Chapitre sept | Leçon ensanglantée

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Andréa était sûre d'une chose : elle détestait parler devant les gens. Cela générait chez elle un profond malaise, avec l'impression constante que ses interlocuteurs la jugeaient parce qu'elle n'inspirait pas un grand respect comme les figures de pouvoir, à l'image d'Erwin par exemple. Une sensation d'oppression qui lui serrait la poitrine en étau, les extrémités froides alors que le sang quittait sa tête pour aller dans ses pieds. Dans le cas présent, la rousse était au bord de l'évanouissement.

Des dizaines de paires d'yeux se braquaient sur sa fine silhouette tandis que la thérapeute se dandinait sur ses pieds, priant tous les dieux pour ne pas faire de bourde. Qu'est-ce qui avait pris à Hange d'organiser cette séance de remise à niveau sur les premiers secours ? Cela s'avérerait utile puisque les recrues semblaient tout juste connaître les rudiments primaires, mais ce n'étaient pas ces maigres notions qui sauveraient des vies sur le champ de bataille. Cela surprenait la rouquine qu'ils n'aient eu que des leçons élémentaires à ce sujet – à part mettre un garrot et installer une personne en position latérale de sécurité, ils ne savaient rien.

C'était donc dans ce contexte que la binoclarde était venue deux jours auparavant dans son hospice pour lui demander un service : donner des cours aux soldats. Elle avait d'abord refusé, parce qu'elle ne supportait pas s'exprimer devant des foules, mais aussi parce qu'elle était une piètre enseignante. La brune avait insisté, l'avait travaillée au corps en prétextant que cela l'aiderait à s'intégrer à la brigade et qu'elle se sentirait certainement plus à l'aise... Carstein avait fini par accepter, pour se débarrasser d'elle plutôt que par consentement libre et éclairer. Et comme cela ne suffisait pas, Zoë l'avait suppliée de leur refaire un topo sur l'anatomie car, selon elle, « les piqûres de rappel sont toujours bonnes à prendre. Et puis, ça te familiarisera avec eux, même si tu en connais déjà quelques-uns. »

Me familiariser avec eux, mais oui bien sûr... Pensa la doctoresse tandis que les retardataires prenaient place dans le fond du peloton. Par où pouvait-elle commencer ? Certains concepts risquaient d'être trop complexes pour eux, simplifier ses leçons de physiologie humaine représentait un réel défi pour l'auburn, au point que des nœuds se formaient déjà dans sa boîte crânienne. Pour ne rien arranger, en échange de bons procédés, Andréa se joindrait par la suite à un entraînement de manipulation de l'équipement tridimensionnel... Au cas-où elle aurait à fuir des titans. Hange avait beaucoup insisté là-dessus, pensant (à raison) que pour son intérêt personnel, apprendre à se servir du matériel pourrait lui sauver la vie dans l'avenir.

La femme au cache-œil était démoniaque, mais savait très bien se montrer persuasive. Elle ne payait pas de mine mais lorsqu'elle était convaincue de ses arguments, la commandante s'apparentait à ces bourreaux au sourire sadique. Loin de là l'idée de la diaboliser, mais Andréa l'imaginait tout à fait mener des interrogatoires musclés pour tirer les vers du nez de ses victimes. Elle chassa ces pensées de son esprit pour se reconcentrer sur le présent, bien que la soignante aurait souhaité disparaître dans un trou de souris pour toujours. Seulement, impossible de reculer maintenant : une promesse restait une promesse, elle ne voulait pas décevoir sa collègue au regard perçant.

— Bon, si vous avez des questions, surtout n'hésitez pas, je suis là pour ça. Je vais commencer déjà par faire des petits rappels sur l'anatomie et les différents traumatismes que le corps humains peut subir, et leurs conséquences, déclara le médecin avec calme, voix claire et assez haute pour que tous l'entende.

Elle affichait une expression sereine, mains posées à plat sur la table, alors que ses doigts tremblaient terriblement : une terreur sans nom la prenait à la gorge. Et si elle racontait n'importe quoi ? Et si elle n'intéressait personne ? Et s'ils la prenaient pour une débile ? Et si elle se ridiculisait parce qu'elle se retrouvait incapable de répondre à leurs interrogations ? Le doute semait déjà sa graine dans sa cage thoracique et pour se détendre, la jeune femme expira longuement, paume sur l'abdomen, pour reprendre le contrôle de sa respiration. Calme-toi, tu es capable de leur enseigner quelque chose. Tu n'as pas fait toutes ces études pour rien, se rassura Carstein alors qu'elle débutait son cours.

Nos cicatricesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant