Prologue

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Janvier 2012 Agoè-Cacavéli Lomé-Togo…

Un instant précieux s’en va ! Il a suffi juste d’un dernier battement, d’une seconde d’inadvertance, pour que tout vacille.

Un regard sur l’horloge accroché au mur de la chambre, et la jeune demoiselle constata qu’il venait de sonner exactement zéro heure trente-quatre minutes. Elle poussa un soupir triste, puis d’un regard vide, regarda autour d’elle. Il y a encore à peine une heure de temps, cette chambre ressemblait à une suite présidentielle d’un hôtel 5 étoiles. Pas de miroir brisé, ni de cadre fracassé au pied du lit, ne constituaient son paysage d’antan. Les murs, ainsi que le tapis persan au milieu de la pièce, n’étaient pas non plus dénotés par des traces de sang. Et le sol, n’était pas non plus jonché de débris de verres, ni de bibelots détruits. Mais tout cela, c’était il y a à peine, une heure de temps !

Qu’est-ce qui a bien pu se passer ici ?

D’un regard livide, Assiatina fixa devant elle, le portrait de l’amant de sa mère, éclaboussé de sang. Ses habits complètement en accroc, étaient à l’autre bout de la pièce. Totalement nue, pieds et jambes joints, le tout replié contre le torse, elle avait les bras passés autour d’elle, en un signe de protection. Dans sa main gauche, se trouvait un couteau suintant du sang, qu’elle ne lâcha point.  Balançant son corps de l’avant en arrière dans un va-et-vient sinistre, elle ne cessa de répéter inlassablement :

   - Je ne suis coupable de rien ! Ce n’est pas de ma faute ! J’ai juste voulu me protéger, et ils ont eu juste ce qu’ils méritent.

A quelques mètres d’elle, se trouvaient deux corps sans vie. L’un, appartenant à sa mère, et l’autre, à l’amant de sa mère. Les corps étaient étendus là, face contre terre, baignants dans une mare de sang.

  - Il faut que je les appelle ! songea-t-elle, en dandinant sa tête dans tous les sens.

Aussitôt dit, qu’elle empoigna tout doucement le Smartphone qui gisait là parterre, à côté des cadavres. Puis d’un geste fébrile, effleura les numéros visibles sur l’écran de l’appareil.

  - Allô ! bredouilla-t-elle de cette voix éteinte et virevoltante, quand elle entendit une voix à l’autre bout du fil. (Elle soupira nerveusement.) J’appelle le 117.

  - On vous écoute mademoiselle ! Lui répondit une voix d’homme.

Comme si on lui comprimait la poitrine, elle poussa un hennissement faible, avant de dire :

  - Je me nomme Assiatina Greishla Ahar… résidant au 641 Rue des Lauriers… Quartier Agoè-Cacavéli, et je viens de tuer mes parents. (Elle fit une courte pause, puis soupira bruyamment.) Mais ce n’était pas de ma faute. (Elle renifla.) Venez vite s’il vous plait !

Puis sans attendre la réponse de son interlocuteur, elle laissa le téléphone lui échapper des mains, et se fracasser au sol. Tout doucement, elle reprit ses sempiternels mouvements de tête, dans des va-et-vient sinistres, ne cessant de clamer son innocente dans des marmonnements sourds.

Après un moment qui lui parut une éternité, elle laissa enfin couler ces prémices de larmes, pendant longtemps retenues.

  - Je n’ai pas voulu cette situation papa ! hoqueta-t-elle entre deux sanglots, la tête fermement coincée entre ses jambes. Je n’ai jamais voulu en arriver là ! (Elle passa légèrement son visage contre ses jambes jointes, dans un va-et-vient triste.) Tout ce que je voulais, c’était vivre en paix, grandir en toute sérénité, et devenir cette femme que tu souhaitais tant pour moi papa ! (Elle s’arrêta spontanément, les traits de son visage devenus rigides.) Mais c’était eux contre moi, et je n’ai fait que me défendre !

Elle posa de nouveau sa tête contre ses genoux, puis continua de pleurer. Elle ne saura dire, combien de temps il a fallu à la police pour enfin être là. Mais, elle se rappela très bien le bruit des gyrophares, du remue-ménage dans la maison, plus précisément dans la chambre. De la couverture qu’on lui passa pour voiler sa nudité, ainsi que des cris d’indignation et de supplication des employés, surtout ceux de Djeth, quand la police l’emmena. Absente de tout ce qui suivit, elle se rappela juste des grincements des grilles de sa cellule, et du fait qu’elle s’était écroulée sur le sol froid de cette cage lugubre et sans vie, à l’odeur nauséabonde, en ne cessant de dire :

  - C’est fini ! Oui, tout est bel et bien fini ! Plus jamais, il ne posera ses sales mains sur moi. Merci seigneur !

Tour d'Ivoire T1: UNE AFFLICTION SOUS SILENCEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant