu'elle en prendrait la direction - et à vrai dire, personne hormis les concernés ne doutait de ses capacités à y arriver. Panda, de son côté, était devenu enseignant dans leur ancienne école, contraint de rester loin du monde humain à cause de son apparence. Là-bas, ses aptitudes de combat aidaient les plus jeunes à se renforcer et à bien y songer, ce poste lui convenait tout à fait. Il ne s'était jamais plaint de sa condition et n'avait jamais exprimé le désir d'occuper autrement sa vie. Toge se retrouvait seul, mais la situation ne le dérangeait pas plus que ça. Savoir ses amis heureux suffisait à son bonheur et il se tenait assez occupé pour ne pas songer à sa propre solitude. 


Le soleil s'éclipsa tôt à cause des nuages ; il disparut complètement à quinze heures quarante-cinq. Tout se recouvrit d'ombre, opaque d'abord, puis étonnamment légère et diaphane au fur et à mesure que l'œil s'habituait. Les stridences commencèrent sans annonces à l'obscurité tapante. Mystérieuse nature. C'est alors que démarrait à Tokyo, plus à l'est qu'Osaka le long du littoral, la volée des moustiques. Elle fusait, surgie de nulle part ou peut-être des eaux qui bordaient le mont Fuji, à seize heures trente pétantes et s'achevait à dix sept heures habituellement. 

Ce soit, les affreuses bestioles avaient de l'avance. Sans doute aveint-elles senti la pluie arriver et se dépêchaient-elles de se nourrir avant de devoir s'abriter. Tant pis pour les raisonneurs pointilleux qui ne croyaient pas les insectes capables de telle ponctualité et anticipation. S'ils tardaient à se barricader et à tirer les moustiquaires durant cette minuscule demi-heure, ils étaient parés pour une raclée de piqûres, et c'était leur chance s'ils ne tombaient pas sur un tigré, terrible sous-espèce dont le talent résidait dans la capacité à faire tripler de volume la partie du corps où s'était enfoncée la petite trompe voleuse de sang. 


Le jeune exorciste décolla ses yeux de son livre et releva la tête vers le ciel. L'absence de jour permettait tout : toutes les audaces, toutes les images, toutes les noces sémantiques, imaginaires, lyriques. Et lui qui connaissait si bien Tokyo, il la voyait, cette ville, plus vivante qu'elle ne pouvait être, parce qu'il la voyait la nuit et par les yeux d'un manipulateur d'énergie maudite. Ses mains glissèrent sur le côté pour se saisir d'une veste imperméable noire qu'il enfila en vitesse, avant d'attraper le masque sans lequel il ne sortait jamais. Jetant un coup d'œil à son reflet, il se surprit à songer qu'il aurait, pour une fois, préféré sortir sans. La pluie risquait de mouiller le tissu et la sensation de l'humidité sur sa peau lui déplaisait fortement. 

Jujutsu Kaisen - Inumaki Toge x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant