C'est une vérité que dans l'amour et la guerre, les mondes se heurtent et les cœurs se brisent.
Il lui était impossible de se remémorer avec exactitude dans quel ouvrage elle avait lu cette citation. Et pourtant, alors que l'univers explosait autour d'elle, l'extrait s'était frayé un passage et imposé à sa conscience. L'amertume la saisit à la gorge alors qu'elle voyait tout ce qui lui était cher disparaître dans un nuage de fumée. La poussière brûlante caressa son visage et les premières lanternes se mirent à danser devant ses rétines.
Pourquoi est-ce que tout commençait toujours par une nuée de fumée ? L'absurdité de cette question aurait pu la faire rire dans d'autres circonstances. Imprimé au fer rouge sur sa peau, indélébile, comme une brûlure vive et mordante, son regard se braqua sur sa silhouette sans qu'elle n'esquisse le moindre mouvement. C'était pourtant si facile : il lui suffisait d'activer les muscles de ses jambes et de se propulser vers l'avant sans se retourner. Alors, qu'est-ce qui l'empêcher de bouger ?
Une nouvelle scorie acide se déposa sur sa joue blême mais malgré la douleur qui transperçait la moindre parcelle de son organisme, elle demeurait là, agenouillée telle la Piéta, le poids de sa conscience attaché aux mollets. Quelle était la suite de ce récital déjà ?
Peut-être était-ce la moiteur de l'air qui la fit réagir. Peut-être était-ce l'odeur âpre de la rage qui la tira de sa léthargie. Peut-être était-ce le craquement des os, bruit sourd et mat, qui éclata un verrou de son esprit. Ou bien étaient-ce ces cris, poussés avec tant d'abnégation, qu'il lui fallut plusieurs secondes pour se rendre compte que celle qui hurlait, c'était elle. La bouche déformée en une plainte sourde, sortie du tréfonds de ses entrailles, il lui semblait que ses cordes vocales s'enflammaient elles aussi, à l'image de tout ce qui l'entourait.
Il y eut une ombre au-dessus de sa tête, occultant de ce fait la lumière ardente de la cité. Un liquide chaud et poisseux arrosa son faciès, se mélangeant aux escarbilles incandescentes, masque vermeil et délavé. L'inspiration suivante lui envoya une décharge à travers chaque fibre de son corps, pantin désarticulé qui se dresse, serrant faiblement la petite entité contre son haut imbibé de ce même fluide écarlate.
Je veux vivre, puisque je sais que je suis en train de mourir, prendre ma croix, ne pas avoir peur.
Une pulsion tapie au fond de son âme se réveillait enfin et la poussait à avancer. Une nouvelle salve lancinante traversa sa colonne vertébrale, manquant de la faire chuter sur le bas-côté – elle aurait pu abandonner, choisir la défaite comme lui avait souvent murmuré son démon au creux de l'oreille. Mue par une volonté qui la dépassait entièrement, ses pieds continuaient de fouler la terre, ses membres inférieurs continuaient de battre le sol avec fermeté, pendant que ses rétines cherchaient un point de fuite.
Quoi qu'il arrive, elle le sauverait. L'injonction avait surgi au milieu des décombres de son essence, de la même manière que la sérénade persistait à se jouer dans sa boîte crânienne.
C'est un avertissement, que cela vous plaise ou non, je m'effondre comme un disque qui tourne, Je dois me relever alors reculez.
Les lumières recommençaient à valser devant son champ de vision, innombrables papillons scintillants, et sa prise se referma davantage autour de la frêle personne qu'elle maintenait contre sa poitrine.
Elle tiendrait sa promesse, qu'importe le prix à payer. Même si elle était incapable de se sauver elle-même, elle viendrait en aide au reste du monde.
Je le sens dans mes veines, ce n'est pas en train de partir. Tout est sur le point de changer.
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Nos cicatrices
ActionAndréa est médecin dans un monde où le chaos règne en maître, où le sentiment prévalent est la peur. La peur d'être dominée par eux : les titans. Dans ce monde meurtri, Andréa s'acharne à réparer les âmes rencontrées. Même si la sienne est morcelée...