Chapitre deux | La proposition

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De tous les scénarios possibles et imaginables, il avait fallu que ce soit celui-ci qui se déroule dans la vraie vie. Andréa aimait anticiper les évènements, cela rassurait dans ses actions, mais là... Cela dépassait complètement ce qu'elle avait pu prédire lorsqu'elle s'était lancée à la poursuite des titans. Son instinct avait surpassé son discernement, et à présent, elle se retrouvait dans la gueule du loup. Le repère de ceux qu'elle exécrait au plus haut point, et ce pour des raisons bien précises. Alors qu'elle vérifiait le pouls de Mike, la jeune femme osa une œillade sur la droite, vers le cavalier à la tignasse blonde. Il paraissait tout aussi contrarié qu'elle, de ce fait elle ne se sentait pas du tout encline à lui poser la moindre question.

Ils filaient à vive allure dans la prairie en direction de leur caserne : la rousse avait capté des bribes de conversations, elle savait donc où ils se rendaient, ce qui ne l'enchantait pas du tout. Elle déglutit, elle-même au bord du malaise à cause de la douleur qui irradiait dans sa hanche gauche. L'antalgique qu'elle avait bu ne faisait plus effet, et la sensation désagréable la faisait gigoter sur sa place. Impossible de prendre une nouvelle dose, l'acajou aurait l'air aussitôt suspecte, et elle n'avait pas spécialement envie de se retrouver enfermée dans un cachot parce qu'elle avait prise un médicament...

— On arrive, lui indiqua alors le soldat à la coupe en brosse d'un ton bourru.

Elle opina d'un signe de tête, une boule compacte formée dans sa gorge. Ils passèrent dans une rue bondée et elle rabattit sa capuche sur la tête, ne désirant pas être reconnue. Ses doigts se crispaient autour du poignet de son patient, désireuse de parvenir dans les plus brefs délais dans un endroit propre pour qu'elle puisse travailler avec décence. Son vœu ne tarda pas à être exaucée car dès qu'elle rouvrit les yeux, la charrette s'immobilisa dans une cour.

Tous étaient en effervescence, s'affairant à déplacer les blessés des carrioles et à récupérer les différents outils. Elle avait l'impression d'être prise au piège, une complète étrangère dans un monde inconnu, où la force prédominait sur tout. Andréa descendit à son tour, aidée par le platiné dont elle sut enfin l'identité : Reiner. Le soleil pointait le bout de son nez derrière la masse nuageuse, créant des larges flaques dorés sur le sol pavé, alors que tous couraient sans faire attention à la pellicule d'eau qui recouvrait les dalles. La quantité de stimuli lui donnait le tournis, si bien que la soignante porta une main à son front, soudain nauséeuse.

— C'est par là, enchaîna Reiner alors que la civière de Mike suivait le reste du peloton.

Les capes vertes volaient de partout, comme une nuée d'oiseaux émeraudes, et elle suivit son guide sans broncher, incapable de prononcer le moindre mot. Pourquoi se sentait-elle si oppressée ? Elle se contentait de faire son travail, de la même manière qu'elle l'avait toujours fait. L'atmosphère des lieux lui comprimait la poitrine, avec la sensation qu'on l'épiait, qu'on la dévisageait... Ce qui n'était pas faux. Son insigne, sa démarche, sa valise, rien ne passait inaperçu dans cet endroit où tout le monde se connaissait depuis des années – la guérisseuse était ce grain de sable dans l'engrenage, et elle détestait ça.

De ce fait, elle se tassa davantage derrière la large stature du soldat, le faciès tourné vers le bas, souhaitant éviter les œillades déplacées ou une confrontation directe. L'échange avec l'homme aux prunelles d'acier la hantait encore, et à cette pensée, l'acajou avala difficilement sa salive. Elle avait beau remué dans tous les sens sa mémoire, elle ne parvenait pas à se rappeler dans quelles circonstances elle avait croisé cette paire d'yeux si particulière. Elle n'eut pas le temps de gamberger davantage car elle pénétra dans une grande pièce, haute de plafond, où avait été amenés tous les rescapés du carnage. Encore perturbée par ce qu'elle avait vécu, Andréa manqua de sursauter lorsqu'une paume sur posa sur son épaule et que deux iris sombres se braquèrent sur elle.

Nos cicatricesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant